Paris : l’abattage des arbres du jardin de la Pagode scandalise les riverains

Les travaux de restauration du mythique et insolite cinéma ont commencé dès le déconfinement. L’abattage des arbres séculaires du lieu sème l’émoi.

 57, rue de Babylone, ce mardi matin. Après le très ancien hêtre pleureur et un Gingko majestueux, abattus dès le 11 mai, les derniers arbres du jardin de la Pagode ont été abattus ce mardi.
57, rue de Babylone, ce mardi matin. Après le très ancien hêtre pleureur et un Gingko majestueux, abattus dès le 11 mai, les derniers arbres du jardin de la Pagode ont été abattus ce mardi. LP/Elodie Soulié

    Elle devait être sauvée, restaurée, rouverte pour le plus grand bonheur des cinéphiles et des habitants du quartier de la rue de Babylone (VIIe). Pourtant c'est « un massacre », qui se joue depuis le 11 mai, dès l'aube du premier jour du déconfinement, dans le jardin de la Pagode, le mythique petit cinéma racheté il y a deux ans par le magnat américain Charles S. Cohen : il ne reste plus rien de l'énorme Ginko, du marronnier ni du hêtre pleureur qui en habitaient la cour-jardin… Plus rien non plus des hauts arbres qui surplombaient l'insolite pavillon fin XIXe, réplique parfaite d'une pagode japonaise de 1896, rigoureusement classée monument historique.

    Les habitants en colère

    Sauvée par le très cinéphile et francophile Charles Cohen, qui annonçait son ambition d'y réveiller le projet de rénovation amorcé en 2013 avec les architectes des Bâtiments de France, la Pagode est-elle à l'inverse sacrifiée? Devant l'amas de branches et de troncs débités qui s'amoncellent sur le trottoir de la rue de Babylone, l'effarement des riverains fait place à la colère, contre « le massacre d'un des derniers lieux de poésie de Paris ».

    Voire, les habitants et plusieurs associations de protection de l'environnement s'étonnent de la destruction d'un jardin pourtant « inscrit » à l'inventaire des monuments historiques. Inscrits mais sans protection draconienne, à l'inverse de la pagode. Celle-ci doit faire l'objet de lourds travaux de restauration, estimés à plus de 8 M€.

    Le lieu perd son âme

    France Nature Environnement a, quant à elle, adressé une lettre ouverte à Charles S.Cohen, et lui demande « « l'arrêt des destructions et la révision du projet ». « Nous avions cru pouvoir nous réjouir d'une nouvelle vie pour La Pagode, pensant que son acquéreur aurait eu à cœur de valoriser ce site exceptionnel en protégeant son âme », rappellent les défenseurs de l'environnement. Mais « stupéfiés par ce massacre inimaginable, la lecture du dossier nous révèle que le projet est aux antipodes du respect du site que nous pensions incontournable ». Plus grave, « ce projet met à mal le système de protection des monuments français, la restauration annoncée cache une véritable dénaturation », dénonce FNE Paris. Charles Cohen n'a pour l'instant pas donné suite.

    Pour le jardin, la seule « inscription » du lieu à l'inventaire des monuments historiques n'en garantit pas la protection. « Il n'y a pas de recours possible », s'en désole un riverain, que le projet de nouveau « jardin japonais » et de bambous plantés sur une dalle de béton, inquiète autant que l'abattage irrémédiable.

    Deux salles en sous-sol

    « Je ne comprends pas que l'on dénature ainsi ce quartier », s'alarme aussi Edouard de Pazzis, dont les fenêtres donnaient sur l'exotisme luxuriant du jardin et du pavillon, aujourd'hui couvert de bâches de protection. Surpris par l'abattage expéditif dès le 11 mai, ce photographe amoureux du lieu en dénonce aussi « le conformisme architectural » du projet, et s'inquiète des travaux de creusement du sol, destinés à créer deux salles en sous-sol. « Et tout cela sous la houlette d'un architecte des bâtiments de France… », fustige Edouard de Pazzis.