Covid et groupes sanguins : une histoire d'O ?

Une sensibilité différente au coronavirus en fonction du groupe sanguin ? ©Getty -  South_agency
Une sensibilité différente au coronavirus en fonction du groupe sanguin ? ©Getty - South_agency
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Chaque jour, Nicolas Martin, producteur de La Méthode scientifique, fait un point sur l'avancée de la recherche sur le coronavirus. Il revient aujourd'hui sur la différence de sensibilité au Covid-19 en fonction du groupe sanguin.

Avec
  • Nicolas Martin Auteur, scénariste, réalisateur, producteur, vulgarisateur, et ancien animateur de la Méthode Scientifique.

De nombreuses questions sur la sensibilité au coronavirus en fonction du groupe sanguin. A vrai dire, ce n'est pas une grande surprise puisque l'on sait que ces susceptibilités différentes ont déjà été constatées pour d'autres pathologies : on sait que le groupe O par exemple a des risques plus élevés de développer des cas sévères de choléra, et est également plus sensible aux gastro-entérites transmises par le rotavirus.

En l'occurrence, avec le COVID-19, c'est l'inverse. Selon une prépublication chinoise, en date du 27 mars, sur 2173 personnes infectées par le virus comparées à 3700 habitants de la ville de Wuhan non-infectés, les personnes du groupe O hospitalisés sont sous-représentées par rapport à la population générale, ils présentent donc un risque de contamination inférieur de 33% tandis que que le groupe A, à l'inverse, est sur-représenté à l'hôpital, et présente donc un risque d'infection supplémentaire de 20%. Le groupe B présente aussi un léger risque supérieur, et pour le groupe AB, le nombre de personnes était trop petit pour que la différence soit représentative.

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Comment expliquer cet écart de sensibilité ? Il faut revenir pour ça à ce qui constitue les différences de groupes sanguins. A la surface des cellules sanguines et épithéliales se trouvent – ou non – certains types d'antigènes. Ce sont des marqueurs, des petites protéines de surface qui vont jouer un rôle déterminant dans notre immunité, ainsi que dans la reconnaissance du soi et du non soi. S'il y a l'antigène A, je suis de groupe A, l'antigène B, du groupe B, les deux, du groupe AB et aucun antigène, du groupe O. Jusque là, tout est assez simple.

Mais ce qu'il faut savoir, c'est que si je suis du groupe A, je produis aussi des anticorps anti-B – ce qui explique les compatibilités de transfusion. Si je suis du groupe B, j'ai des anticorps anti-A et le groupe O lui produit des anticorps anti-A et anti-B.

Et là, il y a deux facteurs de sensibilité à prendre en compte. Le premier, c'est que les anticorps anti-A interféreraient en partie avec la protéine S de surface du SARS-CoV2, celle qui permet au virus d'infecter les cellules. Ces anticorps permettraient de ralentir l'épidémie. mais s'il n'y avait que ça, les personnes du groupe B devraient aussi être mieux protégées, or ce n'est pas le cas.

L'hypothèse principale tient au fait que le virus, lorsqu'il infecte une personne d'un groupe sanguin particulier, va finir par présenter, lui aussi, ces antigènes de surface. Et du coup, être détecté comme « non-soi », par les personnes de groupe O lorsqu'elles sont confrontées à un virus qui provient d'une personne de groupe A ou B.

Je résume : le virus, en entrant dans les cellules pulmonaires, acquiert des marqueurs du groupe sanguin de la personne. Et les personnes de groupe O étant naturellement « immunisées » contre tous les autres groupes sanguins, seraient du coup naturellement mieux protégées contre les virus provenant de ces autres groupes sanguins. En revanche, si une personne de groupe reçoit le virus provenant d'une personne de groupe O également, il n'y aurait aucune protection supplémentaire.

Rappelons qu'au niveau mondial, le groupe O représente environ 45% de la population, 40 pour le groupe A, 11 pour le B et 4 pour le groupe AB.

Tout n'est pas aussi simple qu’il n’y paraît, pour plusieurs raisons. D'une part, il s'agit d'une prépublication – et vous le savez maintenant, il faut toujours se méfier des prépublication qui n'ont pas donné lieu à une parution dans une revue à comité de lecture. Et d'autre part, parce que ces travaux mettent complètement de côté un autre paramètre important : le facteur rhésus. Le fait d'être + ou -. Et ça fait une différence.

Une méta-analyse américaine a voulu, début avril, collecter l'ensemble des travaux réalisés sur les groupes sanguins, en incluant la question du rhésus. Que conclut-elle ? Que ces associations ne sont vraiment significatives que pour les groupes A+ et O+. Que les rhésus négatifs étant moins courants, il est impossible d'avoir des preuves suffisantes au regard de la taille des échantillons.

Pour conclure, il ne faut bien évidemment pas trop extrapoler et s'imaginer mieux protégé lorsque l'on est du groupe O+, qu'il ne s'agit que d'une tendance, et se rappeler, comme le souligne Jacques Le Pendu, directeur de recherche Inserm qui travaille sur cette hypothèse de sensibilité des groupes sanguins depuis l'épidémie de SRAS, que la quantité d'anticorps décroît avec l'âge mais il pense que ces résultats pourraient être une piste à exploiter tant en épidémiologique que pour de futurs mécanismes préventifs, ou pour une sélection plus pointue lors des admissions des patients à l'hôpital, en fonction de leur groupe sanguin.

Nicolas Martin et l'équipe de La Méthode scientifique

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