À l'annonce du confinement, les enseignes de la grande distribution française s'étaient engagées à donner une prime de 1000 euros à leurs salariés. Un geste pour saluer leur mobilisation en dépit des risques pris face au Covid-19 en allant travailler.

Quelques semaines plus tard, la réalité est toute autre. Une enquête de Mediapart, réalisée par la journaliste Nassira El Moaddem, démontre ainsi que cette prime de 1000 euros ne sera pas touchée par la majorité des employés de la grande distribution

D'une prime de 1000 euros à des bons d'achat de 50 euros

Dans chaque entreprise de la grande distribution, on est bien loin de la prime de 1000 euros promise. Trois scénarios se dessinent.

Soit la prime sera adaptée en fonction des heures ou jours travaillés - alors même que "le virus ne fait aucune différence entre les temps de travail" rappelle Pierre Fostier, délégué Force ouvrière chez Auchan  - soit son montant dépendra du bon vouloir des directeurs de magasins, soit un bonus sera donné sous forme de bons d'achat à utiliser dans le magasin où les employés sont salariés.

C'est par exemple le cas à l'Intermarché de Miramas, où certains employés ont déjà reçu des bons d'achat de 50 euros, uniquement utilisables dans les rayons alimentaires de leur magasin.

Vidéo du jour

À Auchan comme à Carrefour ou pour le groupe Casino (Casino, Géant Casino, Monoprix), la prime de 1000 euros a finalement été proratisée, soit en fonction du nombre de jours travaillés, soit du nombre d'heures effectuées. Un document interne à Auchan obtenu par Mediapart montre que pour obtenir 1000 euros de prime, il faudrait disposer d'un contrat de 25 heures, et avoir travaillé 28 heures supplémentaires sur la période.

Une décision inégalitaire qui récompense seulement ceux qui ont été en capacité d'être à la disposition totale de la grande distribution pendant la pandémie mondiale, sans prendre en compte les raisons de l'absence des autres employés : garde d'enfants à cause de la fermeture des écoles, étudiants à temps partiel, arrêts maladie pour Covid-19, prise en charge d'un proche dépendant...

Travailler malgré les risques pour toucher une prime

Ainsi, pour ne pas se voir refuser la prime, certains ont dû prendre des risques. Alain Tsamas Sylvère, salarié à Monoprix, raconte à Mediapart : "Des collègues qui s'étaient mis en arrêt sont revenus parce qu'ils voulaient toucher cette prime et se sont mis en danger".

Des collègues qui s'étaient mis en arrêt sont revenus parce qu'ils voulaient toucher cette prime et se sont mis en danger

Pour d'autres comme Zouhir Zerouki, lui aussi salarié à Monoprix (depuis 19 ans) et hospitalisé 14 jours à cause du Covid-19, son absence sera décomptée de sa prime - quand bien même il a probablement développé le virus en activité.

Pour la grande distribution, la prime a avant tout été un coup de communication efficace. Les supermarchés ont comptabilisé des records de vente depuis le début du confinement, avec des prix de caddies en hausse, comme le rappelait une caissière d'un Leclerc en Seine-et-Marne.

"On nous prend pour des cons ! On a travaillé 10 jours sans protection, je fais une dizaine d’heures en plus chaque semaine, certains clients nous insultent et en même temps, le panier moyen a doublé et c’est comme ça qu’on nous remercie ? On est dégoûtés…", réagit un salarié d'Intermarché auprès de Nassira El Moaddem.