Sapiens : on a retrouvé le plus vieil Européen… en Bulgarie !

C'est une découverte exceptionnelle faite par le paléoanthropologue français Jean-Jacques Hublin. L'Homme moderne est arrivé en Europe plus tôt qu'on ne le croyait.

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Fouilles dans la grotte de Bacho Kiro, Bulgarie
Fouilles dans la grotte de Bacho Kiro, Bulgarie © Picasa / Tsenka Tsanova, MPI EVA Leipzig,

Temps de lecture : 4 min

Ce qui est passionnant avec la quête des origines de l'homme, c'est que chaque nouvelle découverte peut tout remettre en cause. C'est une nouvelle fois le cas avec les fouilles de la grotte de Bacho Kiro réalisées par l'équipe du paléoanthropologue français Jean-Jacques Hublin de l'Institut Max-Planck d'anthropologie de Leipzig et professeur au Collège de France, et racontées par la revue Nature.

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Ce chercheur est un habitué des coups d'éclat. Déjà en 2017, il découvrait au Maroc le doyen de l'humanité actuelle avec un Homme moderne affichant le bel âge de 315 000 ans. Rebelote, cette fois-ci, c'est le plus vieil Européen qu'il nous présente. Il est âgé de 45 000 à 46 000 ans. En fait, il s'agit de cinq individus. Mais n'imaginez pas de magnifiques crânes et des squelettes complets. Ce que l'équipe germano-bulgare a découvert se résume à une dent et à des dizaines de minuscules fragments osseux impossibles à identifier visuellement. Seule l'analyse de l'ADN mitochondriale et des protéines osseuses a permis de les attribuer à l'Homme moderne (Homo sapiens).

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Revenons sur la longue histoire de la grotte de Bacho Kiro. Sa découverte remonte à 1 890. Elle fut d'abord ouverte au public en raison de sa beauté naturelle. Dans les années trente, une archéologue anglaise a creusé le sol sans trouver de résultat très probant. Une quarantaine d'années plus tard, une équipe polonaise lui succède. Celle-ci met la main sur un fragment de mandibule humain et quelques débris osseux. « D'après les outils qui les accompagnaient, ces fossiles avaient l'air de dater de la période de transition, quand les Hommes modernes ont commencé à remplacer Néandertal. Cela m'a donné envie d'aller voir sur place. Malheureusement, les fragments d'os avaient été perdus », explique Jean-Jacques Hublin. Mais celui-ci ne désarme pas. Il décide d'entamer à son tour des fouilles en partenariat avec des chercheurs bulgares. L'autorisation décrochée, son équipe se met au travail en 2015.

« Cela prouve que l'Homme moderne est arrivé beaucoup plus tôt en Europe qu'on ne le croyait jusqu'à maintenant »

Ils font alors une extraordinaire moisson. Des milliers de fragments d'os appartenant à plusieurs espèces animales, de très nombreuses lames et autres outils, et même des éléments de parure. Et au milieu de tout cela, de nombreux fragments d'os humain qui, après analyse, appartiennent à cinq individus. Aussitôt, Hublin et ses confrères bulgares font appel aux procédés de datation les plus fiables. La sentence tombe : entre 45 820 et 43 650 ans. Et potentiellement, une ancienneté possible de 46 940 ans. Voilà qui fait de ces braves occupants de la grotte bulgare les plus anciens Européens de leur lignée. « Cela prouve que l'Homme moderne est arrivé beaucoup plus tôt en Europe qu'on ne le croyait jusqu'à maintenant, » affirme Jean-Jacques Hublin.

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Pour autant, les hommes (ou femmes) de Bacho Kiro n'ont pas poursuivi leur conquête de l'Europe. On le sait grâce, encore une fois, à la génétique et à l'analyse protéique. Les Européens des millénaires suivants ne sont pas leurs descendants. Il faut donc croire que ce groupe d'hommes n'a constitué qu'une avant-garde n'ayant pas fait souche. « L'occupation de l'Europe est le produit de plusieurs vagues de migration. On peut penser que le groupe de Bacho Kiro a profité d'un réchauffement climatique pour migrer vers le nord, avant de décliner lors d'un refroidissement suivant », explique Jean-Jacques Hublin. Une hypothèse qui est confirmée par la présence dans la grotte d'espèces animales adaptées au chaud et au froid. La véritable conquête de l'Europe par Homo sapiens aurait eu lieu deux ou trois mille ans plus tard.

Les Néandertaliens, des copieurs

L'importance de la grotte de Bacho Kiro ne tient pas seulement à son antériorité. Elle pourrait mettre un terme définitif à une querelle qui oppose les paléoanthropologues entre eux depuis quelques années. À savoir, si les Néandertaliens ont été réellement les inventeurs des outils qu'ils utilisaient ? Ou alors n'avaient-ils fait que piquer leur industrie lithique – le Châtelperronien à l'Homme moderne ? D'après Jean-Jacques Hublin, l'outillage retrouvé dans la grotte bulgare prouve que les Néandertaliens n'auraient été que des « copieurs » !

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Laissons-lui la parole, c'est le mieux : « Pendant longtemps, le marqueur de l'arrivée de l'Homme moderne aux moyennes latitudes était l'industrie aurignacienne datant du paléolithique supérieur. Or, nous avons ici une industrie intermédiaire entre celle d'Afrique du Middle Stone Age africain et celle de l'Aurignacien. Une industrie déjà identifiée au Liban et dans le désert du Néguev. Ce qui veut dire que longtemps avant l'Aurignacien et le Châtelperronien, il y avait déjà des Hommes modernes en Europe capables de fabriquer des objets de parure identiques à ceux produits par les Néandertaliens presque 2 000 ans plus tard. Pour moi, la question est réglée : l'industrie châtelperronienne utilisée par les Néandertaliens est le fruit d'une interaction avec les Hommes modernes. »

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Commentaires (10)

  • Kermetz

    Néandertal a vécu pendant 300 000 ans avant sa rencontre avec homo sapiens, il y a 40 000 ans, maintenant 45 000. Le chercheur Ludovic Slimak a trouvé dans la grotte de Mandrin (vallée du Rhône) une succession des passages de ces deux hominoïdes. Néandertal a succédé à homo sapiens pendant un temps très court (un an). Ce dernier y avait laissé des outils, notamment des pointes de flèches que lui seul pouvait utilisait. Il semble que Néandertal les a copiés mais pas avec les mêmes techniques. Des outils en pierre taillée présentent des similitudes mais ont été adaptés aux caractéristiques physiques des deux peuplement. Pour faire simple Néandertal chassait l'auroch et le mammouth et homo sapiens le lapin, leurs forces n'étant pas identiques. Homo sapiens a pallié sa "faiblesse" par une plus grande ingéniosité mais cela ne veut pas dire que Néandertal était une brute épaisse et manquait d'aptitude, il n'en avait tout simplement pas besoin.

  • airvb

    Ne voyez pas le mal partout... Sachez que dans beaucoup de pays un date s'écrit dans ce cas concernant les années : 1 890. Ne restez pas franco-français... Il y a 195 autres pays inscrits à l'ONU...
    Concernant la CGT, j'ai trouvé cela très très drôle. Merci pour le fou-rire... !

  • Diofan

    D’où l’on conclut qu’un réchauffement climatique peut ne pas être d’origine humaine et avoir de grandes conséquences sur les groupes humains. Hé hé, Greta...