Francois Sureau, avocat et écrivain

Francois Sureau, avocat et écrivain

Ulf Andersen / Aurimages /AFP

Il y a, bien sûr, ce langage fleuri qu'il manie mieux que quiconque ("législation de gribouille", "comité Tartemolle", "tortillages de cul", etc), mais c'est presque un détail. Quand François Sureau plaide pour la liberté, que ce soit devant le Conseil constitutionnel pour s'insurger contre le délit de consultation des sites terroristes ou dans son Tract au titre tout droit sorti des Mémoires d'Outre-tombe, Sans la liberté, à paraître le 26 septembre prochain chez Gallimard, l'auditeur ou le lecteur est surtout percuté par l'urgence. L'affolement, même. Car l'écrivain et avocat aux conseils, observateur de la vie publique et politique depuis plusieurs années et plusieurs gouvernements, le dit sans détour dans le grand entretien qu'il nous a accordé en avant-première dans le numéro à paraître le 25 septembre : il constate avec effroi "une disparition de notre amour pour la liberté", ce dernier laissant petit à petit sa place à une tolérance étonnante, inquiétante "pour les tutelles que l'État nous impose".

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"Badigeonner leur croûte d'un vernis humaniste"

S'il prend la plume aujourd'hui, c'est que l'actualité récente a accentué son trouble. Pour commencer, les manifestations des gilets jaunes - "qui ne sont qu'un mouvement social", rappelle-t-il - ont donné lieu au vote de la loi anti casseurs. De quoi lui inspirer cette sentence : "[...] on ne peut considérer le citoyen libre comme un délinquant en puissance. C'est pourtant ce que la loi du 10 avril 2019, dite loi anti casseurs a prévu. [...] enfin, mettant une touche pittoresque à cette législation de gribouille, dans l'espoir sans doute de badigeonner leur croûte d'un vernis humaniste, les parlementaires ont confié à une autorité judiciaire le soin de dire un petit mot à l'occasion du tri entre les bons et les mauvais manifestants. Cette innovation laisse interdit."

"L'effarante loi Avia"

Ensuite, le Parlement a voté en juillet dernier ce qu'il appelle "l'effarante loi Avia" contre les contenus haineux sur Internet. Un texte qui, selon Sureau, "fait à peu près tout ce qu'il ne faudrait pas en ne faisant rien de ce qu'il faudrait".

Dans son livre, l'écrivain n'oublie pas non plus d'étriller la loi anti fake news, tout comme la recommandation par "diverses autorités de l'Etat de créer une sorte d'ordre national des journalistes auquel participeraient des agents publics afin de s'assurer que les règles de la profession soient bien respectées", et s'en prend violemment au CSA. "Ce que je conteste c'est l'idée de la délégation à un tiers de savoir ce qui est licite ou pas en matière d'opinion", nous confie-t-il.

"Minuscule fragment d'humain"

Avant de mettre un point final à sa plaidoirie, afin que tout le monde comprenne ce que lui inspire cette nouvelle génération de politiques qui peuplent les bancs de l'Assemblée nationale depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, il tance : "S'il y a un monde nouveau, il faudrait s'inquiéter que ses habitants, en politique du moins, ressemblent au Rex Mottram du Retour à Brideshead", "minuscule fragment d'humain qui se faisait passer pour un homme complet".

François Sureau a beau aimer l'homme Emmanuel Macron et partager avec lui une tendresse admirative pour les Surréalistes, il conclut notre entretien en s'avouant "hostile aux décisions que le président de la République a prises" et cite André Breton pour sa mise en garde : "On ne prend pas sans danger des libertés avec la liberté."

Sans la liberté, François Sureau, collection Tracts (n°8), Gallimard, parution le 26 septembre 2019, 64 pages, 3,90¤

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