L’ampleur de l’épidémie de coronavirus à bord du porte-avions Charles-De-Gaulle a ébranlé l’ensemble des marins et leurs familles. Nombreux se demandent si tout est vraiment mis en œuvre pour garantir leur sécurité. Ou si le maintien des missions reste prioritaire sur leur santé.
À l’occasion du retour prématuré de la frégate Aconit lundi matin, en raison d’une panne sur la tourelle avant de 100 mm, l’épouse d’un membre de l’équipage nous a adressé par mail "un cri d’alerte sanitaire", accusant la Marine nationale de "mettre la vie de nos militaires en danger". Et la présence de plusieurs cas suspects à bord, après quatre jours de mer à peine, n’a rien fait pour la rassurer.
Un dépistage massif débattu ... mais abandonné
C’est donc une femme inquiète et en colère - "très en colère", insiste-t-elle, - que nous avons finalement rencontrée mardi matin. Elle l’affirme en préambule: "Si l’ensemble de l’équipage avait été testé avant de partir, comme ça a été un temps évoqué, je n’aurais rien dit".
Un dépistage massif a bel et bien été débattu, avant d’être abandonné. En témoignent les mails du commandant adressés à son équipage les quelques jours précédant l’appareillage. Le 14 avril, il écrit: "L’équipage de l’Aconit et tous les marins en renfort devraient faire l’objet d’un dépistage systématique. Je n’ai pas encore le détail de ce dépistage, dont la décision a été prise ce soir, mais je vous demande de vous rendre disponibles dès jeudi".
Le lendemain, il y revient en ces termes: "Je n’ai pas obtenu plus d’information quant à un dépistage de l’équipage. Les avis divergent entre spécialistes sur l’intérêt de ce dépistage, sachant que les marins de l’Aconit ne présentent pas de symptôme". Finalement, le 16 avril, la veille du départ, il annonce: "La question du dépistage de l’équipage de l’Aconit a été tranchée: nous n’y passerons pas car tous les marins de l’aconit sortent d’une période de confinement au moins égale à 14 jours et n’ont pas été en contact avec des personnes symptomatiques".
Après bien des débats, la Marine s’est donc contentée de mettre l’équipage en confinement, demandant aux marins de déclarer quotidiennement leur état de santé. Des mesures que l’épouse estime ne pas être à la hauteur de la situation. Pas plus que la distribution à bord de masques anti-projections. "Le confinement s’est fait à la maison. Mais les compagnes des marins ou les marins célibataires ont bien dû continuer à faire les courses, au risque d’être en contact avec des personnes infectées", fait-elle remarquer.
Pour elle, il est clair que "la Marine n’a pas joué pleinement son rôle d’employeur dans la mesure où elle n’a pas mis tout en œuvre pour garantir la sécurité de ses marins". Et de conclure: "Nos militaires ont signé pour protéger les Français, pas pour être exposés à un virus dans un endroit plus que confiné".
La Marine répond
Si elle comprend l’inquiétude des marins et de leurs familles, la capitaine de frégate Christine Ribbe, porte-parole de la Marine à Toulon, tient à les rassurer.
Concernant les cas suspects à bord de l’Aconit, elle affirme: "On avait des doutes pour un marin. On l’a testé deux fois. Les deux fois, il a été négatif. Trois autres marins, plutôt proches du cas suspect, ont été débarqués par précaution et ne repartiront pas avec l’Aconit. Pour l’heure, il n’y a aucun marin positif au Covid-19. Il faut savoir raison garder".
Christine Ribbe rappelle que "ça ne sert à rien de tester massivement des personnes asymptomatiques qui étaient en confinement", avant de détailler quelques-unes des mesures prises à bord de l’Aconit.
"Plusieurs masques anti-projections sont distribués par jour; les postes de propreté ont été doublés; à l’heure des repas, les marins s’assoient désormais en quinconce; le nombre de réunions de travail et les personnes autorisées à y participer ont été revus à la baisse".
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