Coronavirus. Sans expressions du visage, le port du masque rend difficile la communication

Les personnes sourdes et malentendantes sont évidemment impactées par le port du masque, mais les entendants se voient aussi privés d'une communication non-verbale.

Le port du masque rend difficile la communication pour les sourds qui utilisent les expressions faciales, mais aussi pour les entendants.
Le port du masque rend difficile la communication pour les sourds qui utilisent les expressions faciales, mais aussi pour les entendants.
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Le port du masque va se généraliser à l’issue du déconfinement progressif dès le 11 mai 2020. Outil d’hygiène s’imposant peu à peu, avec atermoiements, dans la lutte contre le Covid-19. L’académie nationale de médecine prône par exemple le port « généralisé » et « obligatoire » du masque. La Métropole de Rouen (Seine-Maritime) a commandé 500 000 masques, qui seront distribués par les villes. Le fait de masquer une grande partie de notre visage va priver les uns et les autres d’informations importantes pour la bonne communication, que l’on soit sourd ou entendant.

« En langue des signes, le visage donne du sens »

Les personnes sourdes et malentendantes redoutent ce moment où toute expression faciale sera rendue invisible. « Pour les sourds, le masque représente une difficulté », lâche sans détour Émilie Ozouf, gérante de la coopérative Liesse, agence d’interprètes en langue des signes à Rouen. Comme elle l’explique, « la langue des signes est visuelle : on utilise toute la partie haute de notre corps et le visage donne du sens. Suivant l’expression du visage, le sens peut être différent ». Les expressions du visage sont un « paramètre très important de la langue. C’est la prosodie ; chez les entendants, dans leur voix passent les intentions : un ton sec, bienveillant, narquois… En langue des signes, ça passe presque exclusivement par le visage », indique l’interprète. Sans parler de la lecture labiale devenue impossible pour les sourds et malentendants.

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Comme le dit Gwenaëlle, devenue sourde à l’âge de six ans, « le masque, c’est la hantise des personnes sourdes. Le port du masque nous perturbe dans la vie au quotidien et dans la vie professionnelle ». Auprès de nos confrères du Courrier indépendant, Gwenaëlle cite le cas d’une amie qui s’inquiétait car elle avait les symptômes du coronavirus :

Elle a fait le 114 pour appeler l’interlocuteur qui lui, a contacté les urgences. Ils sont venus en combinaisons, masques… Imaginez ce que cela a pu être pour elle : impossible de communiquer, de se faire comprendre, rassurer… Elle s’est sentie seule, désespérée.

« Le masque vient ébranler l’intersubjectivité »

Mais pour les personnes entendantes aussi la communication est ainsi rendue difficile. « Nous sommes confinés, non pas seulement entre des murs, mais aussi entre une fine barrière de papier placé entre soi et l’autre », remarque Marie Oisel, psychologue clinicienne, dans le service ORL et chirurgie maxillo-faciale du CHU de Rouen. Pour cette psychologue, il ne fait aucun doute que « le port du masque, en tant qu’objet d’hygiène, recommandé pour notre protection, vient ébranler notre rapport à l’autre, l’intersubjectivité ».

Ainsi, l’être humain se voit privé d’une communication non-verbale. « Au début, c’est très perturbant, parce qu’il manque un élément de la communication non-verbale. Imaginez une phrase dans laquelle il manque des lettres. Au début, vous ne comprenez rien, mais très vite vous y parvenez. C’est la même chose avec le masque », décrit Corinne Martin, formatrice en management et communication.

Laissant ainsi la place aux interprétations, car « il y a des doubles sens dans la langue et ce masque vient d’autant plus apporter des difficultés face à la confusion liée à notre langue. Toutes les subtilités du langage associées à l’expression faciale, c’est vrai que cela les rend plus difficilement perceptibles », reconnaît la psychologue Marie Oisel.

« La bouche est un élément clé »

Pour Stephan Bunard, expert en communication non-verbale et auteur de Vos gestes disent tout haut ce que vous pensez tout bas, « la bouche est un élément clé de la perception du message ». Lorsqu’on écoute quelqu’un parler, « on pense regarder les yeux, mais en réalité notre cerveau analyse tous les capteurs du visage ; le point d’impact visuel ne s’arrête pas que sur les yeux ». Selon cet expert, « la bouche est l’élément le plus incontrôlable qui soit. Elle est, par exemple, le premier point pour évaluer le non-dit de l’ordre du bluff ou de l’insincérité ». 

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Heureusement, nous disposons de « notre corps tout entier pour contourner ces difficultés », fait remarquer Marie Oisel. Par exemple, depuis la crise du coronavirus et le port généralisé du masque en milieu hospitalier, la psychologue a remarqué que dans son service « des personnes qui habituellement s’expriment peu ou pas avec les gestes corporels, maintenant, du fait du port du masque, utilisent la gestuelle des mains et corporelle ». Même remarque pour Stephan Bunard qui pense que « le masque va nous obliger à nous adapter » :

Comme on sait que l’audibilité est rendue plus difficile, on va  renforcer la gestualité.

Et comme le pense Corinne Martin, spécialiste de la communication non-verbale, « le récepteur va être habitué à être privé d’une partie de la communication. Le cerveau s’adaptera très vite ».

Toutefois, cette communication rendue plus difficile n’aide pas a atténuer le sentiment d’un environnement devenu hostile. Comme le souligne la psychologue rouennaise Marie Oisel, « le masque revêt une forme certaine d’ambivalence : il représente la pandémie du coronavirus et en même temps, c’est une arme défensive contre cette dernière ». 

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