Covid-19 : Un rapport chinois redoute une confrontation militaire avec les États-Unis

Les conditions dans lesquelles a commencé à se répandre le SARS Cov-2, le coronavirus à l’origine de l’actuelle pandémie de Covid-19, restent encore à préciser. On sait que le premier foyer épidémique est apparu à Wuhan [Chine], où sont situés des laboratoire P4 et P3. Et que Pékin a tardé à en informer l’Organisation mondiale de la Santé [OMS].

Quant à la gestion de l’épidémie à Wuhan, les autorités chinoises sont soupçonnées d’en avoir minoré le bilan. Mais, il n’est pas possible d’avoir de certitudes, la Chine refusant par ailleurs toute enquête internationale pour le moment. En revanche, ce manque de transparence permet à Pékin de vanter les qualités de son modèle dans le cadre d’une « guerre informationnelle », en se posant en « sauveur » des autres pays touchés par la pandémie.

« Sur le plan international, nous assistons au développement d’une stratégie d’influence particulièrement active de la Chine, tendant à occulter ses erreurs dans la gestion initiale de l’épidémie, sous un ‘narratif’ vantant l’efficacité du modèle chinois de surveillance généralisée et le bien-fondé de son organisation sociale pour réduire l’épidémie. La Chine insiste également sur sa générosité par la mobilisation de ses capacités industrielles recouvrées au service des autres États, pour les aider à surmonter la crise, démontrant de façon de moins en moins implicite son caractère de ‘puissance indispensable' », ont ainsi récemment résumé les sénateurs Olivier Cadic et Rachel Mazuir.

Cela étant, aux États-Unis, l’administration Trump multiplie les insinuations [voire les accusations] selon lesquelles le SARS Cov-2 se serait « échappé » d’une laboratoire de Wuhan tout en soupçonnant la Chine de chercher à tirer des avantages économiques et militaires [comme en mer de Chine méridionale] de la crise provoquée par sa propagation.

Secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg n’a pas dit autre chose en avertissant les Alliés – sans aller jusqu’à citer la Chine – que les « adversaires potentiels » de l’Alliance allaient « tenter de profiter de la crise économique provoquée par le Covid-19 pour essayer de prendre le contrôle et de saper son unité ».

Et la vice-présidente de la Commission européenne, Margrethe Vestager est sur la même ligne quand elle suggère aux États membres de l’UE de prendre des participation dans les entreprises stratégiques et/ou technologiques affaiblies par la crise afin de les protéger de l’appétit chinois.

Quoi qu’il en soit, selon une dépêche diffusée le 4 mai par l’agence Reuters, l’Institut chinois de relations internationales contemporaines [CICIR], affilié au Ministère de la Sécurité de l’État, a remis un rapport aux principaux dirigeants du pays pour les avertir des « lourdes conséquences diplomatiques » que pourrait avoir la pandémie de Covid-19 pour Pékin.

Ainsi, selon ce document, avance Reuters, le CICIR estime que la propagation du SARS Cov-2 « a contribué à alimenter l’hostilité vis-à-vis de Pékin à l’étranger », notamment aux États-Unis, voire dans certains pays européens… Et cette dernière risque d’atteindre le niveau qui était le sien depuis la répression du mouvement de constestion sur la place Tinananmen, en 1989.

Et cette vague d’hostilité croissante risque, craint le CICIR, de déboucher, dans le pire des cas, sur une « confrontation armée » avec les États-Unis, où, d’ailleurs, le ressentiment contre la Chine est monté en flêche selon de récenst sondages du Pew Research Center et de l’institut Gallup.

En outre, le rapport évoqué par Reuters estime que le « sentiment anti-chinois suscité par l’épidéme pourrait susciter des réticences aux projets d’investissements de la Chine dans les infrastructures des ‘nouvelles routes de la soie' » et que les États-Unis « pourraient intensigier leur soutien financier et militaire à leurs alliés régionaux, rendant ainsi la situation sécuritaire en Asie plus volatile ».

S’il a relativisé l’importance de ce rapport dans les colonnes du quotidien suisse Le Temps, Lanxin Xiang, professeur d’histoire internationale au Graduate Institute à Genève, redoute aussi une confrontation armée.

« Cette pandémie fournit une occasion en or aux fanatiques évangéliques, anti-communistes et anti-chinois, comme Mike Pompeo et Mike Pence, pour entraîner Donald Trump, qui est totalement dénué d’idéologie. Je suis inquiet à l’idée de voir dégénérer un incident entre les deux marines en mer de Chine du Sud », a-t-il dit.

Sollicitée par le même journal, Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique [FRS], estime que « quelques soient les déclarations de l’administration Trump, les États-Unis ne sont pas l’agresseur dans cette affaire. Et d’ajouter : « La seule issue est que les États-Unis jouent leur rôle de stabilisateur en Asie et affichent leur détermination. S’ils hésitent, cela encouragera ceux qui, à Pékin, pensent qu’il y a une occasion à saisir. Or la Chine sait pertinemment qu’elle n’a pas les moyens d’un conflit armé avec les États-Unis. »

Cependant, « l’hostilité » à l’égard de Pékin que décrit le CICIR n’est pas partagée par tout le monde. En Europe, par exemple, l’aide que la Chine a apporté à l’Italie s’est révélée payante : un sondage de l’institut SWG a déterminé que 36% des Italiens pensent que leur pays doit se rapprocher de la Chine tandis que 27% affirment avoir une « opinion positive de l’Union européenne ». Ce sentiment est partagé dans d’autres pays du Vieux Continent, comme en Hongrie ou en Serbie.

Enfin, le risque d’une « confrontation armée » entre les États-Unis et la Chine dépendra probablement des conséquences de la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19. Certains analystes estiment que cette dernière peut provoquer un « basculement géopolitique majeur » au détriment de Washington, quand d’autres pensent, au contraire, que l’on surestime la place que prendra Pékin sur l’échiquier politique mondial.

En tout cas, le temps dira qui aura eu raison… Cependant, il n’est pas impossible que l’on se retrouve face au cas de figure décrit par Graham Allison [*], professeur émérite à Harvard, pour qui un choc entre les États-Unis et la Chine, dont les capacités militaires ont significativement progressé au cours de ces dernières années, est inévitable… si ces deux pays n’évitent pas de tomber dans le « piège de Thucydide », c’est à dire un conflit résultant de la rivalité entre une puissance émergente et une puissance régnante, comme ce fut le cas entre Athènes et Sparte au Ve siècle av. J.-C. Selon lui, « l’émergence rapide de toute nouvelle puissance perturbe le statu quo. Historiquement, dans 11 cas sur 15, depuis 1500, cela s’est terminé par une guerre. »

[*] Vers la guerre: La Chine et l’Amérique dans le Piège de Thucydide ?

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