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Le coronavirus, adversaire n°1 de Donald Trump

Taux de popularité en baisse, gêne après l’affaire de l’eau de Javel, gestion de la pandémie chaotique: le président serait-il en train de devenir un boulet pour les républicains? Peu lui tourneront le dos, mais ils sont nombreux à souhaiter qu’il limite ses apparitions médiatiques, capables de lui causer du tort

Aux Etats-Unis, la communication présidentielle est toujours plus chaotique. — © Evan Vucci/AP
Aux Etats-Unis, la communication présidentielle est toujours plus chaotique. — © Evan Vucci/AP

Habitué à mener le bal, Donald Trump ne semble ces jours plus vraiment savoir sur quel pied danser. Est-il dépassé par la polémique qu’il a lui-même lancée? Assiste-t-on à un point de bascule? Après le tollé suscité par ses propos sur l’eau de Javel et les UV, le président américain a d’abord fait savoir qu’il était «sarcastique» en suggérant d’avaler des désinfectants et de s’injecter des ultraviolets pour lutter contre le coronavirus. Ensuite, épisode 2, il déclare que ses points presse quotidiens sur le Covid-19 à la Maison-Blanche sont une «perte de temps», les médias déformant ses propos. Episode 3: lundi, Donald Trump s’est quand même adressé aux médias dans la soirée, depuis les jardins de la Maison-Blanche. Le point presse avait été annoncé, annulé, puis réagendé, le tout en quelques heures.

Un scénario d’autodestruction

Que faut-il en déduire? La communication présidentielle est toujours plus chaotique, alors que le pays compte déjà plus de 50 000 morts. Sur la pandémie, Donald Trump s’est montré erratique, confus, préoccupé avant tout de relancer l’économie, et n’hésitant pas à contredire les scientifiques, se moquer de gouverneurs et ignorer les mises en garde des services de renseignement. Aurait-il, avec l’affaire de l’eau de Javel, sciemment semé la zizanie, entraînant dans son sillage une foule de commentaires dans les médias, pour pouvoir ensuite s’ériger en victime? A-t-il une nouvelle fois réussi à dicter son agenda? Chez les journalistes, la gêne est palpable. Plusieurs grandes chaînes de télévision, dont CNN, ont d’ailleurs décidé de ne plus diffuser intégralement les conférences régulières de la Maison-Blanche.

Mais ce malaise s’étend aussi à son équipe de campagne. Comment gérer un président qui aime prendre la lumière, donner dans la politique spectacle, et qui tweete sans retenue dans une situation aussi grave? Plus significatif, ce malaise s’infiltre également chez les républicains, inquiets de l’impact du comportement de Donald Trump sur l’élection présidentielle du 3 novembre, alors que l’économie est en chute libre. Ils sont plusieurs à avoir témoigné dans les médias ces derniers jours, souvent anonymement, jugeant que les points presse du président sur le coronavirus, à la base une formidable plateforme électorale, pourraient lui causer du tort.

Quand des informations erronées se propagent «ou que vous dites simplement ce qui vous passe par la tête», cela «envoie un mauvais message», a fait savoir, sur ABC, Larry Hogan, gouverneur républicain du Maryland. Le sénateur Lindsey Graham a également souligné le risque d’autodestruction, suggérant que Donald Trump pourrait se contenter de s’exprimer une fois par semaine.

«Un tournant psychologique»

Des sondages confirment que son taux de popularité est en baisse et que Joe Biden le dépasserait dans les intentions de vote. Selon FiveThirtyEight, seuls 45,9% des Américains approuvent aujourd’hui sa gestion de la pandémie. Donald Trump est notamment en difficulté dans le Michigan, dans le Wisconsin et en Pennsylvanie, des Etats qui l’avaient pourtant mené à la victoire en 2016. C’est le cas également en Floride, autre Etat pivot, où la préférence est pour l’instant aussi donnée à Joe Biden. Enfin, un document de 57 pages du comité national républicain du Sénat suggère aux sénateurs et candidats de se concentrer plutôt sur la Chine. «Ne défendez pas Trump, à part son interdiction de voyager en Chine: attaquez la Chine», préconise le document dont fait état Politico. Si Donald Trump inquiète des républicains, peu risquent toutefois de lui tourner le dos. Il continue d’être soutenu par environ 85% de ses pairs.

Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, a réagi sur Twitter au lendemain des propos sur les désinfectants. «Je peux me tromper. Mais pour l’instant, j’ai l’impression qu’hier était le jour où Trump a cessé d’être président», écrit-il. «Le moment Lysol [une marque de désinfectants qui a dû dire qu’il ne fallait pas en avaler] pourrait être un tournant psychologique – le moment où même beaucoup de durs à cuire pro-Trump se retrouvent face à son inaptitude.»

Tic verbal et vérité

Ce week-end, Donald Trump a été piqué au vif par un article du New York Times relatant sa vie de confiné. Selon l’article, soucieux de la façon dont les médias le décrivent, il regarde la télévision pendant près de sept heures avant de rejoindre le Bureau ovale vers midi. Dans le même journal, l’éditorialiste Frank Bruni y est allé de sa plume acérée. Il s’érige contre l’assertion selon laquelle Trump sera réélu quoi qu’il fasse: «Cette rengaine est devenue une sorte de prophylaxie spirituelle. Nous nous préparons au désespoir. Mais en agissant de la sorte, nous confondons mécanisme d’adaptation et analyse rationnelle. Nous traitons un tic verbal comme s’il s’agissait d’une vérité inéluctable. Or tel n’est pas le cas. Même s’il est possible que Trump se dirige vers quatre années supplémentaires, il est tout autant possible que nous assistions à son autodestruction sous nos yeux.»

Et: «On ne cesse de parler de la ferveur de sa base, mais de nombreux Américains consternés font preuve d’un zèle tout aussi grand […]. L’intrépide voit et entend le président pour ce qu’il est: un showman sourd qui considère tout, même une montagne de cadavres, comme une scène.»

Le sort politique de Donald Trump est plus que jamais étroitement lié au coronavirus, à l’éventuelle deuxième vague qui pourrait arriver avant les élections et à l’ampleur de la crise économique.