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Iran

En Iran, des élevages entiers de poussins enterrés vivants à cause de la crise provoquée par le Covid-19

Ces images ont entraîné de vives réactions contre les éleveurs sur les réseaux sociaux. L’un d’entre eux se défend en expliquant que beaucoup n’ont pas le choix.
Ces images ont entraîné de vives réactions contre les éleveurs sur les réseaux sociaux. L’un d’entre eux se défend en expliquant que beaucoup n’ont pas le choix.
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La pandémie de Covid-19 a des conséquences pour le moins inattendues en Iran : des vidéos prises dans des élevages de volaille et publiées en ligne mi-avril ont révélé le sort réservé à des milliers de poussins, entassés  vifs dans des tranchées pour des raisons économiques. Ces images ont entraîné de vives réactions contre les éleveurs sur les réseaux sociaux. L’un d’entre eux se défend en expliquant que beaucoup n’ont pas le choix.

 

ATTENTION, CERTAINES IMAGES PEUVENT CHOQUER LES PLUS SENSIBLES

 

Des milliers de poussins sont devenus les victimes collatérales de l’épidémie de Covid-19 qui touche l’Iran, et qui a déjà fait officiellement 5 957 décès et infecté 93 657 personnes au 29 avril.

De nombreux infirmiers en Iran et des ONG internationales remettent cependant en cause ce bilan, selon eux sous-estimé.

 

Une dizaine de vidéos le montrent : des poussins nouveau-nés sont jetés dans des sacs plastiques par des éleveurs. La plupart du temps, les animaux semblent encore vivants, en témoignent leurs pépiements.  Ces vidéos ont provoqué de vives réactions d’internautes iraniens sur les réseaux sociaux, scandalisés par les méthodes employées.

 

"Ils tuent ces poussins pour augmenter les prix du marché, et avoir encore plus d’argent. Il n’y a pas plus vil que la race humaine ", s’est par exemple lamenté cet internaute.

 

 

Si aucune estimation sur le nombre de poussins tués ces dernières semaines en Iran n’a officiellement été communiquée, l’Association des éleveurs de volaille a réagi à la polémique le 18 avril en interdisant formellement à tout éleveur de jeter ces volailles pour des motifs économiques et estimant qu’il y avait "des raisons politiques à la publication de ces vidéos".

Cependant, selon un éleveur contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, ces derniers font face à un dilemme : licencier leur personnel et fermer temporairement leur entreprise ou se décharger d’une partie de leur élevage.

 

"Une mafia économique, en pleine pandémie et crise économique, ils détruisent en masses ces poulets pour augmenter les prix". Cet homme publie cette vidéo en mentionnant le nom de la ferme et en affirmant que 232 000 poussins ont été tués en deux jours.

 

"C’est la première fois que j’entends parler de fermiers qui doivent jeter de la marchandise en Iran "

Kaveh (pseudonyme) est propriétaire d’une petite exploitation volaillère dans le nord de l’Iran. Il n’a pas eu à sacrifier de poussins, grâce à une demande continue venant des marchés locaux, mais il a perdu en chiffre d’affaires.

De mémoire d’homme, c’est la première fois que j’entends parler de fermiers qui doivent jeter de la marchandise en Iran. En général, les éleveurs ont un calendrier précis, dicté par le marché. Ils doivent prévoir le nombre de volailles dont le marché a besoin avec 40 jours d’avance au minimum [équivalent au cycle durant lequel un poussin devient adulte et part à l’abattoir, NDLR]. Tout obstacle à cette chaine peut entraîner des pertes économiques.

Nous sommes actuellement dans une période où plusieurs problèmes se sont accumulés du début à la fin du cycle .En Iran, 90 % de la nourriture pour volaille est importée. Or, la pandémie a fortement ralenti la production de pays comme la Chine, et elle crée des problèmes dans le transport de ces marchandises. Cette nourriture est devenue rare, c'est particulièrement problématique pour les grosses exploitations.

Le prix de ces denrées a donc explosé. Avant le Covid-19, je pouvais acheter de quoi nourrir mes bêtes pour environ 3 000 tomans le kilo [environ 18 centimes d’euros, NDLR], et aujourd’hui, ce prix a doublé. D’un autre côté, je ne peux pas vendre mes poulets plus de 6 200 tomans le kilo [soit 37 centimes d’euros, NDLR] aux distributeurs. Si vous ajoutez les charges, je perds en réalité environ 3 000 tomans pour chaque poulet. 

 

"Ils tuent les poulets pour réguler le marché "s’alarme cet internaute.

 

Selon le Centre statistiques iranien, le prix moyen de la volaille sur le marché en janvier, juste avant le début de la pandémie de Covid-19, était de 12 800 tomans le kilo, soit 77 centimes d’euros. Au mois d’avril, ce prix est tombé à 9 500 tomans, soit 57 centimes d’euros, soit une baisse de presque 25 %.

 

"Personne ne sait ce qu’il peut se passer dans les 40 prochains jours"

 

 

 Nous sommes au milieu d’une pandémie. Les restaurants, les fast food et même les prisons qui avaient pour habitude de nous acheter cette marchandise ne le font plus. De plus, l’Irak, l’Afghanistan et le Qatar qui sont les importateurs principaux de nos produits n’achètent plus. Que devons nous faire ? Nourrir les poussins jusqu’à ce qu’ils atteignent entre 1,2 et 1,8 kilos, soit les standards du marché ? Pour ensuite ne jamais les vendre ?

 

Ce fermier à Urmia, dans l nord-ouest de l’Iran, protestent en face des bureaux du gouvernorat, car il n’a plus rien pour nourrir ses poulets ".

 

Nous n’avons pas de perspective d’évolution dans un futur proche.  Personne ne sait ce qu’il peut se passer dans les 40 prochains jours. Pourra-t-on acheter la nourriture pour volaille à un prix convenable ? Exporter à l’étranger ? Y aura-t-il une seconde vague de Covid-19 ?

Beaucoup de mes confrères ont déjà eu leurs jeunes poussins. Entre dépenser de l’argent pour les nourrir pendant 40 jours pour rien ou les vendre moins cher que le prix du marché, la plupart ont décidé de les tuer.

Légende : Dans cette vidéo, des fermiers détruisent des œufs pour éviter d’avoir davantage de poussins.

 

Bien sûr, ces images sont horribles. Ils pourraient utiliser une méthode moins douloureuse pour les animaux. Mais ces éleveurs doivent choisir entre licencier leurs employés, qu’ils paient de leur poche, ou ces poussins.

 

Les vidéos provoquent de vives réactions contre les fermiers

 

De nombreux internautes iraniens n’ont, de leur côté, pas compris les arguments économiques avancés par les fermiers et ont réagi sur Twitter ou Telegram. "Ils pourraient donner ces poussins aux familles pauvres pour qu’elles les nourrissent par leurs propres moyens puis les mangent", commente l'un. Un autre suggère de les "libérer dans la nature, pour qu’ils puissent participer au cycle naturel et être mangés par des prédateurs" .

Kaveh répond à ces critiques :

 

Avant d’émettre un jugement, il faut savoir de quoi on parle. Beaucoup de zoonoses [maladies et infections dont les agents se transmettent naturellement des animaux vertébrés à l'être humain, NDLR] se transmettent des poulets aux humains. Donner les poulets exposerait à une autre catastrophe sanitaire en plus de celle que nous connaissons. Ces poulets doivent être vaccinés, même si nous devons payer davantage pour cela. Les poussins doivent avoir une attention particulière : 90 % d’entre eux mourraient dans les premiers jours si nous les donnions.

C’est pour des raisons similaires qu’on ne peut pas relâcher ces animaux dans la nature, car ils transmettraient des maladies à d’autres animaux, comme par exemple la maladie de Newcastle [maladie qui provoque des troubles digestifs et une apathie des poulets, NDLR ]. Cela pourrait tuer de nombreuses espèces dans la nature.

La diffusion des vidéos de ces poussins iraniens tués a eu un impact : le 19 avril, le président Hassan Rohani a ordonné au ministre des Renseignements Mahmoud Alavi de poursuivre les éleveurs à l’origine de ces tueries massives.

Article par Ershad Alijani

 

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