La “révolte en cheveux blancs” fait reculer le gouvernement. C’est ce que constate El País après que “l’exécutif a rectifié le tir” et a répété, ce dimanche 19 avril, qu’il ne serait pas question d’obliger les personnes de plus de 65 ans à rester confinées après le 11 mai. “Compte tenu de la prolongation des mesures”, Emmanuel Macron a même “décidé de relâcher un minimum l’étau pour les plus fragiles”, ajoute Le Soir. Dès ce lundi 20 avril, “les résidents des Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] pourront recevoir la visite d’un ou deux proches à condition que celle-ci soit strictement encadrée. Et à condition de ne pas se toucher.”

La décision, aux modalités “presque draconiennes” pour El País, représente malgré tout “un soulagement pour les 700000 personnes âgées qui vivent dans ces établissements et pour leurs familles”. En effet, ces seniors “sont confinés depuis des semaines dans des conditions beaucoup plus strictes – dans leurs chambres et sans aucun visiteur – que le reste de la population”, relate le quotidien espagnol.

Des “décès insignifiants” ?

Et si des mesures aussi strictes sont prises, “c’est parce que le problème du coronavirus est particulièrement grave dans les maisons de retraite”, poursuit le média. Depuis le 1er mars, le nombre de décès dans les Ehpad est de 7 649. C’est d’ailleurs parce que les personnes âgées sont vulnérables que le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, avait suggéré un déconfinement par tranches d’âge, en privilégiant les populations jeunes, il y a quelques jours.

Mais “pour clore la polémique qui ne cessait d’enfler, Emmanuel Macron a fait savoir [le vendredi 17] qu’il ne souhaitait pas discriminer les personnes âgées et qu’il se contenterait d’appeler à la responsabilité individuelle”. Une déclaration qui a calmé le jeu sans pour autant dissiper totalement les doutes, explique El País, puisque la France ne présente toujours pas de stratégie claire pour le déconfinement.

Par ailleurs, d’autres situations poussent à s’interroger sur la relation qu’a la France avec ses aînés dans cette crise, relate la presse étrangère. Pour Le Devoir, il semblerait en effet que “la pandémie accentue la stigmatisation des personnes âgées”. Une tribune, signée par plusieurs chercheurs dont des Français, précise ainsi :

L’un des exemples les plus flagrants de ce que l’on pourrait qualifier de mépris à l’égard des aînés est le fait que les autorités françaises, notamment, n’ont pas comptabilisé le nombre de décès résultant du Covid-19 dans les maisons de retraite [au début de la crise]. Faut-il en conclure que leurs décès étaient insignifiants par rapport à ceux des jeunes adultes ?”

Les sacrifiés

De plus, renchérit de son côté Radio-Canada, la “France a le plus grand mal à protéger les aînés” et “beaucoup de Français ont le sentiment que les [personnes âgées] ont été abandonnées à leur sort dans cette crise. Sacrifiées, même, pour ne pas surcharger les services de soins intensifs.” Cela était le cas fin mars, lorsque la presse allemande révélait, abasourdie, que seuls les malades de moins de 75 ans (parfois 70 ans) étaient ventilés dans certains hôpitaux. Un “triage” réalisé par manque de matériel.

Mais cela semble encore être le cas aujourd’hui. Radio-Canada cite ainsi un élu parisien. D’après lui, le Samu, “en incapacité de secourir les aînés”, ne se déplace même plus.

Le Samu dit ‘je ne peux pas’ et les patients restent dans leur chambre.”

De nombreux cris d’alarme

De fait, résume encore le site canadien, “depuis que le coronavirus a fait son apparition en France, les cris d’alarme ne cessent de retentir dans les Ehpad”. Et ils viennent de toutes parts : des employés, qui “ont dû composer avec le manque d’équipement de protection, en plus de subir un manque chronique de personnel”. Des résidents, qui “coupés du monde, risquent de faire [en outre] une dépression”.

Et, tandis que “le gouvernement français a promis une campagne massive de dépistage pour identifier les malades dans les Ehpad”, une “campagne [qui] démarre lentement, déplore Radio-Canada, dans certaines résidences, les décès se comptent par dizaines”.