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"Anastasiia Chepinska / Unsplash"
Féminisme

Pourquoi les hommes portent moins de masques que les femmes

Le port du masque face à la pandémie de coronavirus est moins respecté par les hommes que par les femmes. Car les stéréotypes de genre sont dangereux pour la santé.

Article publié initialement le 20 mai 2020

« Pas choquée, mais déçue ». C’est environ ce que je ressens à chaque fois qu’une actu me renvoie à l’existence de critères de masculinité bien toxiques.

Rockie t’avait déjà parlé de la charge mentale en confinement, preuve que les inégalités de genre ne sont pas touchées par le coronavirus ; laisse-moi à présent te causer du port du masque par les hommes…

Les hommes portent moins le masque face au coronavirus

Le New York Post relaie une étude sur le port du masque qui a interrogé 2459 sondés et sondées, dont 51% d’hommes. La majorité des personnes ayant participé ont entre 25 et 54 ans, sont blanches, plutôt de gauche et habitent en ville.

Quand le port du masque n’est pas obligatoire, moins d’hommes que de femmes déclarent leur intention d’en mettre un.

Des chiffres rejoignant les résultats d’une autre étude, menée en avril : sur les 7 jours précédant le sondage, 29% des hommes déclaraient avoir toujours porté un masque lorsqu’ils sortaient de chez eux, contre 44% des femmes.

Les hommes se sentent moins vulnérables face au coronavirus

Ce résultat s’expliquerait en partie dans cette citation d’un co-auteur et d’une co-autrice de l’étude, relayée par le New York Post :

Le fait que les hommes sont moins prêts que les femmes à porter un masque peut en partie s’expliquer par le fait qu’il y a plus d’hommes que de femmes à croire qu’ils ne seront pas vraiment affectés par la maladie.

Un ressenti d’autant plus dangereux qu’il contredit ce que suggèrent certains chiffres : comme le rappelle le New York Post, dans plusieurs pays, le coronavirus a tué davantage d’hommes que de femmes.

Les hommes vivent mal le port du masque face au coronavirus

L’étude se penche également sur le ressenti négatif des sondés et sondées concernant le port du masque. Là encore, les dynamiques genrées entrent en jeu :

Les hommes, plus que les femmes, sont d’accord avec l’idée que porter un masque est source de honte, n’est pas cool, est un signe de faiblesse ; ces différences genrées rejoignent celles qu’on remarque dans l’intention ou non de porter un masque.

Les hommes et leur rapport à la santé, au-delà du coronavirus

Ces chiffres ne m’étonnent malheureusement pas le moins du monde : en m’intéressant aux masculinités, j’ai vite constaté un rapport compliqué entre les hommes et leur santé

.

Selon cette étude française de 2008, 84% des hommes contre 91% des femmes déclaraient avoir consulté un médecin généraliste au moins une fois au cours de l’année précédente — une différence accrue lorsqu’on exclut les réponses données par des personnes de plus de 54 ans. De plus, les femmes ayant consulté l’ont fait à plus de reprises que les hommes.

L’étude précise :

Les femmes déclarent recourir davantage aux pratiques de prévention que les hommes. […]

Elles sont également plus nombreuses à déclarer avoir déjà fait doser leur cholestérol, en partie en raison du suivi de la prise d’une pilule contraceptive. Dans la tranche d’âge des 25- 34 ans par exemple, deux femmes sur trois ont déjà fait doser leur cholestérol, contre un homme sur trois.

En outre, les femmes sont plus attentives à leur équilibre alimentaire et sont plus nombreuses à déclarer consommer au moins cinq fruits et légumes par jour.

Les hommes en revanche pensent plus souvent à être à jour de leurs vaccinations.

Paradoxe qui rejoint le ressenti « d’invulnérabilité » face au coronavirus : dans la même étude de 2008, « 67% des femmes et 73% des hommes âgés de 18 ans ou plus et vivant en France à leur domicile se considèrent en bonne ou très bonne santé ».

Pourtant, les femmes vivent plus vieilles que les hommes, avec une différence de plus de 5 ans d’espérance de vie. Cette surmortalité masculine diminue depuis le milieu des années 90, mais l’écart n’est pas encore comblé.

Et les problèmes de santé restent les causes principales de mortalité en France, bien avant les accidents, violences ou suicides.

Comment motiver les hommes à porter leurs masques ?

Sur madmoiZelle, je parlais de l’idée selon laquelle l’écologie est perçue comme « un truc de gonzesses » — et j’évoquais des pistes pour inverser la tendance, notamment le fait de « viriliser » le discours autour de la protection climat (sapins et loups plutôt que fleurs et papillons). On peut aussi incarner l’écologie à travers des figures viriles (je rappelle à toutes fins utiles que Mike Tyson est végétalien).

Pistes qui sont tout aussi pertinentes dans le cas du port du masque, comme le suggèrent le co-auteur et la co-autrice de l’étude :

La pandémie de grippe espagnole de 1918, marquée par la résistance masculine à des règles d’hygiènes associées aux mères, aux écoliers et aux profs de catéchisme, a des leçons à nous apprendre.

On pourrait passer à une communication de santé publique plus moderne, plus virile, qui mettrait en avant la discipline, le patriotisme et la responsabilité personnelle.

Des efforts de communication publique montrant des hommes portant le masque pourraient aussi normaliser cet acte auprès du plus grand nombre.

Et puis il y a aussi un point de l’étude qui suggère une autre solution, peut-être plus simple : rendre le port du masque obligatoire partout ! Je cite :

Dans les pays où le port du masque est obligatoire, les différences genrées dans l’intention d’en porter un disparaissent presque entièrement.

Cela suggère que rendre le port du masque obligatoire est plus efficace sur les hommes que sur les femmes.

Les hommes et leur santé, un problème sérieux

Je tiens à l’écrire noir sur blanc : je n’écris pas cet article dans le but de me moquer des hommes ne portant pas de masque ou de minimiser ce qu’ils ressentent.

Les codes genrés qu’on ne subit pas peuvent paraître stupides, absurdes, cependant ce n’est pas plus « drôle » de ne pas porter un masque en pleine pandémie parce que ce n’est pas « viril » que de s’épiler toute sa vie parce que c’est « plus féminin ».

Le rapport des hommes à leur santé est un sujet sérieux, et à mon sens il ne sera amélioré que par une prise de conscience globale et un effort de tous et toutes afin de normaliser le fait, pour un mec, de « prendre soin de lui », à tous les niveaux — y compris celui de la santé, physique comme mentale.

En attendant, si tu es une femme, tu peux déjà envoyer cet article aux hommes de ta vie qui ne portent pas leur masque… ça devrait donner lieu à une chouette discussion !


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