JE ROULE AU VINPlus de 500.000 hectolitres de vins de Bordeaux transformés en biocarburant

Coronavirus en Gironde : Plus de 500.000 hectolitres de vin bientôt transformés en biocarburant

JE ROULE AU VINLe plan d’aide à la viticulture prévoit l’ouverture d’une distillation de crise de deux millions d’hectolitres de vins excédentaires. Beaucoup de vignobles girondins y auront recours
Le chai du Domaine de Bellevue, à Langoiran
Le chai du Domaine de Bellevue, à Langoiran - SERGE POUZET/SIPA
Marion Pignot

Marion Pignot

L'essentiel

  • Le plan d’aide à la viticulture a été annoncé lundi soir par le gouvernement. Il prévoit des exonérations à 100 % des cotisations sociales et charges sociales patronales ainsi que l’ouverture d’une distillation de crise de deux millions d’hectolitres de vins excédentaires à un prix moyen de 70 euros par hectolitres.
  • L’Etat va mettre la main à la poche, à hauteur de 140 millions d’euros, pour détruire l’équivalent de 250 millions de bouteilles et ainsi récupérer des cuves pour loger les vins du millésime 2020.
  • En Gironde, près de 700.000 hectolitres de vins de toutes les couleurs et de tous millésimes devraient être brûlés. Une première.

Des centaines de milliers d’hectolitres de vins de Bordeaux, de toutes les couleurs et de tous millésimes, transformés en biocarburant. L’exécutif a annoncé, ce lundi soir, son plan d’aide à la viticulture. Un plan national qui prévoit des exonérations à 100 % des cotisations sociales et charges sociales patronales mais aussi l’ouverture d’une distillation de crise. Deux millions d’hectolitres de vins français excédentaires, à un prix moyen de 70 euros par hectolitres, sont concernés. En clair, l’Etat va sortir 140 millions d’euros afin de détruire l’équivalent de 250 millions de bouteilles.

D’ici fin juin quelques-uns des près de 6.000 viticulteurs girondins auront déposé un dossier afin que les distilleries du département, parmi lesquelles celles de Douence et la coopérative de Coutras, viennent les séparer de plusieurs centaines tonneaux et libérer les chais pour la cuvée à venir. « En Gironde, entre 500.000 et 700.000 hectolitres de vin devraient atterrir dans les distilleries. Ce montant est une première, mais c’est aussi la première fois qu’autant de vin de chais partira en distillation, la première fois que nous sortons en portant des masques, que les restaurants restent fermés si longtemps », indique Bernard Farges, président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB).

« On sait déjà que 2 millions d’hectolitres ne suffiront pas »

« Une nouvelle récolte aura lieu dans quatre mois et il faut des cuves pour loger le millésime 2020. Les chais sont pleins à craquer et 85 % des vignerons indépendants accusent une baisse de 75 % de leur chiffre d’affaires, c’est une catastrophe. Et quand on sait que la consommation de vin dans toute l’Europe pourrait baisser de 35 % en volume cette année en raison du Covid-19, c’est plutôt bien de pouvoir vider des cuves à 70 centimes par litre, soit l’équivalent des prix actuels pour l’AOC Bordeaux rouge », commente Cédric Coubris, président des vignerons indépendants de Gironde. Le propriétaire du Château la Mouline (en appellation Moulis) précise : « Mais la filière viticole bordelaise, c’est cinq millions de volumes produits pour quatre millions de vendus. Logiquement, c’est donc un million d’hectolitres pour la distillation qu’il nous faudrait, rien qu’en Gironde. » Ce plan de l’Etat n’est qu’un premier jet, selon Bernard Farges. Un hameçon qui devrait ferrer les viticulteurs les plus en souffrance. « Ceux aussi qui ont un problème de gestion des stocks, de trésorerie, de vins qui s’abîment plus vite », précise celui qui est, par ailleurs, président de la confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à AOC (Cnaoc). On sait déjà que les Pauillac, les Margaux, les Saint-Emilion ou les Saint-Julien ne prendront pas le chemin de la distillerie. Tout comme les vins de Bourgogne qui se vendent bien au-delà de 750 euros le tonneau, fixés par ce plan d’aide.

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« La distillation, ce n’est pas pour nous. En Bourgogne, on n’a pas de surproduction. On n’a que deux ans de stock. Donc, on ne distille pas », abonde Louis-Fabrice Latour, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Ce sont donc les vins de Bordeaux d’entrée de gamme (tout comme ceux de Loire, de Gascogne ou d’Alsace) qui devraient se retrouver bientôt dans les réservoirs des voitures ou les produits industriels pour la chimie ou la pharmacie. Voire être transformés en gel hydroalcoolique.

Trouver une respiration dans la distillation

Alors comment cela va se passer ? « Le vin retiré du marché va partir à la chaudière afin que l’alcool soit récupéré, sur le même principe que celui des spiritueux », détaille Cédric Coubris. Ce sera ensuite aux distilleries, qui récupèrent généralement les volumes en excédant ou la lie (marc de raisin) ultra-polluante, de décider de s’orienter vers le biocarburant ou le gel hydroalcoolique. « En Gironde, on sera plutôt sur du biocarburant, même si, là encore, c’est un produit qui s’écoule peu. Les distilleries vont sûrement devoir être soutenues financièrement pour pouvoir stocker cette production exceptionnelle. Mais, on est sur un autre problème », avance Bernard Farges. Restera alors aux vignerons à déclarer aux douanes les volumes sortis en « usage industriel ».

Malmenés par les taxes Trump, la chute des exports vers la Chine, la perte de vitesse du vin rouge au profit du rosé,la fermeture de l’habituel réseau CHR (caviste, hôtellerie et restauration) ou le confinement (RIP les fêtes entre copains), les vignerons devraient trouver une respiration dans la distillation.


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Et Bernard Farges sait déjà que ces deux millions d'hectolitres ne seront pas suffisants pour remettre les cuves à flot : « On va être amenés à revoir le ministre [de l’Economie] Bruno Le Maire. On aura une rallonge au niveau des volumes, c’est impossible autrement. La filière viticole française avait réclamé des distillations de 3 millions d’hectolitres et même ça, ça risque de ne pas être suffisant. Plus la crise dure, plus les restaurants restent fermés et moins le vin est consommé. Mais, ces chais, il faudra bien les vider. »

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