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Masques à gaz, gants de ménage... La Russie a facturé 660.000 dollars son "aide humanitaire" aux Etats-Unis
Le 30 mars, le ministère russe de la Défense envoyait un Antonov-124 transportant masques et équipement médical, qui atterrissait le 1er avril à New York.
Press service of Russian Ambassa / Sputnik via AFP

Masques à gaz, gants de ménage... La Russie a facturé 660.000 dollars son "aide humanitaire" aux Etats-Unis

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Le 1er avril, alors que le virus commençait ses ravages à New York, Vladimir Poutine y envoyait un Antonov-124 de l'armée chargé de matériel médical, "à la demande de Donald Trump". Opération de propagande réussie ? Pas sûr... Un mois plus tard, le 1er mai, ABC news révèlait le montant de la facture et le contenu du chargement.

Le 30 mars dernier, Vladimir Poutine s’entretenait au téléphone avec Donald Trump, « à l’initiative des Etats-Unis », précisait un communiqué du Kremlin. Le lendemain, « dans l'esprit du partenariat et de l'assistance mutuelle sans alternative aujourd'hui, quand cette situation touche tout le monde sans exception et devient globale », le ministère russe de la Défense envoyait un Antonov-124 transportant masques et équipement médical, qui atterrissait le 1er avril à New York. Du jamais vu en ces temps de néo-guerre froide russo-américaine... Et un coup-double diplomatique réussi pour Moscou, qui avait 10 jours plus tôt envoyé quinze avions militaires en Italie, une opération baptisée « From Russia with love ».

Interrogée sur les conditions de cette coopération inédite, la Maison blanche précisait aussitôt que le don russe n’était qu’un demi-don, Washington ayant pris en charge la moitié de la facture. ABCnews vient de publier, début mai, le montant facturé par Moscou : 660.000 dollars, soit 610.000 euros. Alors que les Etats-Unis, New York en tête, entraient dans leur lutte contre le virus, Donald Trump, interrogé sur l’envoi russe, répondait que Vladimir Poutine lui avait « offert beaucoup de matériel médical de haute qualité, que j’ai accepté et qui pourraient sauver beaucoup de vies. J’en prendrais tous les jours », ajoutait-il.

Des masques à gaz d'aucune utilité

Mais que contenait au juste le chargement décidé de concert par Vladimir Poutine et Donald Trump ? Citant un relevé officiel, ABC révélait que la cargaison contenait nombre d’équipements « inhabituels » dans les hôpitaux : outre de simples gants de ménage en caoutchouc, elle comprenait 4.000 « masques à gaz complets avec filtres » M-95, utilisés en cas de guerre chimique ou biologique. Couvrant l'intégralité du visage, ces masques n’ont été d’aucune utilité au soignants new-yorkais... Plusieurs milliers de respirateurs, 30.000 gants chirurgicaux, 400.000 combinaisons médicales et 80.000 paquets d’antiseptique cutané, complétaient la cargaison.

Au moment du vol, le gouverneur de New York Andrew Cuomo avait déclaré craindre une pénurie de ventilateurs. Message reçu : Moscou lui en a envoyé 45. Le problème est qu’ils n’étaient pas immédiatement utilisables, puisque ces appareils étaient en 220 volts, alors que les Etats-Unis sont en 110 volts. Les hôpitaux auront-ils trouvé les transformateurs nécessaires ? L’histoire ne le dit pas. Les journalistes d’ABC news n’ont pas reçu la moindre information sur la destination finale ni l’usage d'un vol qualifié d'«aide humanitaire » par Moscou, n’excluant pas qu’elle ait été consignée dans un hangar...

Opération de "propagande" ?

« A New York, il y a vraiment une situation très difficile, il me semble que chaque pièce d’équipement de protection compte. Sans exagérer l’importance de cette aide, c’est un bon geste de solidarité avec les New Yorkais, ils l’apprécient », confiait à l’agence TASS Dmitry Polyansky, premier adjoint au Représentant permanent de la Russie à l’ONU, après avoir accueilli l’avion à l’aéroport JFK.
Au vu du détail et de prix du chargement, ABC News s’interrogeait néanmoins sur son utilité, à l’instar d’autres médias américains qui soupçonnaient une opération de « propagande » de Moscou. «Je me fiche de la propagande russe, complètement », avait rétorqué Trump aux journalistes, lors d’un briefing le 2 avril.

Au même moment, Moscou soumettait à l’ONU, sans succès il est vrai, l’idée de mettre fin aux sanctions internationales en période de pandémie. Il n’est donc sans doute pas l’effet du hasard que la part russe de l’Antonov ait été financée par le Fond russe d’investissement direct, un fond souverain sanctionné par le Trésor américain suite à l’annexion de la Crimée. Tout comme l’usine sibérienne qui a fabriqué une partie des ventilateurs et respirateurs. «Les sanctions ne s'appliquent pas au matériel médical», a sobrement conclu le Département d'Etat.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne