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Thierry Marx : « Certains ont découvert pendant ce confinement qu’ils avaient le temps de cuisiner, et que ce n’était pas si mal »

Le chef étoilé a répondu mardi aux questions des lecteurs du « Monde », au sujet de l’avenir des restaurants par temps de coronavirus.

Le Monde

Publié le 05 mai 2020 à 19h31, modifié le 05 mai 2020 à 20h38

Temps de Lecture 5 min.

Le chef Thierry Marx, à Paris, le 23 avril.

Chaque jour, le direct de « Nos vies confinées » invite, en tchat, à explorer le quotidien de cette période particulière. Mardi 5 mai, le chef étoilé Thierry Marx s’est prêté au jeu des questions-réponses avec les lecteurs du Monde, au sujet de l’avenir des restaurants, après sept semaines de confinement.

Hotta Rit : Que faites-vous, vous et vos équipes, en ce moment ?

Thierry Marx : En ce moment, c’est le chômage technique et la préparation de la réouverture, bien qu’on n’ait pas de point à l’horizon. On attend les directives de l’Etat sur l’hygiène, et sur la mise en place de la sécurité sanitaire de nos salariés et de nos clients. Globalement, l’état d’esprit dans la profession est positif, même si on sait très bien que l’on ne rouvrira pas tous en même temps. Certains restaurants à Paris sont très liés à une clientèle étrangère, et il faut attendre la réouverture de l’espace aérien. Les établissements qui peuvent accueillir une clientèle de proximité attendent la possibilité de rouvrir.

Mathilde : J’aimerais savoir si les règles sanitaires d’un restaurant peuvent permettre d’atteindre le risque zéro ? Est-il envisageable de faire travailler toutes les équipes avec un masque ? De nouvelles réglementations en vue ?

Il y a déjà en France une réglementation extrêmement sûre d’un point de vue sanitaire (le HACCP, en français « analyse des dangers et points critiques pour leur maîtrise »). Donc, mes confrères et moi-même sommes impliqués dans ce respect de ces normes. Aujourd’hui, à cause du Covid-19, il faut élever ce HACCP, en augmenter l’exigence. Ce n’est pas facile, mais je sais que la profession sera capable de le faire. Et puis la loi nous impose de garantir à nos clients une sécurité sanitaire sans faille.

Aujourd’hui, on a des gants, des surchaussures et des masques, et évidemment les toques ou charlottes. En France, l’industrie agroalimentaire connaît et observe déjà ces règles de protection, et je pense qu’elles vont arriver dans les restaurants. On va monter d’un cran. Il faut également bien reprendre les gestes barrières qui existaient déjà, notamment sur le lavage des mains.

Floflo : Pourquoi si peu de restaurants sont restés sur les plates-formes de livraison à domicile ? Cela aurait peut-être permis de limiter la casse de l’absence de chiffre d’affaires ?

Un certain nombre de professionnels se sont mis sur ces plates-formes, et commencent à livrer leurs plats en « click and collect ». Mais ça ne suffira pas, et ces plates-formes ne garantissent pas toujours une qualité de livraison qui convient à notre métier.

En ce qui me concerne, ce n’est pas du tout envisageable. Beaucoup de mes confrères et moi avons une écriture assez spontanée, et travaillons à la minute. Chacun choisit le style du chef qu’il aime bien, mais on veut goûter ça à la minute, pas se faire livrer. D’autant que la livraison implique également d’autres règles sanitaires, notamment sur la cuisson.

Notre profession a toujours su s’adapter, depuis des siècles que l’on mange dans les restaurants. On n’a jamais connu de crise aussi dure, dans notre métier, mais je suis certain que les choses vont évoluer dans le bon sens.

Jules Canard : Verra-t-on un changement du comportement alimentaire à la suite de cette crise ? Une conscience alimentaire plus forte pour du consommer local ?

Une fois que cette peur du Covid va commencer à s’éloigner, je pense que l’on va retrouver nos bons vieux réflexes. Mais cette crise nous permet de redécouvrir une cuisine, le produit français et fait en France. Je pense que le comportement locavore, tel qu’on l’a vraiment vécu, va être quelque chose de durable.

« Ce confinement a permis à certains de redonner du sens à leur alimentation. Et ça va marquer les esprits »

Certains ont découvert pendant ce confinement qu’ils avaient le temps de cuisiner. Et que cuisiner, c’était pas si mal, plutôt que de faire confiance à une industrie dont on ne sait pas toujours ce qu’elle met dans ses préparations. Et ça va donner également un potentiel économique à certains restaurateurs : on peut imaginer aller acheter des quenelles à la lyonnaise à la brasserie du coin, pour ensuite les déguster chez soi. Ce confinement a permis à certains de redonner du sens à leur alimentation. Et ça va marquer les esprits.

On avait déjà le sentiment que les gens se réintéressaient à la cuisine, avec les cours et les émissions notamment. Ce confinement nous aura marqués, et ma profession pourra en avoir l’usufruit. Le consommateur sera peut-être plus attentif à ne plus s’attacher au prix, mais à la qualité. On saura faire la différence entre un bon et un mauvais pain, car on en aura fait à la maison. Pareil pour les gâteaux.

Amel : Je m’interrogeais sur la capacité des restaurants et des brasseries à tenir le coup à la suite du confinement. En moyenne, combien de clients par jour un restaurant classique devra-t-il recevoir pour espérer amortir cette crise ? Devront-ils augmenter ou baisser leurs tarifs ?

On va avoir une année meurtrie. Mais si on se serre les coudes, on sera nombreux à s’en sortir. La France est un pays de restaurants et de lien social : on aime nos restaurants, et je pense que l’on va faire en sorte que ce lien culinaire soit maintenu le plus largement possible.

Personne n’est naïf. Il faut rester humble et ne pas entrevoir un chiffre d’affaires trop ambitieux. Mais, psychologiquement, il est important de faire repartir notre machine économique le plus tôt possible. Car l’outil de travail s’abîme très vite.

Il faut admettre qu’en France on a un exécutif qui a pris en charge un certain nombre de choses, comme le prêt garanti par l’Etat ou le chômage partiel, et l’on parle aussi d’un plan d’aide à la réouverture. Ce n’est pas le cas dans tous les pays où je travaille, qui ont parfois pris des décisions brutales, sans se soucier forcément de ce que l’on devient. En France, on a pris conscience du caractère important des métiers de l’hôtellerie-restauration et de l’écosystème qui vit autour.

Coquillette Jambon Gruyère : Quel est votre rapport à la cuisine en ces temps de confinement ? Quel est l’impact de cette période sur vous et votre art ?

Cette période de confinement est pour moi une période de tests. Je regarde ce qu’ont fait mes aînés, car j’ai la chance d’avoir une bibliothèque importante, et je peux faire des essais, car j’ai la chance d’être confiné au-dessus de mon laboratoire. On fait aussi de la recherche et du développement, et on travaille en ce moment sur la saisonnalité, sur moins de sucres dans l’alimentation… Dernièrement, on a travaillé sur la fleur d’oranger – car les orangers sont en fleurs, même à Paris où nous avons un toit-jardin –, et on récupère ça pour aromatiser les pâtisseries. Ce sont des pistes qui étaient déjà ouvertes auparavant.

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