Démonter les mythes fondateurs d'un fascisme "bienfaiteur"

Benito Mussolini  ©Getty -  Universal History Archive / Universal Images Group
Benito Mussolini ©Getty - Universal History Archive / Universal Images Group
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Dans le Journal de l’histoire, l’heure des mises au point sur la Seconde Guerre mondiale et le fascisme en Italie est dans l’air du temps.

Mussolini a aussi fait de bonnes choses, c’est le titre du bestseller de Francesco Filippi qui caracole en tête des ventes en Italie, succès relayé par Marc Semo dans les pages du Monde. Si le titre est sarcastique, l’intention de l’auteur ne l’est pas, qui a pour ambition de mettre à disposition d’un large public les données historiques nécessaires à démonter les mythes fondateurs d’un fascisme bienfaiteur, d’un Mussolini « bon » dictateur, poussé aux extrêmes par Hitler. Autrement dit, la vulgate qui insinue que, comparé au nazisme et au stalinisme, le fascisme, c’était pas si terrible ! Une idée séduisante aux yeux de Matteo Salvini, ancien Premier ministre italien et leader du parti identitaire la Ligue du Nord, qui s’est fendu en mai 2019 d’un discours prononcé depuis le balcon de la Piazza Saffi à Forli en Emilie-Romagne - où Mussolini avait ses habitudes - une référence à l’héritage fasciste qui avait créé la polémique :

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Un degré de violence minoré

Au long des 160 pages de Mussolini a aussi fait de bonnes choses, Francesco Filippi reprend les acceptions courantes sur le fascisme italien que la recherche universitaire a malmenées sans parvenir à être entendue du public. L'historien y rappelle que si les lois raciales ne sont promulguées qu’en 1938, elles sont l’aboutissement d’une politique de plus longue date et que non, les Italiens ne doivent ni leurs pensions de retraite ni l'invention des HLM à l’esprit social de Mussolini. Si le degré de violence atteint par le régime mussolinien est lui aussi souvent minoré, il est un espace où il a atteint des sommets, c’est dans son empire colonial.

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La colonisation de l’Ethiopie et son fascisme exalté 

L’ouvrage de Filippi n’est pas traduit à ce jour mais un documentaire intitulé Colonies fascistes - d’ores et déjà disponible en VOD et DVD - explore les violences coloniales italiennes. La réalisatrice, Loredana Bianconi, construit son film à partir de la découverte d’un oncle caché parce qu’il avait fondé une famille avec une femme éthiopienne.

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A travers lettres et témoignages de sa famille transparaissent les premiers temps de la colonisation de l’Ethiopie, conquise en 1936, où de nombreux Italiens fuyant la misère rurale sont partis pour contribuer à la construction des infrastructures de l’empire fasciste d’Afrique, et y retrouvent un fascisme exalté, d’autant plus fervent avec la distance, l’enrôlement des enfants et le culte mussolinien exporté dans les villes coloniales en construction.  

Un déni d'histoire avéré

L’oncle "effacé" écrivait alors à sa famille l’exaltation de la conquête, du combat avec la nature inconnue et les rêves de grandeur d’un empire italien retrouvé. Il y racontait aussi la face sombre de cette colonisation : les travaux forcés imposés aux Ethiopiens, la ségrégation dans les magasins, les écoles, les quartiers et l’interdiction des unions mixtes. 

Colonies fascistes fait également l’histoire du front, par interstices, des échos qu’avaient les travailleurs en zones conquises de ceux qui combattaient pour tenir les territoires et les méthodes utilisées contre les indigènes. Le bilan du fascisme italien est toujours en cours contre un déni d’histoire avéré, mais en attendant l’histoire italienne reste à la merci des discours politiques sur l’italianité. 

par Anaïs Kien 

Pour plus d'informations : l'article « Mussolini a aussi fait de bonnes choses », le livre qui casse la légende du bon dictateur, par Marc Semo, publié dans Le Monde, le 29 novembre 2019

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