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Covid-19 : quand des symptômes très inquiétants n'en finissent pas

Chez son généraliste, une patiente suspectée Covid-19.
Chez son généraliste, une patiente suspectée Covid-19. © AFP
Vanessa Boy-Landry

Sur les réseaux sociaux, de nombreux malades témoignent de symptômes très inquiétants qui perdurent des semaines, voire des mois. Les médecins sont souvent démunis.  

#Après J20. Le hashtag est lancé comme une bouteille à la mer. Le 16 avril, « La psy révoltée » lance un appel à témoignages sur le réseau social. « D’autres personnes sont-elles dans mon cas? Je n’ai trouvé aucune réponse dans les articles et la littérature scientifique », s’interroge cette psychologue qui souffre depuis quarante-trois jours de symptômes du Covid-19. « J’ai d’abord eu une toux sèche et un syndrome grippal très intense avec de la fièvre, des tremblements, et une immense fatigue. On m’a prescrit dix jours d’antibiotiques car je présentais un foyer pulmonaire. Au bout de quinze jours, mon état commençait à s’améliorer. Je me suis estimée guérie car cela correspondait à ce qui était décrit de la maladie », explique, d’une voix fragile, la jeune femme de 33 ans. 

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Pendant que je vous parle, je sens mon cœur battre à toute vitesse

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Mais de nouveaux symptômes apparaissent quatre jours plus tard. « Cela n’avait plus rien à voir avec un état viral classique. Je faisais de la tachycardie : de 100 pulsations/minute au repos à 150, au moindre effort. J’avais des douleurs cardiaques qui se prolongeaient dans le bras, avec une sensation de brûlure dans les poumons. Je ne pouvais pas mâcher mes aliments sans perdre mon souffle », explique la psychologue. Hospitalisée en urgence pour subir des examens, elle a pu ressortir assez vite. « L’anomalie du rythme cardiaque, décelée à l’échographie, avait disparu. La prise de sang et la radio pulmonaire étaient nickels », précise-t-elle. Pourtant, les symptômes perdurent : « Pendant que je vous parle, je sens mon coeur battre à toute vitesse car cela me demande un effort respiratoire. Je sais que je vais ensuite devoir rester allongée, une heure ou deux, pour récupérer. » 

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JennyCooper
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Sur Twitter, les témoignages affluent. En majorité des « suspects Covid », ces malades non dépistés. Pour la psychologue, être suspect Covid, c’est un peu la “double peine”. “On m’a hospitalisée en service Covid alors que je n’avais pas été testée, mais on me refuse l’entrée dans un laboratoire d’analyse car je suis suspectée Covid. Par ailleurs, on n’entre pas dans les statistiques, et on n’est pas pris en charge par les assurances.” Depuis son appel à témoignages, elle est en contact avec plus de 200 personnes : « Chez certains, il y a une résurgence de symptômes aux alentours de J20 avec toujours la tachycardie et l’essoufflement au premier plan. Les uns ont des problèmes digestifs, d’autres ont des migraines très fortes. La particularité est que pour la plupart, les examens sont normaux. » 

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On m'a conseillé d'éteindre la télé et de prendre des anxiolytiques

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Dans la région de Brest, Marine, réceptionniste en hôtellerie, vit le même calvaire. Quand elle tombe sur les messages de « La psy révoltée », elle est en larmes. Enfin, on ne la prenait pas pour une « dingue »! « A trois semaines des premiers signes, j’allais très mal. Quand mon médecin traitant, qui se sentait démuni, a pris l’avis d’un infectiologue, on lui a répondu qu’il fallait que j’éteigne la télé et que je prenne des anxiolytiques », soupire-t-elle. Essoufflement, sensation de suffoquer, fortes palpitations cardiaques, céphalées, perte de goût… Hormis la fièvre, ses symptômes ne se sont jamais arrêtés depuis le 16 mars. « Un jour, je me sens en forme et puis ça rechute. Quand j’ai de l’énergie, je sais que je vais le payer cher dans les heures ou la journée qui suivent. » Ses examens sont normaux, son médecin va tenter un traitement antibiotique. Habituellement très active, la jeune femme de 27 ans ne s’est jamais sentie aussi « cassée » : « Je ne peux pas faire mes courses ni sortir mon chien. Je m’y reprends à trois fois pour faire la vaisselle… » 

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Allons-nous devenir des malades chroniques?

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« Notre quotidien est particulier : on ressent une fatigue proche de la perte de connaissance, subitement, on ne peut plus respirer, ou bien on est pris d’une intense douleur cardiaque… Ce sont des moments où l’on se demande si on va mourir ou si ça va passer », explique la psychologue qui observe que l’attitude des médecins est en train d’évoluer. « Au début on était pris pour des simulateurs, les médecins avaient tendance à minimiser nos maux, à prescrire des anxiolytiques. C’est ce qui ressort beaucoup de nos échanges entre malades. Aujourd’hui, il y a plus de sollicitude de leur part. On commence à être pris au sérieux. » Mais face à un virus dont les signes et les séquelles sont inconnus, les questions demeurent. « Allons-nous devenir des malades chroniques? Notre état va-t-il se dégrader au point d’avoir des défaillances organiques? Est-ce que tout va finir par rentrer dans l’ordre? », s’interroge la psychologue. Nous vivons tous dans l’incertitude ». 

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Les médecins ne sont pas assez informés sur ces signes qui perdurent avec le Covid-19

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« Le patient est laissé un peu à lui-même quand il n’est pas passé par un service de réanimation », déclarait à l’AFP le Dr Philippe Vasseur, le 23 avril, pour lancer l’alerte. Touché par le nouveau coronavirus, ce médecin hospitalier à l’UMJ de l’Hôtel-Dieu à Paris a ressenti un certain « abandon » quand il a été renvoyé chez lui sans recommandations, après avoir été placé sous oxygène pendant 13 jours à Cochin. Malgré des examens normaux, fatigue, essoufflement, douleurs thoraciques persistent depuis qu’il est sorti de l’hôpital. Philippe Vasseur estime que les médecins ne sont pas assez informés sur ces signes qui perdurent avec le Covid-19. « Les douleurs sont une source d’angoisse pour les personnes. L’incompréhension du médecin est une source d’inquiétude supplémentaire. Le fait qu’il s’agisse d’un virus inconnu, dont on ne connaît ni les signes ni les séquelles peut chez certaines personnes majorer les symptômes, mais on ne doit pas d’emblée considérer qu’elles souffrent d’anxiété », estime-t-il. 

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Il faut distinguer les nouvelles douleurs de celles qui existent depuis le début

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Quels examens réaliser en cas de symptômes persistants? « Le Covid-19 entraîne des embolies pulmonaires, principalement dans les formes sévères qui entraînent l’hospitalisation, mais il ne faudrait pas passer à côté quand on est chez soi, d’où la nécessité de consulter pour les patients », explique le médecin. « Le risque cardiovasculaire existe aussi, surtout si on a des antécédents. Il est important d’être attentif aux douleurs qui apparaissent, et de les distinguer de celles qui existent depuis le départ. En cas de forte suspicion, l’électrocardiogramme, les examens biologiques (D-dimères), et l’angio-scanner (avec produit de contraste) permettent de déceler une embolie pulmonaire ou une cardiopathie », poursuit le médecin selon lequel plus on est à distance du début de la maladie, plus ces risques diminuent, surtout chez les personnes qui ne présentent pas de comorbidités.

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Comment expliquer que malgré des examens normaux, les symptômes soient aussi forts? « A 40 jours de la maladie, on n’a probablement plus du tout le virus en soi. Mais la réaction immunitaire qu’il a déclenchée provoque un état inflammatoire important. C’est ce qui entraîne des dégâts, notamment au niveau des poumons. Le dosage de la protéine C réactive (CRP) et de la ferritine révèlent le niveau de l’ inflammation. L’état inflammatoire peut persister, mais il ne faut non plus passer à côté d’une autre pathologie ou d’une surinfection. Quand les taux diminuent, on s’oriente vers une amélioration de cet état inflammatoire, ce qui est bon signe », explique le médecin. 

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Des exercices respiratoires simples et la rééducation du goût et de l'odorat pour éviter les séquelles

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Quelles séquelles sont à craindre pour ces formes « bénignes » ou « modérées » du Covid-19? « Plus les gens ont été gravement touchés, plus les séquelles seront importantes. Aujourd’hui, personne ne peut dire s’il y aura ou non des séquelles pulmonaires. Même si on ne voit rien au scanner, on peut avoir de petites lésions des alvéoles pulmonaires, d’où l’intérêt de l’autorécupération. Les kinés étant mobilisés pour les patients sortis de réanimation, on peut faire à domicile des exercices respiratoires simples, tels que souffler doucement dans un verre d’eau avec une paille. On peut demander conseil à son médecin. Il n’y a pas de risque à en faire, alors que ne rien faire peut poser un problème plus tard. » Le Dr Vasseur conseille aussi de rééduquer son sens de l’odorat ou du goût, quand on l’a perdu. « Sur ces troubles mineurs, les gens récupèrent assez bien, mais cela peut demander des semaines, voire des mois, et peut être que pour certains, il n’y aura pas de récupération. » Les ORL proposent des exercices simples de rééducation à pratiquer chez soi. 

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J'aimerais être certain que cela ne va pas revenir

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A 46 jours du début du Covid-19, Daniel se sent enfin mieux. Depuis quatre jours, son état s’améliore. Son angio-scanner thoracique est normal : « sans anomalies visibles pour expliquer la symptomatologie ». De quoi le rassurer car il y a une semaine, il était hospitalisé en urgence pour suspicion de péricardite (inflammation de la membrane du coeur). Chauffeur-livreur dans la région de Toulon, ce grand gaillard de 38 ans n’ose pas crier victoire car les problèmes respiratoires et les douleurs thoraciques sont apparus à J 27, après une semaine sans symptômes. Une sorte de deuxième phase de la maladie. « J’espère qu’il n’y en aura pas une troisième », confie-t-il aujourd’hui. J’aimerais me téléporter dans dix jours et être certain que cela ne va pas revenir. » 

Lire aussi. Inquiétude sur une maladie grave qui touche les enfants : "Je prends ça très au sérieux", dit Véra n

A l’approche du déconfinement, « La psy révoltée » est inquiète. « On connaît surtout les cas graves, dans les services de réanimation. Des patients d'un certain âge, avec des comorbidités, surtout des hommes. Les gens qui n'ont pas de facteurs de risques ne se reconnaissent pas dans ces cas. Or, depuis que j’ai lancé le hashtag, je suis en contact avec des femmes, des jeunes, des gens en parfaite santé qui, à 30 ou 60 jours de la maladie, ne peuvent pas faire trois pas. Si les gens savaient ce que nous sommes en train de vivre, cela changerait complètement leur appréhension du virus et du déconfinement. Ils seraient plus prudents. » Pour l’heure, le déconfinement, ce sera sans elle, et probablement sans son conjoint dans un premier temps, car elle n’est plus capable d’assurer seule les gestes courants du quotidien. 

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