Wittgenstein , Correspondance philosophique : épisode • 3/3 du podcast Lettres de philosophes

Ludwig Wittgenstein - Wikipédia
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Aujourd'hui, levez le rideau sur Wittgenstein grâce à sa correspondance et découvrez la vie philosophique elle-même, les amitiés qui la tissent, les jugements qui la mènent ou l'urgence vitale qui l'emporte ! Elise Marrou nous explique.

Avec
  • Elise Marrou Enseigne la philosophie contemporaine et l’histoire de la philosophie moderne à l'Université Paris-Sorbonne

"Imaginons un théâtre : le rideau se lèverait et nous verrions un homme seul dans sa chambre, allant et venant, allumant une cigarette, s'asseyant, etc. C'est à peu près comme si nous voyions de nos propres yeux un chapitre d'une biographie – cela devrait être à la fois effrayant et magnifique. Plus magnifique que tout ce qu'un poète peut faire jouer ou faire dire sur la scène : c'est la vie même que nous verrions."

Textes

- Wittgenstein, Remarques mêlées (22 août 1930)

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- Lettre de Wittgenstein à Russell du 3 mars 1914, in Correspondance philosophique (Gallimard, 2015, traduction d'Elisabeth Rigal, p. 60-61).

Cher Russell,

(…) je dois te redire que nos dissensions n'ont pas seulement des causes extérieures (nervosité, surmenage, etc.), mais aussi des racines très profondes – du moins de mon côté. Il se peut que tu aies raison de dire que nous ne sommes peut-être pas si différents, il n'en reste pas moins que nos idéaux diffèrent du tout au tout. C'est pour cela que nous n'avons jamais pu, et nous ne pouvons toujours pas discuter de quoi que ce soit mettant en jeu nos jugements de valeur, sans recourir à la dissimulation ou nous quereller. Je crois que cela est indéniable. Il y a longtemps que j'en suis conscient, ce qui a été terrible pour moi, car cela me montrait que notre relation s'enlisait dans un bourbier. Nous avons tous les deux nos faiblesses, surtout moi, dont la vie est REMPLIE de pensées et d'actions détestables et dérisoires (je n'exagère pas). Mais pour qu'une relation ne se dégrade pas, il faut que les faiblesses de chacun ne se conjuguent pas. Deux hommes ne doivent entretenir une relation que là où ils sont purs – c'est-à-dire où ils peuvent être totalement ouverts l'un à l'autre, sans se blesser mutuellement. Or nous N'en sommes capables QUE lorsque nous nous restreignons à la communication de faits pouvant être établis objectivement, et peut-être aussi lorsque nous nous exprimons les sentiments amicaux que nous avons l'un pour l'autre. Tout autre sujet nous conduit à la dissimulation, ou même à la querelle. Peut-être diras-tu : cela durant depuis déjà un bon bout de temps, pourquoi ne pas continuer ainsi ? Mais j'en ai par-dessus la tête de ces compromis sordides ! Jusqu'ici mon existence a été une grande saloperie – mais faut-il qu'elle continue à l'être ? - Je te propose ceci : faisons-nous part de nos travaux respectifs, de nos découvertes, etc., mais abstenons-nous de tout jugement de valeur sur l'autre, sur quelque sujet que ce soit, et soyons pleinement conscients du fait que nous ne pouvons être tout à fait honnêtes l'un envers l'autre sans être du même coup blessants (il en est du moins ainsi pour moi). Je n'ai pas besoin de t'assurer de l'affection profonde que je te porte, mais cette affection serait menacée si nous continuions à entretenir une relation fondée sur la dissimulation, et donc honteuse pour l'un comme pour l'autre. Il serait honorable, je crois, de lui donner désormais un fondement plus sain. (...)

Toujours tien,

L.W.

Extraits

- Archive Bertrand Russel 1960

- Archive Pierre Pachet, source France Culture "A voix Nue", 1999

Extraits musicaux

- Schumann, Quatuor à cordes n°3

- Brahms (venait jouer chez les parents de Wittgenstein), Quintet à cordes n°2

- Brahms, Intermezzo n°2 en Si b mineur

Hommage à Roger Moore: Paul McCartney, Live et let die

Elise Marrou
Elise Marrou
- Marie Aubert

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