Confrontés à des baisses de revenus en raison du confinement, les ménages modestes sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir payer leur loyer, alertent les associations qui ont reçu de nombreuses demandes d’aide ces dernières semaines.

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Pour l’heure, il ne s’agit que de remontées de terrain mais qui permettent d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène. «Dans les logements d’insertion (gérés par des associations dans le parc privé), nous avons constaté une hausse de 49% des retards de paiement depuis fin mars», affirme au Figaro Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) qui regroupe 800 associations.

Pour le reste du parc privé, la FAS s’attend aussi à un taux d’impayés très élevé, «compte tenu des taux d’effort, qui peuvent atteindre 50 % des ressources, pour les ménages modestes en particulier dans les zones tendues.» «Dans le parc social, nous n’avons pas encore de chiffres globaux, mais par exemple, sur l’office HLM de Montreuil (93), les retards de paiement sont en augmentation sur un mois de 13 %», ajoute Florent Guéguen.

De son côté, Pierre Hautus, directeur général de l’Union nationale des propriétaires immobiliers ne constate «aucune hausse significative des impayés mais des délais de paiement pour les loyers du mois d’avril, le temps que les entreprises perçoivent de la part de l’État les salaires de leurs employés .

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Économiste à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), Pierre Concialdi estime le nombre de personnes en difficulté pour payer leur loyer entre six et sept millions. «Il y a d’abord un socle dur constitué par les ménages modestes qui connaissent des difficultés avant de voir leurs revenus baisser (1,5 million). Nous pouvons ajouter les ménages «non pauvres» dont au moins un membre n’a perçu aucun revenu durant le confinement (500.000) ainsi qu’une partie des ménages aux revenus «intermédiaires» qui ont subi une baisse partielle de leurs revenus, entre un tiers et la moitié (entre 500.000 et 800.000)», analyse Pierre Concialdi dans une note publiée en avril. Soit un total de 2,5 à 2,8 millions de ménages actifs (ce nombre ne tient compte ni des étudiants ni des retraités).

Et qui dit impayés dit souvent expulsions. Mi-mars, Emmanuel Macron a annoncé le report de deux mois de la trêve hivernale qui devait prendre fin le 1er avril, interdisant ainsi les propriétaires de mettre à la porte leurs locataires avant le 1er juin. Mais les associations redoutent une envolée des expulsions locatives après le confinement. En 2018, 15.993 ménages, soit plus de 36.000 personnes, ont été expulsés avec le concours de la force publique, selon la Fondation Abbé Pierre.

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Le ministre chargé du Logement Julien Denormandie rappelle qu’en cas d’impayés, les locataires peuvent consulter le site Anil.fr où des professionnels leur rappellent qu’ils peuvent bénéficier d’aides financières de la part de l’État et des collectivités territoriales. «Insuffisant!», rétorquent les associations qui demandent la création d’un fonds national d’aide au paiement de la quittance doté d’au moins 200 millions d’euros. «Il faut une réponse rapide de l’État pour éviter un pic des expulsions locatives et des situations d’endettement catastrophiques pour les ménages, comme pour les bailleurs», martèle Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité.

Un dispositif plus efficace selon elle que l’annulation des loyers que veut mettre en place la mairie de Bobigny (93) mais que le bailleur social de la ville refuse de mettre en place. «La plupart des locataires n’ont pas de baisse de revenus, souligne Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. Il n’y a donc pas de raison de mettre en immense fragilité les bailleurs privés ou sociaux