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Coronavirus : dans les prisons surpeuplées de RDC, un risque de contaminations en chaîne

Des cas de Covid-19 ont déjà été détectés dans les établissements pénitentiaires du pays où la promiscuité et le manque d’hygiène sont la règle.

Par  (Kinshasa, correspondance)

Publié le 11 mai 2020 à 13h00, modifié le 11 mai 2020 à 13h21

Temps de Lecture 4 min.

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Dans une cellule surpeuplée de la prison centrale de Makala, à Kinshasa, en mai 2020 (photo prise par un détenu).

« On dort par terre, entassés dans les cellules. Quand il n’y a pas assez de place, des détenus vont dormir dans les latrines et, le matin, on doit les enjamber. » La scène est décrite par Jean-Pierre*, incarcéré depuis vingt ans à la prison centrale de Makala à Kinshasa, la plus grande de la République démocratique du Congo (RDC).

Les photos prises et les vidéos tournées par des détenus laissent voir les mêmes conditions de vie désastreuses dans les pavillons des différents établissements pénitentiaires du pays. Et l’arrivée du Covid-19 en RDC depuis début mars fait désormais craindre une catastrophe sanitaire majeure en milieu carcéral.

Mi-avril, Human Rights Watch (HRW) publiait un rapport alarmant, révélant que le taux de surpopulation moyen dans les prisons congolaises dépassait les 400 %. Makala, par exemple, a été construite en 1958 pour accueillir 1 500 prisonniers, mais elle en compte aujourd’hui plus de 8 000. Les prisonniers ne disposent même pas d’un mètre carré par individu.

Quelques jours après la publication du rapport, la cellule de riposte congolaise contre le Covid-19 annonçait qu’une centaine de cas avaient été détectés à la prison militaire de N’Dolo à Kinshasa, laissant redouter le pire dans les autres prisons.

Des morts de faim

Car comment respecter la distanciation sociale quand les détenus doivent s’entasser à plus de cinquante dans une petite cellule, et dormir à plusieurs par lit, quand il y en a ? Les prisonniers peinent aussi à se laver. « L’eau ne coule que tous les trois ou quatre jours, raconte Tony*, 38 ans, depuis son pavillon de Makala. Et elle n’est pas propre du tout. » Seules les donations d’organisations comme la Croix-Rouge permettent aux établissements de se procurer du savon.

La RDC n’a pas non plus de moyens suffisants pour nourrir ses prisonniers. Jusqu’à présent, ces derniers comptaient sur leurs familles pour leur fournir des vivres. Mais depuis la proclamation de l’état d’urgence sanitaire en mars, les visites sont interdites. Les détenus doivent se contenter d’une demi-tasse de « vungule », un mélange de maïs et de haricots, pour tenir chaque jour. « On se couche, on a faim, on se réveille, on a faim », soupire Tony.

En janvier et février, plus de soixante-dix détenus avaient déjà perdu la vie faute de nourriture à la prison de Makala, selon l’ONG congolaise Fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP, qui n’a pas de lien avec la Fondation Clinton américaine de l’ancien président). A Matadi, à l’ouest du pays, cinq prisonniers sont morts de faim début avril.

Le vungule cause aussi des douleurs au ventre à de nombreux détenus. « C’est préparé dans des conditions d’hygiène déplorables, même un chien n’en mangerait pas », dénonce Emmanuel Cole, président de la Fondation Bill Clinton pour la paix. Cet activiste originaire du Liberia est désormais la référence en RDC pour la défense des détenus. Il se rend toutes les semaines en prison pour suivre la situation.

Désengorger au plus vite

Dans ces conditions, la plupart des détenus souffre de carences en vitamines qui se traduisent par des infections, des crises de paludisme à répétition, ou encore des cas de typhoïdes et de dysenterie. Les malades peinent à accéder à des soins : les prisons ont des centres de santé et du personnel médical, mais pas de moyens pour acheter les médicaments.

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Et l’état des lieux n’est guère plus réjouissant dans les pavillons réservés aux femmes. Elles sont près de 250 à Makala. Beaucoup sont enceintes et les bébés restent avec elles après la naissance, sans structure sanitaire appropriée.

En RDC, la grande majorité des détenus n’ont pas encore été jugés, ce qui explique la surpopulation carcérale. « A la prison de N’Dolo par exemple, ils sont 2 000, mais seuls 400 ont vraiment été condamnés, explique Emmanuel Cole. Et de nombreux prisonniers qui ont fini leur peine restent aussi incarcérés plusieurs années. On leur demande de payer quelque chose au greffe pour pouvoir sortir. »

Les organisations de défense des droits de l’homme réclament donc des mesures de libération urgentes pour désengorger les prisons. Dans son rapport, Human Rights Watch demande au gouvernement congolais de libérer en priorité les femmes enceintes, les personnes handicapées et âgées, et les malades chroniques. L’ONG réclame aussi que soient décaissés des fonds alloués pour améliorer l’accès à la nourriture et aux soins.

Le gouvernement affirme que plus de 2 000 détenus ont été libérés dans le pays depuis mars pour éviter une explosion de cas de Covid-19. Début mai, le conseil des ministres s’est aussi prononcé pour la mise en liberté conditionnelle de certains détenus « ne présentant aucun risque », en citant le nom du directeur de cabinet du chef de l’Etat Vital Kamerhe, en détention depuis le 8 avril et jugé à partir de ce lundi 11 mai, ainsi que des personnes condamnées à des peines mineures.

Malgré ces déclarations, les prisons continuent à se remplir : 645 nouveaux prisonniers sont arrivés à la prison de Makala depuis début mars, selon le comptage de sources pénitentiaires.

* Les prénoms ont été modifiés.

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