Ironie du calendrier, la Cinémathèque française, à Paris, avait décidé de lui consacrer une exposition à partir du 1er avril. En raison du confinement, celle-ci a été reportée. À défaut, des millions de Français le regardent désormais à la télévision, constate la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Et “maintenant, Louis de Funès apporte du réconfort à la France”.

Ce n’est finalement pas étonnant, poursuit le journal allemand, car “les quelque cent cinquante films où il tient la vedette sont bon marché et garantissent de larges parts d’audience”. Mais, juge aussi Die Zeit, “ses films sont d’absurdes orgies d’oppression et de soumission. Ils sont tout à fait adaptés à notre obéissance actuelle face au coronavirus.”

Pour l’hebdomadaire allemand, Louis de Funès représenterait en effet le parfait “maître de la servilité petite-bourgeoise” :

Qu’il soit critique gastronomique ou propriétaire d’un restaurant, gendarme ou chef d’entreprise, metteur en scène ou chef d’orchestre, sa nature infernale est mise à nu : son désir d’humilier ses subordonnés, et sa tendance à faire de la lèche à ceux qui sont au-dessus de lui. […] Presque chacun de ses films célèbre le personnage de l’oppresseur opprimé. Louis de Funès est le puissant qui savoure pleinement ses abus de pouvoir.”

Le comique réhabilité

Ce n’est malheureusement pas tout, déplore la FAZ puisque, dans ses films, “Louis de Funès incarne le racisme, l’antisémitisme, mais aussi le catholicisme hypocrite, et les pousse jusqu’à l’absurde”. C’est notamment le cas avec Rabbi Jacob, un film qui serait “impensable” aujourd’hui et qui “va également à l’encontre du politiquement correct et du féminisme puisqu’il est misogyne”.

Mais le gouvernement, en cette période difficile, cherche “l’unité nationale”, souligne la FAZ, et “avec le confinement, le grand comique Louis de Funès est réhabilité”. Le journaliste de Die Zeit le reconnaît lui-même :

Moi aussi, j’ai regardé quelques-uns des films de de Funès, que j’avais vus la dernière fois étant enfant, au début avec une sorte d’indifférence amusée, mais ensuite avec un véritable enthousiasme, parce qu’ils ont très bien vieilli, et parce qu’ils ont toujours tant de choses, parfois tristes, à nous dire sur nous-mêmes.”

La France attend donc avec impatience ces diffusions, mais aussi l’exposition à la Cinémathèque, conclut la FAZ. À l’origine, elle était programmée jusqu’au 2 août, mais, comme l’a été le confinement en France, “elle sera sans doute prolongée”.