Plus de 80 000 Ouïgours seraient victimes de travail forcé dans des usines chinoises intégrées dans les chaines d’approvisionnement de grandes marques internationales, assure un rapport du think-tank australien ASPI (Australian Strategic Policy Institute). Un travail forcé mis en place par les autorités chinoises qui réprime depuis plus de dix ans cette minorité musulmane et turcophone de la région du Xinjiang dont elles ont été déplacées. 

"Ouïgours à vendre" ! C’est le titre du rapport en forme de cri d’alerte que lance le think-tank Australian Strategic Policy Institute (ASPI) (1). Celui-ci livre une étude documentée sur un système de travail forcé de 80 000 Ouïgours contraints de travailler dans des usines textiles, automobiles ou électroniques qui fournissent plus de 80 grandes marques mondiales. Parmi celles-ci : Adidas, Fila, Nike, H&M, Uniqlo, Apple, Microsoft, Siemens, Volkswagen, BMW, Alstom ou Bombardier…
L’ASPI recense 27 usines dans neuf provinces chinoises identifiées comme fournisseurs de ces marques et qui utiliseraient une main-d’œuvre ouïghoure transférée de force en dehors de leur province d’origine, le Xinjiang. Depuis 2017, plus d’un million de personnes de cette minorité musulmane et turcophone ont disparu dans "un vaste réseau de camps de rééducation" dénoncé par la Communauté internationale. Un chiffre contesté par Pékin qui parle de "centres de formation professionnelle" destinés à combattre l’extrémisme religieux. Mais "il est de plus en plus évident que de nombreux Ouïghours sont désormais contraints de travailler dans des usines du Xinjiang ou d’autres provinces" à travers l’"utilisation d’un mécanisme de transfert de main d’œuvre mis en place par l’État chinois", rétorque l’ASPI.
Un manque de vigilance
Dans ces usines, les travailleurs ouïghours sont logés dans des dortoirs séparés des autres travailleurs. Ils doivent assister à des formations de mandarin et des séances d’endoctrinement en dehors de leurs heures de travail. Ils sont constamment surveillés, sont interdits de participation à des célébrations religieuses et bénéficient d’une liberté de mouvements limitée, relate le think-tank dans son rapport.
Toutes les entreprises n’ont pas le même degré d’implication, précise l’ASPI. Certains produits sont directement fabriqués par ces travailleurs quand d’autres passent par des chaînes d’approvisionnement complexes. Mais "l’expansion rapide du système national de main-d’œuvre ouïghoure représente un nouveau défi pour les entreprises étrangères opérant en Chine", la réputation des marques chinoises à l’étranger…et leurs investisseurs, assure le think-tank.
Les entreprises directement nommées dans le rapport doivent ainsi "mener une diligence raisonnable immédiate et approfondie en matière de droits humain sur leur main-d’œuvre en Chine" avec des audits et inspections sociaux "robustes et indépendants". En cas de travail forcé avéré dans des usines fournisseurs, elles doivent prendre des mesures correctives immédiates ou cesser de travailler avec ces usines mais aussi "chercher à utiliser son effet de levier pour lutter contre les pratiques de travail irrégulières".
Béatrice Héraud, @beatriceheraud
(1)    « Ouïgours à vendre », rapport de l’ASPI, mars 2020

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