S’agit-il d’“une blague qui a mal tourné” ? se demande le site d’information indépendant Business News à propos du débat qui agite la Tunisie. ​L’objet du scandale est la “sourate du coronavirus”, un pastiche qui imite la structure et même l’ornement d’un texte coranique. La blogueuse tunisienne Emna Chargui l’a partagé sur son fil d’actualité Facebook, sans se douter que ce texte considéré par certains comme un “blasphème” pouvait lui valoir une convocation par la police le 4 mai, et une accusation d’offense au Coran par le parquet de Tunis.

Dans ce texte, reproduit par Business News, on lit notamment :

Covid / Et le virus mortel / Ils sont étonnés de le voir débarquer de la Chine lointaine / Les mécréants disent que c’est une maladie […] Accrochez-vous à la science et abandonnez les traditions / Ne sortez pas pour acheter la semoule.”

Selon l’avocate d’Emna Chargui, Me Inès Trabelsi, qui s’exprimait sur les ondes de la radio privée IFM, le parquet a invoqué l’ambigu article 6 de la Constitution tunisienne de 2014, qui indique à la fois que “l’État protège la religion” mais qu’il garantit en même temps “la liberté de croyance, de conscience et de l’exercice des cultes”.

Plusieurs associations de défense des droits de l’homme sont montées au créneau pour réclamer l’abandon des charges et s’étonner de la convocation de la jeune internaute qui aurait tout simplement repris le texte du compte d’une amie algérienne pour le partager sur le sien, rapporte Business News.

Vive polémique

L’Observatoire national pour la défense du caractère civil de l’État note dans un communiqué publié mercredi 6 mai qu’Emna Chargui est, depuis l’ébruitement de cette affaire, victime d’une campagne d’insultes et de diffamation, et aurait même reçu des menaces de mort.

Dans une tribune publiée par le site libéral Kapitalis, l’universitaire Chérif Férjani, auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam, rappelle que le pastiche est un genre littéraire qui ne date pas d’hier et que de grands noms de la littérature arabo-musulmane s’y sont essayés.

Le site indépendant Réalités, lui, condamne l’acte de la jeune Tunisienne, estimant qu’il “ne faut pas confondre laïcité et rejet de la religion”. Selon l’auteur de l’article, il ne doit pas être possible “de porter atteinte au sacré sous la couverture de la liberté d’expression”. Emna Chargui comparaîtra libre devant la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis, le 28 mai 2020.