Augmentation exceptionnelle du chômage : la première vague

Les sorties de Pole emploi pour reprise d’activité ont chuté de 29%. « Le chômage augmente parce que les entreprises n’embauchent plus, pas parce qu’elles licencient massivement » a déclaré le Ministère du Travail ©Maxppp - Rémy PERRIN
Les sorties de Pole emploi pour reprise d’activité ont chuté de 29%. « Le chômage augmente parce que les entreprises n’embauchent plus, pas parce qu’elles licencient massivement » a déclaré le Ministère du Travail ©Maxppp - Rémy PERRIN
Les sorties de Pole emploi pour reprise d’activité ont chuté de 29%. « Le chômage augmente parce que les entreprises n’embauchent plus, pas parce qu’elles licencient massivement » a déclaré le Ministère du Travail ©Maxppp - Rémy PERRIN
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246 000 demandeurs d’emploi en plus rien que pour le mois de mars, c’est du jamais vu depuis 25 ans. Or ce n'est que la première vague d'augmentation du chômage, il risque d'y en avoir deux autres (au moins).

C'est du jamais vu depuis que ces séries statistiques ont été construites en 1996, on avait jamais eu une hausse aussi élevée en un mois. Depuis son arrivée au ministère du travail, Muriel Pénicaud, avait rompu avec la publication des chiffres mensuels, pour ne pas focaliser l’attention sur des variations parfois peu significatives, mais là, on a fait une exception, car le mois de mars est un mois très spécial du fait des mesures de confinement. 

7% de hausse du chômage pour le seul mois de mars, c’est énorme. Généralement, on est sur des 0,5 0,3, 0,1% de plus, ou de moins. 

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Si la hausse est spectaculaire, c’est qu’il y a à la fois plus de personnes qui s’inscrivent à Pole Emploi, hausse des entrées donc, mais aussi beaucoup moins de personnes qui trouvent un travail. Les sorties de Pole emploi pour reprise d’activité ont chuté de 29%. Ce qui fait dire d’ailleurs au Ministère du Travail " le chômage augmente parce que les entreprises n’embauchent plus, pas parce qu’elles licencient massivement ". 

C’est en partie vrai, une autre enquête de la Dares, le bras statistique du Ministère, montre en effet que 2% des entreprises avaient licencié des CDI au 31 mars. En revanche, elles se sont massivement séparées des contrats courts : 49%  des entreprises n’ont pas renouvelé les CDD qui étaient en fin de contrat. Et les entrées au chômage pour fin de mission d’intérim ont augmenté de 151%.

La moitié des CDD signés en France sont sur des durées de moins de 5 jours, et parmi les 246 000 chômeurs en plus, la moitié, ce sont des personnes qui étaient en activité réduite (dans les catégories B et C de Pole emploi), et qui sont passées dans la catégorie A : plus d’emploi du tout.  

246 000, ce n'est qu'un début

246 000 chômeurs en plus, cela ne sera pas un pic, cela promet d’être seulement un début. 

246 000, il faut d’abord souligner que c’est peu par rapport à ce qui aurait pu se produire, s’il n’y avait pas en France la possibilité de faire du chômage partiel. Il suffit de voir ce qui se passe aux Etats Unis où il n’y a pas ce filet de sécurité.

Actuellement, les entreprises ont ouverts des droits au chômage partiel pour 10 millions de salariés, mais dans les faits, elles en utilisent la moitié. Cet écart, est liée à la procédure d'octroi du chômage partiel qui fonctionne un peu comme un droit de tirage. Les entreprises peuvent faire des demandes pour la totalité de leurs salariés, et décider ensuite de mettre seulement une partie de ces salariés au chômage partiel. 

Aujourd’hui le tableau, toujours dressé par l’étude de la Dares citée précédemment, c’est à peu près celui-ci : sur 20 millions de salariés du privé, un quart sont au chômage partiel, soit 5 millions de salariés, un quart sont en télétravail, un quart au travail sur site ou chantier, et un quart en arrêt maladie pour garde d’enfant. 

Extrait du rapport de la Dares, issue d'une enquête menée avec l'Insee au mois de Mars (enquête ACEMO)
Extrait du rapport de la Dares, issue d'une enquête menée avec l'Insee au mois de Mars (enquête ACEMO)
© Maxppp - Dares (copie d'écran)

246 000 demandeurs d’emploi en plus, c’est un début, car ce n’est que pour 15 jours de confinement, or nous sommes confiné.es depuis 6 semaines. Il faudra donc attendre les chiffres du mois d’avril, s’ils sont eux aussi publiés, pour avoir une vision plus claire. 

Dans les semaines qui viennent, les personnes qui sont en ce moment au chômage partiel sur des CDD de deux mois, trois mois vont arriver en fin de contrats et ne seront peut être pas renouvelés. 

De plus ce chiffre du chômage ne donne pas la mesure des difficultés traversées par les Français et Françaises en ce moment. Car il ne tient pas compte des indépendants, les artisans, les auto entrepreneurs, les gérants de SARL, les commerçants. Cela représente un million 500 000 personnes qui n’ont pas forcément d’activité en ce moment, pas de revenu, mais ne se sont pas inscrites au chômage car elles comptent reprendre leur activité. 

Tout va dépendre en fait, de la fin du confinement et du rythme de la reprise de l’activité.

Après la première vague, la deuxième puis la troisième...

Le Premier Ministre Edouard Philippe aura forcément cela en tête au moment de présenter le plan de dé-confinement du gouvernement à l’Assemblée Nationale…. 

Un mois de confinement, selon les calculs de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques, l’OFCE, c'est 30% de PIB en moins sur le mois. Pour le moment, l’économie, et les entreprises sont soutenues par des aides d’Etat, mais si l’activité met du temps à reprendre parce que les Français et Françaises ne peuvent pas à nouveau dépenser dans les magasins non essentiels, les restaurants, les cafés, les salles de concert etc… une partie des entreprises qui font aujourd’hui le dos rond, vont faire faillite, et là, plus de chômage partiel possible, ce sera le chômage tout court pour les salarié.es de ces entreprises. 

Là on a eu la première vague de l’effet confinement, si derrière le confinement, il y a une hausse des faillites, dans deux trois mois ou plus, on aura alors une seconde vague et un autre pic des inscrits à Pole emploi. Eric Heyer, de l’OFCE

Si on regarde ce qu’il s’est passé après la crise de 2008, on peut même craindre une troisième vague de chômage sur le moyen terme. 

A l’époque, une fois la croissance revenue vers 2010, les Etats Européens, qui avaient beaucoup dépensé, comme maintenant, pour limiter la casse, ont appliqué des mesures d’austérité qui à leur tour ont eu un effet négatif sur la croissance et l’emploi ensuite. 

Ces deux risques, faillites, puis austérité, sont des menaces, même s'il n'y a pas la deuxième vague d’épidémie que certains évoquent. 

Le ministère du Travail a déjà suspendu la mise en application d’une partie de la réforme des règles d’assurance chômage négociée pendant des années ; il a dit hier vouloir engager une « réflexion avec les partenaires sociaux » pour « adapter rapidement » les règles de l'assurance-chômage, sans plus de précision sur la direction que cela prendra. 

Marie Viennot

L'équipe