Entre 2015 et 2018, ce sont quelque 1 100 livreurs supplémentaires qui ont rejoint le « petit » monde du lait biologique de vache. Cette envolée, associée à une hausse modérée de la productivité des exploitations, a abouti à une augmentation de la collecte de lait bio de 49 % sur la même période.

 

« La crise traversée par la filière du lait conventionnel en 2015-2016 n’est bien sûr pas étrangère à ces conversions massives, mais d’autres facteurs expliquent cette ruée vers la bio », explique l’Institut de l’élevage (Idele), dans un dossier économique publié le 19 mai 2020.

 

L’engouement des consommateurs pour les produits biologiques est tel que la plupart des transformateurs y ont vu l’opportunité de la décennie. La gamme de produits s’étoffe. Les primes de conversion ont aidé de nombreux d’éleveurs à sauter le pas. « Cette vague de conversion n’est pas seulement celle de producteurs de lait, mais celle de toute une filière », souligne l’Idele.

Jamais deux sans trois

Au tout début du siècle, la filière du lait bio a connu sa première vague de conversions, faisant suite à la création, éphémère, des contrats territoriaux d’exploitation (CTE). En 2002, la France compte 1 550 livreurs. En 2009, la collecte annuelle dépasse pour la première fois les 250 millions de litres de lait bio et augmente encore de 80 % entre 2009 et 2012. 800 exploitations entrent dans la danse sur cette période. Il s’agit de la deuxième vague. Le fort découplage du prix du lait biologique et conventionnel en est la principale explication.

 

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En 2015, la crise des quotas vient à nouveau rebattre les cartes sur les marchés laitiers. Des conversions massives s’opèrent en 2016. La collecte s’envole. « À l’horizon de 2020, le cheptel bovin lait bio devrait ainsi être le double de ce qu’il était en 2014, détenu par quelque 4 000 fermes », avance l’institut technique.

 

Le grand Ouest et la Massif central sont les berceaux de cette ultime mutation. Cette dernière vague de conversion, qui a, semble-t-il, passé son pic, a permis de passer le cap du milliard de litres collectés sur douze mois glissants au début de l’année. Le lait bio pèse désormais pour plus de 4 % de la collecte laitière nationale.

Anticiper une crise de croissance

« Le risque d’une crise de croissance existe et les opérateurs en sont conscients, souligne l’Idele. Si le défi de la préservation de la valeur semble avoir été relevé avec brio au cours de la troisième vague, la vigilance reste de mise. » Car si la gamme laitière bio trouve toujours son public, « l’émergence de segmentations nouvelles allant au-delà des standards de la réglementation bio » fait grimper la concurrence.

 

Malgré tout, c’est plutôt une pénurie que semblent craindre les transformateurs. Le réservoir de fermes « convertissables » s’amenuise. « Pour satisfaire un marché qui continue de recruter, la filière s’orienterait-elle vers un modèle bio à deux vitesses, l’un reproduisant le schéma d’agrandissement connu en conventionnel et l’autre reposant sur des éléments « bio-différenciants » allant au-delà des standards du cahier des charges [sans pour autant nuire à la crédibilité du label] ? », s’interroge l’institut technique.

 

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