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TURQUIE

Turquie : un jeune Syrien tué par la police alors qu'il bravait le confinement

Captures d'écran de la vidéo montrant la victime, Ali Hemdan El Asani, un jeune Syrien de 18 ans décédé des suites d'une blessure par balle tirée par un policier turc.
Captures d'écran de la vidéo montrant la victime, Ali Hemdan El Asani, un jeune Syrien de 18 ans décédé des suites d'une blessure par balle tirée par un policier turc.
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Un adolescent syrien de 18 ans a été abattu en pleine rue à Adana (sud-ouest) par un policier turc, lundi 27 avril, alors qu’il ne respectait pas le confinement. Plusieurs médias ont dans un premier temps déclaré qu’il avait été blessé à la jambe, mais une vidéo filmée par un témoin a pu clairement démontrer que la balle l’avait touché à la poitrine. Le policier qui a tiré a depuis été suspendu.

Ali Hemdan El Asani, 18 ans, était un réfugié syrien. Il vivait avec sa famille à Adana, où il été abattu dans le quartier populaire de Sucuzade. Le policier auteur du tir effectuait des contrôles dans le cadre du confinement spécifique imposé en Turquie aux personnes de moins de 20 ans et de plus de 65 ans.

Selon plusieurs médias turcs, Ali Hemdan El Asani se trouvait dans la rue et ne respectait donc pas le confinement puisqu’il était âgé de moins de 20 ans. Il aurait reçu l’ordre de présenter ses papiers d’identité avant de fuir, moment où le policier lui aurait tiré dessus.

Dans un premier temps, plusieurs médias turcs ont indiqué que le jeune homme avait été touché à la jambe. Ces articles ont indigné de nombreux internautes et journalistes d’opposition, qui y ont vu une tentative de minimiser l’incident et de défendre le policier.

 

Le policier incriminé arrêté

Mais une vidéo montrant la victime a permis de confirmer que le jeune homme avait reçu une balle dans la poitrine, la plaie étant très clairement visible à l’image. La rédaction des Observateurs de France 24 a choisi de ne publier que des captures d’écran de cette vidéo, compte tenu du degré de violence dont elle témoigne.

Au début de la vidéo, qui dure au total 24 secondes, on voit le jeune homme au sol et, à ses côtés, ce qui ressemble à un téléphone portable. Un homme portant des gants bleus tente de lui faire un massage cardiaque. Lui et deux autres hommes le mettent ensuite sur un brancard. 

Une fois la victime allongée sur le brancard, on distingue très clairement une blessure par balle sur sa poitrine et du sang imprégné dans ses vêtements. 

Selon le journaliste d’opposition Taylan Kulaçoglu, qui a interrogé des habitants de ce quartier majoritairement peuplé d’ouvriers de l’industrie textile, il y aurait eu une tentative de suppression de cette vidéo des réseaux sociaux (sous-entendant que celle-ci vient des autorités).

Depuis, le policier incriminé a été arrêté et une enquête a été ouverte. Dans son témoignage rendu public dans les médias, il affirme avoir voulu effectuer un tir de sommation pour que le jeune homme cesse de courir, mais aurait "trébuché" et raté son tir à cause de la "fatigue" et de la "faim due au jeûne du ramadan". Le président de la République Recep Tayyip Erdogan a présenté ses condoléances à la famille par téléphone, tout comme le ministre de l’Intérieur, Suleyman Söylü.

 

"Les mineurs syriens doivent choisir entre mourir de faim ou mourir du coronavirus"

Pour plusieurs associations de défense des réfugiés en Turquie interrogées par notre rédaction, ce tragique incident est révélateur des grandes difficultés rencontrées par une partie de la population lors de la pandémie de Covid-19. Uraz Aydin, du collectif "Nous voulons vivre ensemble" (Birlikte Yasamak Istiyoruz), estime que les migrants les plus pauvres n’ont pas d’autre choix que d’enfreindre les règles.

 

"Il y a une interdiction de sortir dans la rue pour les moins de 20 ans alors qu'un tiers des mineurs syriens (au total 660 000) sont obligés de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles. Ils sont donc obligés de choisir entre mourir de faim ou mourir du coronavirus. Les migrants, malgré cette interdiction et les risques d'infection, sont obligés d'aller travailler.

Pour cette raison, nous revendiquons l'arrêt de toutes les activités économiques qui ne sont pas primordiales et demandons, indépendamment de leur statut juridique, un revenu minimum pour toutes les personnes vivant sur le sol turc pendant la pandémie (migrant ou non)."

La victime travaillait depuis six ans dans le secteur informel, notamment comme ouvrier dans des usines textiles, et avait récemment perdu son emploi, sans que l’on sache depuis combien de temps exactement ou si c’était en lien avec la pandémie. Selon le média d’opposition Evrensel, Ali Hemdan El Asani était sorti acheter du pain pour sa famille quand il a été tué.

 

"J’ai dû vendre mon ordinateur portable pour aller faire des courses"

Si les autorités permettent aux personnes de plus de 20 ans et de moins de 65 ans de sortir pour travailler et maintenir l’économie à flots, de nombreuses personnes ont tout de même perdu leur emploi. C’est le cas de Kadir A., un jeune migrant sans papiers de 21 ans originaire du Pakistan.

 

Avec le coronavirus, j’ai perdu mon travail, je n’ai donc plus aucun revenu. J’ai dû vendre mon ordinateur portable pour aller faire des courses. J’envisage de changer de ville pour améliorer mes chances de retrouver un emploi. Je sors régulièrement de chez moi pour chercher du travail et c’est dangereux en ce moment, j’ai techniquement le droit de sortir puisque j’ai plus de 20 ans mais je n’ai pas de papiers pour le prouver, je peux me faire arrêter à tout moment.

La Turquie accueille 3,6 millions de réfugiés syriens sur son sol qui travaillent pour l’essentiel comme ouvriers dans les secteurs du textile et du bâtiment, souvent de façon informelle.

Au 30 avril, la Turquie dénombrait 3 081 morts du Covid-19 et 117 589 cas, sept semaines après l’apparition du virus sur son sol.

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