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Coronavirus: Pékin lâche ses «loups guerriers» pour faire contre-feu

Critiquée pour avoir perdu un temps précieux avant d’informer sur le danger du nouveau coronavirus, Pékin riposte. Des ambassadeurs chinois n’hésitent pas à publier de fausses informations et à faire circuler des théories du complot. Une nouvelle génération de diplomates sort du bois pour défendre la Chine coûte que coûte, tels des « loups guerriers ».

La journée des infirmières célébrée à Wuhan, le 12 mai 2020.
La journée des infirmières célébrée à Wuhan, le 12 mai 2020. REUTERS
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Wolf Warrior, ce film d’action a galvanisé des millions de Chinois. L’invincible héros Leng Feng, tireur d’élite de l’armée chinoise et tête brûlée, se bat contre de méchants mercenaires occidentaux pour sauver ses compatriotes de l’abîme. Ce blockbuster qui compte parmi les 100 plus gros succès de l’histoire du cinéma mondial, glorifie une Chine puissante et protectrice.

C’est cette Chine-là, fière et invincible, que le président Xi Jinping n’a de cesse de promouvoir sur la scène internationale. Depuis l’apparition de l’épidémie du coronavirus dans la ville chinoise de Wuhan, cette politique étrangère a encore gagné en virulence.

Les diplomates, seraient-ils les nouveaux « loups guerriers de Pékin », à l’image de Leng Feng, ce célèbre Rambo chinois ? Une chose est sûre : alors qu'il se retrouve sur le banc des accusés pour avoir menti sur l’ampleur de l’épidémie de coronavirus, Pékin sort ses griffes. L’agressivité des émissaires chinois a pris par surprise un grand nombre de capitales, de Caracas à Canberra en passant par Paris, habitués à un ton plus feutré et conciliant de la part de la Chine.

Le plus célèbre de ses diplomates belliqueux se nomme Zhao Lijian. Le 12 mars, alors que la pandémie met l’économie mondiale à genoux et que la Chine est pointée du doigt pour l’opacité de sa gestion de crise, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères fait contre-feu. Dans un tweet, il soutient la théorie du complot selon laquelle le virus pourrait avoir été importé par l’armée américaine.

Zhao Lijian, 47 ans, n’est pas un inconnu. Avec plus de 600.000 abonnés sur son compte Twitter, ce diplomate est aujourd’hui une véritable star sur les réseaux sociaux chinois. « Ces diplomates réveillent un sentiment de fierté nationale », analyse Barthélémy Courmont, chercheur à l’Université catholique de Lille et directeur de recherche à l’IRIS, « leur anti-occidentalisme sert à souder la population autour de l’idée que la Chine a retrouvé son rang sur la scène internationale ».

« Nous ne sommes qu’au début d’une guerre de communication »

« Nous ne sommes qu’au début d’une guerre de communication qui fait rage depuis quelques mois déjà », analyse la sinologue Alice Ekman, auteur du livre Rouge vif – l’idéal communiste chinois (Editions de l’Observatoire, 2020) et responsable Asie à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (EUISS), « le président chinois Xi Jinping a engagé la diplomatie sur ce que j’appelle la voie de la riposte systématique ».

« Cache ta force et attends ton heure », cette doctrine de l’ex-dirigeant Deng Xiaoping et sa diplomatie du « profil bas » n’ont décidément plus la cote.

La dernière victime de cet aplomb chinois : l’Australie. Lorsque Canberra demande une enquête internationale pour déterminer l’origine du virus, l’ambassadeur Cheng Jingye brandit sans attendre la menace d’un boycott. « C’est au peuple de décider », peste l’émissaire dans un entretien publié par le journal Australian Financial Review, « peut-être les gens se diront ‘pourquoi devrions-nous boire du vin australien ou manger du bœuf australien ? » 

« Mettez vos masques et fermez-là »

Le Venezuela, pourtant un allié traditionnel de la Chine, a reçu une volée de bois vert pour avoir évoqué le « virus chinois ». « Mettez vos masques et fermez-la », ont rétorqué des diplomates chinois. Des Indiens qui ont osé réclamer des dédommagements à Pékin pour les pertes que le pays a subi à cause de la pandémie, ont eux aussi fait les frais des diplomates chinois belliqueux qui ont jugé leur demande « ridicule et évidemment stupide ». 

La France a fini par convoquer l’ambassadeur Lu Shaye. Une tribune publiée le 12 avril sur le compte Twitter de l’ambassade accusait le personnel soignant des Ehpad d’avoir laissé « mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ». « C’était se moquer et critiquer de manière très brutale les réponses françaises à la crise du coronavirus, avec un côté un peu donneur de leçon », s’étonne Barthélémy Courmont, « avant l’arrivée de Xi Jinping, de telles pratiques n’existaient pas ». Pour le chercheur, le discours guerrier de la Chine n’est pourtant pas sans risque : « On a envie de dire à nos amis chinois ‘faites attention, vous marchez sur de la glace très fine et cela peut se retourner contre vous. »

Défendre la Chine coûte que coûte, cet ordre vient d’en haut, croit savoir Tong Zhao, chercheur associé au Centre Carnegie-Tsinghua pour la politique internationale à Pékin : « Dans un discours à la nation, Xi Jinping a promu l’esprit de combat », rappelle Tong Zhao, «les ambassadeurs sont donc sous pression de plaire à leurs supérieurs et de prouver leur loyauté au parti. »

« Le temps de la Chine soumise est révolue »

« Le temps de la Chine soumise est révolue », se félicitait le journal nationaliste Global Times dans un éditorial, le 16 avril. Mais miser sur la carte de la Chine superpuissance, est-ce vraiment la bonne tactique ? « Cela ne fait qu’exacerber les tensions et mine l’ambition de la Chine de se faire respecter par la communauté internationale et d’assurer sa montée en puissance », estime Tong Zhao.

Le chercheur en veut pour preuve une récente étude de l’Institut chinois de relations internationales contemporaines, selon laquelle la pandémie alimente l’hostilité vis-à-vis de Pékin à l’étranger, une hostilité qui risque sous peu d’atteindre un niveau sans précédent depuis la répression sanglante du mouvement pro-démocratie en 1989.

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