« C’est tout sauf naturel de jouer seuls » : la récréation se réinvente face au virus

Distances à respecter, jeux à réinventer : au temps du coronavirus, la récréation a bien changé. Élèves et enseignants tentent de s’adapter.

Des élèves s’amusent à bonne distance dans une école de Paris.
Des élèves s’amusent à bonne distance dans une école de Paris. (AFP)

La récréation, une punition au temps du coronavirus ? Dans les cours où l’école a repris, les enfants doivent inventer de nouveaux jeux pour respecter les mesures de distanciation physique imposées, un exercice périlleux car « contre-nature ». Mardi, une image a fait le tour des réseaux sociaux : celle d’élèves d’une école de Tourcoing (Nord) assis par terre dans des carrés dessinés au sol dans le but de maintenir une distance entre eux. Cette photo a suscité beaucoup de réactions et d’émotion mais selon l’auteur, un journaliste à BFM-TV, les enfants ont plutôt vécu ce marquage comme un jeu.

Les écoles qui rouvrent progressivement sont soumises à un protocole sanitaire très strict. Les récréations doivent notamment être échelonnées, afin que plusieurs groupes d’enfants ne s’y croisent pas. « Le plus dur à respecter, c’est clairement la distanciation physique entre des élèves qui ont l’habitude d’être proches les uns des autres », affirme Fabienne Rault-Bisson, professeure dans une petite école rurale du Calvados. Avec ses cinq élèves de CP qui ont repris, elle a passé en revue les jeux qu’il restait possible de faire pendant la récré, comme la marelle. « On a demandé aux familles de fournir à leurs enfants des jouets individuels : petites voitures, figurines, cordes à sauter… Et chacun a sa craie », raconte-t-elle. Mais pour eux, « c’est tout sauf naturel de jouer seuls », lâche-t-elle. « Ils ont l’habitude et besoin d’être au contact les uns des autres ».


« La tentation de vouloir être ensemble, jouer ensemble est très grande »


Selon Julie Delalande, anthropologue de l’enfance et chercheuse en sciences de l’éducation, la récréation est un « moment important qui permet de se dégourdir le corps et l’esprit ». « Or pour des élèves, se conformer à ces nouvelles règles représente un effort presque supérieur à ce qui est demandé en classe, au plan pédagogique ». Les plus grands devraient toutefois être en mesure de « comprendre et accepter cette contrainte », aussi forte soit-elle, pense-t-elle. « Cela sera sans doute plus difficile en maternelle, où les enfants sont particulièrement tactiles, entre eux et avec les professeurs ».

« C’est tout sauf naturel de jouer seuls » : la récréation se réinvente face au virus
(AFP)

Pendant la récréation, « la tentation de vouloir être ensemble, jouer ensemble est très grande », acquiesce Jean-Paul Gauchard, professeur de petites et moyennes sections, près de Caen. Le jour de la reprise, il explique avoir eu recours à des activités permettant de canaliser les énergies, comme un peu de vélo dans la cour. « Avec des effectifs réduits, ça passe encore ». Mais il redoute l’arrivée progressive de nouveaux élèves qui rendra impossible, selon lui, le strict respect du protocole sanitaire.


« Chez nous, la récréation a été annulée »


Les nouvelles règles impliquent de la pédagogie, mais parfois aussi un surcroît d’inventivité. Delphine Guinchard, professeure dans une petite école en Sologne, a fait fabriquer à ses élèves de CM1 et CM2 des « fanions de distanciation » d’un mètre qu’ils peuvent utiliser dans le rang ou dans la cour pour savoir à quelle distance se tenir de leurs camarades. « On a aussi installé des cerceaux, des plots, pour sauter dans la cour et on a commencé à apprendre une chorégraphie », raconte-t-elle.

« Dans la cour, j’ai inventé un jeu : j’étais un policier qui faisait la circulation et demandait aux automobilistes de respecter les distances de sécurité »

Maxime, en CP dans une école des Hauts-de-Seine, est retourné en classe jeudi. Il était heureux de retrouver ses copains, même « de loin ». « Dans la cour, j’ai inventé un jeu : j’étais un policier qui faisait la circulation et demandait aux automobilistes de respecter les distances de sécurité », raconte-t-il, enthousiaste. « De nombreux jeux n’exigent pas forcément un contact physique, comme 1.2.3 soleil ou des mimes », assure le directeur d’une école maternelle de l’est parisien. Au final, « je suis persuadé qu’à partir de cette contrainte, on pourra favoriser de nouveaux apprentissages ».

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Certains établissements ont préféré ne prendre aucun risque. « Chez nous, la récréation a été annulée », témoigne ainsi une professeure d’une école de Douai (Nord) souhaitant rester anonyme. Jusqu’à nouvel ordre, les pauses se feront dans la classe : « c’est encore ce qui semble le plus sûr pour le respect des distances »…

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