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Une universitaire emprisonnée en Iran a tenté de se suicider "à plusieurs reprises"

par Céline Peschard ,
Une universitaire emprisonnée en Iran a tenté de se suicider "à plusieurs reprises"© University of Melbourne
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Kylie Moore-Gilbert, une universitaire australo-britannique emprisonnée en Iran pour "espionnage", a tenté de se suicider à plusieurs reprises dans la tristement célèbre prison d'Evin à Téhéran, selon le mari de Nasrin Sotoudeh, illustre avocate iranienne des droits de l'homme, elle aussi en prison.

Détenue à l'isolement depuis vingt mois par les gardiens de la Révolution pour "espionnage" en Iran, la vie de la chercheuse Kylie Moore-Gilbert est un cauchemar. Cette passionnée du Moyen-Orient, comme ses proches la décrivent, aurait tenté à trois reprises de mettre fin à ses jours sans y parvenir. L'information a été diffusée par le mari de Nasrin Sotoudeh, illustre avocate iranienne des droits de l'homme, elle-même emprisonnée à Evin depuis juin 2018, pour des motifs liés à son activisme. Cette dernière a été condamnée l'année dernière à un total de 38 ans de prison et 148 coups de fouet pour plusieurs chefs d'accusation, dont le plus lourd est "incitation à la débauche".

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"Sa longue détention dans le quartier sécuritaire de la prison est si insupportable qu'elle a tenté à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours", écrit sur Facebook Reza Khandan, le mari de Nasrin Sotoudeh. "Elle a été empêchée d'accéder à la branche commune de la prison […] Elle n'a pas le droit d'avoir des contacts avec les autres prisonniers. Elle ne peut recevoir de l'argent et effectuer des achats dans le magasin de la prison comme les autres prisonniers, et est empêchée d'envoyer ses lettres [dans lesquelles] elle se plaint."

L'universitaire serait "furieuse" contre les autorités australiennes pour "avoir ignoré sa situation intolérable en prison", selon Reza Khandan.

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Qui est Kylie Moore-Gilbert ?

Brillante jeune femme, Kylie Moore-Gilbert est maître de conférences en études islamiques à l'université de Melbourne, diplômée de l'université britannique de Cambridge et spécialiste des pays du Golfe. Elle s'est notamment fait connaître pour sa thèse sur le mouvement de révolte chiite à Bahreïn, qui secoue cette minuscule pétromonarchie depuis 2011. C'est en septembre 2018, que ses travaux l'amènent en Iran pour participer à une conférence académique.

La citoyenne australienne, qui possède également la nationalité britannique, est arrêtée à l'aéroport Imam-Khomeiny de Téhéran par les services de renseignement des gardiens de la Révolution (Pasdaran), l'armée idéologique de la République islamique. Kylie Moore-Gilbert est ensuite incarcérée à l'isolement dans la prison d'Evin, au sein de l'aile 2A de haute sécurité, directement sous le contrôle des gardiens de la Révolution. En juillet 2019, elle est condamnée à dix ans de prison pour "espionnage". Or, dix mois après ce procès à huis clos, la scientifique demeure toujours emprisonnée dans ce quartier traditionnellement réservé aux interrogatoires. De plus, sa santé psychologique commence à se détériorer sérieusement.

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Suite à sa lourde condamnation, Kylie Moore-Gilbert clame son innocence à ses geôliers. "Je suis une femme innocente qui a été emprisonnée pour un crime qu'elle n'a pas commis et pour lequel il n'y a aucune vraie preuve", déclare-t-elle le 2 août 2019. "Dès le début, il est apparu clair que les accusations [pesant sur moi] étaient fabriquées par les gardiens de la Révolution", insiste-t-elle. Et d'après Téhéran, la jeune femme a "violé la sécurité nationale de l'Iran" et doit purger l'intégralité de sa peine.

Tout comme Fariba Adelkhah

La prisonnière s'est fait connaître en France en entamant fin décembre, en même temps que la chercheuse française Fariba Adelkhah (elle aussi emprisonnée en Iran), une grève de la faim afin de protester contre son emprisonnement "injuste". Un mois plus tard, les quotidiens britanniques The Times et The Guardian ont publié une série de dix lettres écrites par la chercheuse australienne à ses geôliers de juin à décembre 2019, et qu'ils sont parvenus à faire sortir de prison.

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Rédigés en persan, ces écrits lèvent une partie du voile sur les conditions de détention extrêmement rudes auxquelles est soumise la jeune femme, détenue dans une cellule de deux mètres sur trois constamment éclairée. "Je prends un traitement psychiatrique, mais les dix mois que j'ai passé ici ont gravement endommagé ma santé mentale", écrit-elle le 5 juillet 2019 à "Monsieur Ghaderi", vraisemblablement un officier de rang intermédiaire des Pasdaran.

Le 23 août 2019, Kylie Moore-Gilbert informe le procureur-adjoint de son refus de travailler pour les services de renseignement des gardiens de la Révolution, comme cela lui aurait été proposé : "Je ne suis pas une espionne. Je n'ai jamais été une espionne et n'ai aucune envie de travailler pour une organisation d'espionnage dans aucun pays."

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Depuis le retrait unilatéral de Donald Trump de l'accord sur le nucléaire iranien en mai 2018, la République islamique a arrêté plusieurs ressortissants étrangers pour en faire des monnaies d'échange avec les pays occidentaux. Ce fut le cas du chercheur français Roland Marchal, libéré le 20 mars dernier après neuf mois de prison à la suite d'un échange avec l'ingénieur iranien Jalal Rouhollahnejad.

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Vidéo par Louise Lethiec
Céline Peschard
Journaliste société
Journaliste aimant la polyvalence que peut offrir son métier. Spécialisée dans le domaine historique, les sujets de société et les films d'auteur, sur fond de musique électronique. Cursus universitaire basé …
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