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COLOMBIE

Le ventre vide, les Colombiens se révoltent en pleine épidémie de Covid-19

Captures d'écran de vidéos ci-dessous, tournées à Medellin, en Colombie, à la mi-avril.
Captures d'écran de vidéos ci-dessous, tournées à Medellin, en Colombie, à la mi-avril.
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Alors que les Colombiens sont confinés depuis le 25 mars en raison de la pandémie de Covid-19, de nombreux habitants sont sortis dans les rues pour réclamer des aides alimentaires, tandis que certains ont tenté de piller des véhicules transportant des vivres. Beaucoup n’arrivent plus à joindre les deux bouts, faute de pouvoir travailler.

Le confinement a été imposé à Bogota, la capitale colombienne, dès le 20 mars, avant de s’étendre à l’ensemble du pays le 25 mars. Depuis cette date, il est interdit de se déplacer, sauf pour acheter de la nourriture, pour des raisons médicales, ou encore pour aller à la banque.

Dès le 24 mars, des personnes travaillant dans le secteur informel, comme des vendeurs ambulants ou des recycleurs, en majorité vénézuéliennes, se sont réunies sur la principale place de Bogota pour réclamer un soutien financier de la part des autorités. En Colombie, environ la moitié de la population travaille de façon informelle, au jour le jour.

Par la suite, d’autres petites manifestations spontanées ont été répertoriées dans le pays, pour exiger de l’aide. Mais celles-ci se sont multipliées dernièrement, notamment dans les quartiers les plus pauvres de Bogota, Medellin et Cali, où les aides alimentaires distribuées par les autorités sont loin de suffire, voire ne sont pas du tout distribuées, selon des témoignages publiés dans les médias locaux et sur les réseaux sociaux. 

Vidéo tournée à Bogota, dans laquelle on entend les gens crier “on a faim” et demander où sont les autorités.

La semaine dernière, des véhicules transportant des vivres ont même été pillés dans des quartiers populaires de Medellin, comme le montre la vidéo ci-dessous. Il s’agissait de vivres fournies par la municipalité pour aider les plus vulnérables.

Vidéo tournée dans le quartier Olaya Herrera, dans la commune 7 de Medellin. “Quelle horreur, ils sont en train de voler les courses. Ils n’attendent pas, ils ne font pas la queue”, commente une femme.

Dans la vidéo ci-dessous, on voit également des gens arrêter un camion au milieu d’une route à Medellin, pour ouvrir ses portes, avant de le laisser repartir. Rien n’indique toutefois que des produits ont été dérobés.

Vidéo tournée à Medellin, sur la route qui mène au tunnel de l’Ouest.

"Les habitants sortent dans la rue car ils ont faim"

Jonier Quiceno Ceballos, 25 ans, est "leader social" dans le secteur El Concejo, dans le quartier populaire Altavista, situé dans la commune 16 de Medellin, où une manifestation a éclaté jeudi 16 avril.

Ce jour-là, vers 19 h, les gens ont commencé à faire des "concerts de casseroles", depuis chez eux. Puis ils sont sortis dans la rue avec des casseroles ou encore des poubelles, pour continuer à faire du bruit. Ensuite, certains ont utilisé des pneus, du bois et du carton pour faire un feu. Beaucoup de gens sont alors sortis pour voir cela. Il y avait peut-être 200 à 300 personnes dehors : des femmes avec des bébés, des enfants, des personnes âgées… Mais presque personne ne portait de masque.

Vidéo tournée par Jonier Quiceno Ceballos dans le secteur El Concejo (quartier Altavista), dans la commune 16 de Medellin, le 16 avril.

La police est ensuite arrivée, pour éteindre le feu. Dans un premier temps, elle a voulu faire payer des amendes à certains, mais elle ne l’a pas fait car il y avait trop de monde. Puis un dialogue s’est instauré entre les habitants et les policiers durant 15-20 minutes, et ces derniers ont alors promis que le quartier serait aidé de façon prioritaire.

"Je dirais que seulement 50 % des habitants du quartier respectent le confinement"

Depuis le début du confinement, il y a des "concerts de casseroles" régulièrement dans le quartier, et les gens étaient déjà sortis pour protester, mais ça n’avait jamais été aussi massif. 

Les habitants sortent dans la rue car ils ont faim. En effet, beaucoup d’entre eux ne peuvent plus du tout travailler depuis un mois – ou plus autant qu’avant – dans la mesure où 60 à 70 % des gens du quartier travaillent de façon informelle : vendeurs ambulants, travailleuses sexuelles, cordonniers...

Après, dans la pratique, je dirais que seulement 50 % des habitants du quartier respectent le confinement : les autres sortent pour travailler et gagner un minimum d’argent, sinon ils ne pourraient pas du tout survivre.

"Si les gens ont un peu d’argent, ils vont acheter à manger, et non des masques"

À l’endroit où les gens ont allumé le feu, le 16 avril, il y a un mégaphone qui diffuse un message de la municipalité toutes les heures, rappelant qu’il faut bien s’alimenter, se laver les mains, porter des masques… Donc l’idée était de dire : "Nous voulons de l’aide, et non des conseils !" En plus, si les gens meurent de faim, et s’ils ont un peu d’argent, il est évident qu’ils vont acheter du riz, des bananes ou encore des tomates, et non des masques. 

Un mégaphone diffuse des messages de prévention de la municipalité, concernant le Covid-19, dans le secteur El Concejo (quartier Altavista), dans la commune 16 de Medellin. Vidéo tournée par Jonier Quiceno Ceballos.

Le lendemain de la protestation, des employés de la municipalité sont venus distribuer du poulet aux habitants du quartier, même si les portions étaient toutes petites. C’était la première fois qu’ils recevaient quelque chose de la part des autorités depuis un mois. Cela dit, s’il n’y a pas davantage d’aides, les gens vont continuer à protester, et sûrement de plus en plus.

"Il y a des bouts de tissu rouge accrochés aux fenêtres qui signifient : 'Nous n’avons pas à manger dans cette maison'"

Dans le quartier, on peut d’ailleurs voir quelques bouts de tissu rouge accrochés aux fenêtres. Ils signifient : "Nous n’avons pas à manger dans cette maison". On a commencé à les voir apparaître au bout de deux semaines de confinement environ, et dans certains quartiers de Medellin, ils sont visibles sur presque toutes les maisons. [Ces bouts de tissu rouge, accrochés aux fenêtres ou portés lors des manifestations, sont de plus en plus nombreux dans le pays, NDLR.]

De son côté, début avril, Jonier Quiceno Ceballos a commencé à récolter de l’argent auprès de particuliers et de fondations afin d’acheter des produits de première nécessité pour les personnes les plus vulnérables de son quartier.

"Concerts de casseroles" et tissus rouges aux fenêtres, dans le secteur Altos de la Torre (quartier Villa Hermosa), dans la commune 8 de Medellin.

"Concerts de casseroles" et tissus rouges, dans le centre de Medellin, le 17 avril. À une fenêtre, on peut notamment lire le message suivant : "Ici, ni le coronavirus, ni les vivres ne sont arrivés. Nous sommes 38 à vivre ici." Vidéo prise par Melissa Toro, du collectif Putamente Poderosas.

Selon les derniers chiffres officiels, 189 personnes sont décédées du coronavirus et 3977 cas ont été confirmés en Colombie, où vivent environ 50 millions de personnes. En théorie, le confinement devrait se poursuivre dans le pays jusqu’au 11 mai au minimum.

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