Les bourdons « percent » les feuilles pour les faire fleurir plus vite

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Crédits : Hannier Pulido / ETH Zurich

Lorsque le pollen se fait rare, les bourdons endommagent les feuilles des plantes de manière à accélérer la production de fleurs, révèle une étude.

Dans certaines régions, le printemps semble se manifester en avance en raison du changement climatique. Les plantes à fleurs se retrouvent ainsi déréglées, fleurissant pour certaines de plus en plus tôt. Beaucoup, cette année, étaient par exemple déjà en pleine floraison à la mi-avril, soit environ trois à quatre semaines plus tôt que la normale.

Ces anomalies saisonnières deviennent de plus en plus fréquentes, mais elles ne sont pas régulières. L’incertitude qui en résulte pourrait alors mener à perturber le calendrier des relations mutualistes entre les plantes et leurs insectes pollinisateurs. Mais les bourdons ont, semble-t-il, trouvé la parade.

Des chercheurs de l’École polytechnique fédérale (ETH) de Zurich (Suisse) ont en effet récemment découvert que, pour surmonter ces défis, les bourdons utilisent parfois leurs parties buccales pour « pincer » les feuilles qui n’ont pas encore fleuri. Les dommages qui en résultent stimulent alors la production de nouvelles fleurs qui fleurissent plus tôt que les plantes qui n’ont pas été meurtries.

L’approche est un peu brutale. Néanmoins, de cette manière, les bourdons semblent se coordonner davantage avec les plantes qu’ils pollinisent.

« Des travaux antérieurs ont montré que différents types de stress peuvent inciter les plantes à fleurir, mais le rôle des dommages infligés par les bourdons dans l’accélération de la production de fleurs était inattendu », expliquent les chercheurs dans la revue Science.

Un comportement propre aux bourdons

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs expliquent s’être appuyés sur des observations antérieures d’insectes pollinisateurs qui semblaient « mordre » les feuilles des plantes. « Mais personne, expliquent-ils, n’avait étudié les effet sur la production de fleurs ».

Dans cet esprit, les chercheurs ont mené plusieurs expériences, certaines en laboratoire, d’autres en plein air, en s’appuyant sur des colonies de bourdons achetées dans le commerce. Sur la base de ces travaux, ils ont remarqué que les bourdons endommageaient les feuilles beaucoup plus fréquemment lorsqu’il y a peu ou pas de pollen à leur disposition.

Ils ont également constaté que les dommages infligés aux feuilles des plantes avaient des effets importants sur la période de floraison de deux espèces végétales différentes. Les plants de tomates, d’une part, fleurissaient jusqu’à 30 jours plus tôt lorsqu’ils étaient soumis à la morsure des bourdons. Même constat avec les plants de moutarde, qui fleurissaient 14 jours plus tôt que leurs congénères épargnés par les bourdons.

Concernant les expériences menées en plein air (sur le toit d’un bâtiment), les chercheurs ont également remarqué que d’autres bourdons, sauvages cette fois, s’étaient également invités sur les lieux, opérant de la même manière que ceux observés spécifiquement pour l’étude.

Des abeilles ont également été aperçues. En revanche, ces dernières semblaient totalement ignorer les feuilles non fleuries. Ainsi, seuls les bourdons semblent avoir développé cette méthode efficace pour atténuer les pénuries locales de pollen.

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Crédits : Nel_Botha-NZ / Pixabay

D’autres mécanismes en jeu ?

En outre, les chercheurs ont essayé de reproduire manuellement les schémas de dégâts causés par les bourdons. L’idée était de voir s’ils pouvaient reproduire les mêmes effets sur la période de floraison.

Si leurs manipulations ont effectivement conduit à une floraison un peu plus précoce chez les deux espèces végétales, leur influence n’a en revanche pas égalé celle des bourdons. Un constat qui laisse à penser que ces derniers, en plus de l’approche mécanique, pourraient également libérer des signaux chimiques. « Il se peut aussi que notre imitation manuelle des dégâts n’était pas assez précise », conviennent les chercheurs.

La caractérisation de ces possibles mécanismes moléculaires feront l’objet d’une prochaine étude.

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