Cet article est extrait de notre dossier La lutte des âges. Publié le 20 mai 2020, il décrit la façon dont la pandémie touche particulièrement deux générations : les plus âgés, pour lesquels le Covid-19 est beaucoup plus meurtrier, et les jeunes, sur lesquels la récession qui s’annonce va lourdement peser.

Certains jours, j’en viens à me dire que le coronavirus, ou la riposte de notre société face à cette crise, va ruiner l’avenir de ma génération bénie.

Jusqu’au début du mois de mars, j’étais un homme de 65 ans en bonne santé, dynamique, aspirant à encore au moins vingt ans de vie active – entre mon travail à temps partiel, les voyages avec ma femme de 70 ans et quelque, ma partie de tennis hebdomadaire, mes sorties aux concerts et au théâtre, mes enfants et mes petits-enfants, les dîners un peu trop arrosés à refaire le monde avec des amis.

J’étais hérissé par des termes comme “senior”, même si j’ai la carte Senior. Quoi, moi, senior ? Ça va pas, la tête ! D’un jour à l’autre, je suis devenu une “personne à risque”, et ma femme est encore plus à risque que moi.

Les “vieux ados”

[Même si le déconfinement a commencé progressivement], nous allons encore sans doute, nous les seniors, au devant de plusieurs mois de confinement “pour notre bien”. Nous serons censés ne pas prendre les trains, les avions ou les transports en commun. Nous ne pourrons pas voir nos petits-enfants, sauf sur l’écran de notre téléphone portable, de peur qu’ils ne nous infectent. D’un ton peiné, mais sérieux, nos enfants trentenaires ou quadragénaires nous disent que non, nous ne pourrons absolument pas garder nos petits-enfants dans un avenir proche. Pas maintenant, pas en juin, ni même pendant les vacances scolaires. Ils se font du souci pour nous, évidemment ! Mais j’ai l’impression d’être privé de sortie comme un adolescent rebelle qui a fumé un joint.

Ma cohorte de non-retraités en pleine forme, qui n’ont jamais été aussi actifs, n’a pas d’étiquette pour les distinguer des personnes âgées. Nous sommes les sans-âge, brusquement ramenés aux réalités par… notre âge. Nous devrions peut-être nous faire appeler les vieux ados.

Une génération gâtée

Quel que soit notre nom, nous sommes légion – et nous n’avons pas pour habitude de nous faire marcher sur les pieds. Les baby-boomers occidentaux doivent être la génératio