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Au Ghana, le confinement a un peu plus affamé les enfants des rues

Après trois semaines de confinement et une économie à l’arrêt, de nombreux enfants des rues se sont retrouvés sans moyen de subsistance.

Par Dylan Gamba (Accra (Ghana) correspondance)

Publié le 12 mai 2020 à 01h21, modifié le 13 mai 2020 à 18h25

Temps de Lecture 3 min.

Une vendeuse de rue âgée de 6 ans, au marché d’Agona au Ghana, en novembre 2018.

LETTRE D’ACCRA

Des dizaines d’enfants attendent à l’ombre des arbres le long de la Giffard Road, une route située non loin de l’aéroport international d’Accra. En ce début d’après-midi, la circulation est dense, le soleil est haut. Dès que les feux passent au rouge, ils se faufilent entre les voitures, motos et autres « trotros » (minibus privés) pour faire la manche, tendant les mains à travers les vitres ouvertes.

La scène se répète à de nombreux croisements de la capitale ghanéenne. Selon les données officielles de la municipalité d’Accra, quelque 90 000 mineurs vivent à la rue dans la région. « De nombreux enfants gagnent de l’argent grâce à l’économie informelle, notamment sur les marchés, mais durant le confinement, certains se sont retrouvés sans aucun moyen de subsistance », avance Selasie Gbeglo, une travailleuse sociale investie depuis plus de vingt ans dans la défense des enfants.

C’est notamment le cas d’Akwasi. Le jeune garçon de 14 ans vit et travaille à Agbogbloshie, l’une des plus grandes décharges de déchets électroniques au monde. Poussé par ses parents, des paysans pauvres originaires du nord du pays, Akwasi habite depuis trois ans dans le bidonville. Frêle, vêtu de haillons déchirés en de nombreux endroits, le jeune garçon gagne sa vie en brûlant des déchets électroniques en plastique pour en récupérer le cuivre. Une activité qui lui rapportait quelques cedis par jour, lui permettant tout juste de s’acheter à manger. « Durant le confinement, tout s’est arrêté. Je ne pouvais plus sortir et aller vendre du cuivre », souligne-t-il, précisant avoir « eu faim tous les jours ».

« Situation catastrophique »

Pour limiter la propagation du coronavirus, les autorités ont décidé dès le 27 mars – le pays comptait alors 147 cas – d’instaurer un confinement à Accra, Kumasi et Tema, les trois plus grandes villes. Les restrictions ont été levées le 21 avril par le président. En temps normal, Jasper aide les femmes sur les marchés en transportant leurs cargaisons. Mais durant le confinement et la fermeture ordonnée de tous les lieux de rassemblement, le garçon de 16 ans, originaire de Tamale, dans le nord du pays, n’a pas pu travailler. En trois semaines, il n’a pas « gagné un cedi ». « Et malgré la levée des restrictions, les affaires sont toujours lentes et de nombreuses personnes ne se rendent plus sur les marchés de peur d’attraper la maladie », avance-t-il.

Une situation qui ne se limite pas à la capitale. Kumasi, la deuxième ville du pays, située à 250 kilomètres au nord d’Accra, est aussi touchée. Selon les associations, plus de 20 000 enfants vivent dans la rue. « Certains n’ont pas pris de douche pendant plusieurs semaines car ils n’en avaient plus les moyens, et d’autres ne pouvaient même plus se rendre dans les toilettes publiques », se désole sœur Olivia Umoh, présidente de Street Children Project, une ONG dépendante de l’archevêché de Kumasi qui aide les enfants des rues.

L’association a distribué davantage de nourriture durant le confinement. « Pendant cette période, j’ai vu des enfants affamés », poursuit sœur Olivia, un voile bleu posé sur sa tête. Ayisha est l’aînée d’une fratrie de 8 enfants, originaire de Kpatinga, une localité située dans le nord du pays, à une centaine de kilomètres à l’ouest du Togo. La jeune fille de 13 ans, qui n’est jamais allée à l’école, est arrivée à Kumasi en février, poussée par sa grand-mère qui ne pouvait plus subvenir à ses besoins. Elle gagne quelques cedis chaque jour en tant que « kayayei », comme on appelle ces femmes qui vendent des produits tels que de l’eau ou des chips au plantain en les portant sur leur tête. « Je vis dans un petit abri de fortune en bois et, pendant le confinement, je n’ai même pas été capable de payer le loyer de 5 cedis par semaine (moins de 1 euro), car sinon il ne me restait rien pour manger », raconte-t-elle en dagbane, la langue la plus parlée dans le nord du pays.

Durant le confinement, toutes les associations se sont retrouvées bien seules face à la forte hausse du nombre d’enfants qui se rendent aux distributions alimentaires. « Nous voyons de nombreux enfants qui ont faim et qui n’ont pas non plus les moyens de s’acheter un masque de protection », se désole sœur Olivia, appelant les pouvoirs publics à « prendre leurs responsabilités face à cette situation catastrophique. »

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