Joshua Wong : “Comme le mouvement pour la démocratie à Hongkong n’a pas de chef, il appartient à chacun de se battre”
Jeudi 28 mai, le pouvoir chinois va imposer une loi dite “de sécurité nationale” destinée à faire taire toute contestation à Hongkong. Une contestation qu’incarne Joshua Wong, qui milite depuis ses 14 ans pour la démocratie dans l’ex-concession britannique. Il nous a accordé un entretien exclusif.
Ce jeune homme n’a pas 24 ans et est l’un des visages les plus célèbres de la contestation prodémocratique à Hongkong. Joshua Wong a milité dès le collège, a pris la tête de la « Révolution des parapluies » en 2014, a participé au grand mouvement de 2019 contre la mainmise de la Chine sur l’ancienne concession britannique et a fait plusieurs séjours en prison. À l’heure où Pékin vote une loi de sécurité nationale qui donnera un cadre légal à la mise au pas de la contestation, il sait qu’il est dans la ligne de mire du pouvoir. Mais comme ce mouvement, depuis le commencement, n’a pas de leader, Joshua Wong envoie le message suivant à Xi Jinping : vous pouvez bien me neutraliser, mais le mouvement continuera sans moi et vaincra. C’est dire si ce qui se passe ces jours-ci à Hongkong a une portée immense.
“Les récentes violences policières suggèrent que les futures manifestations seront réprimées dans le sang”
Joshua Wong
Les manifestations contre le gouvernement prochinois de Hongkong, interdites par les autorités sous prétexte de pandémie, ont repris dès le 10 mai dernier. La réponse policière a été plus brutale que précédemment. Que peut-on en conclure ?
Joshua Wong : Les violences policières du 10 mai suggèrent que les gouvernements de Pékin et de Hongkong ne tolèreront plus aucune forme de dissidence politique. Alors que les Hongkongais ont organisé une manifestation absolument pacifique, en chantant Gloire à Hongkong [hymne des manifestants] dans les centres commerciaux, et en brandissant des banderoles, des milliers de policiers anti-émeutes ont été déployés ce jour-là. Un jeune homme de 13 ans, qui n’avait provoqué personne, a été humilié, menacé et arrêté par des policiers, sans parler d’un autre garçon mineur qui a été traîné par terre par deux policiers adultes. Cela signifie que la main de fer de la Chine sur Hongkong se durcit encore et que les futures manifestations seront réprimées dans le sang.
De nouvelles élections législatives doivent avoir lieu le 6 septembre prochain. Après leur succès aux élections locales de novembre dernier, une victoire des démocrates est attendue. Comment réagira Pékin dans ce cas ?
Voici un scénario possible : Pékin dissoudra le Conseil législatif et disqualifiera les 70 députés si les candidats prodémocratie remportent la majorité. Pékin mettra en place une pseudo-législature et en nommera directement tous les membres. Il ne s’agit pas du tout d’un scénario délirant, car Pékin l’a déjà fait en 1997 après que les forces démocrates ont gagné la majorité deux ans plus tôt. Pékin a nommé un Conseil législatif provisoire, désignant directement tous ses membres et les faisant siéger à Shenzhen, sur le continent. L’histoire peut donc se répéter. Si cela se déroule ainsi, cela signifie que Pékin aura fermé tous les mécanismes pacifiques pour résoudre les problèmes politiques et répondre aux revendications. Au niveau de la rue, on peut prévoir une éruption des mouvements de protestation.
“Au sein de notre combat pour la démocratie, mon avenir personnel n’a pas vraiment d’importance”
Joshua Wong
Comment voyez-vous votre avenir personnel ?
La chaîne de télévision chinoise CCTV, qui est la porte-parole du Parti communiste, m’a récemment accusé d’être le principal responsable du mouvement de protestation qui dure depuis bientôt un an, alors même que ce mouvement n’a pas de leader. Je vais donc probablement devoir faire face à une série de persécutions politiques cruelles. D’ailleurs d’autres personnes dénoncées par cette chaîne ont déjà été arrêtées. Mais comme ce mouvement n’a pas de chef, il appartient à chaque Hongkongais de se battre, au prix du sang et des larmes, pour les libertés et les droits humains des futures générations. Au sein de notre combat pour la démocratie, mon avenir personnel n’a pas vraiment d’importance.
“Être libre, c’est d’abord être libéré de la peur et de l’intimidation”
Joshua Wong
Que signifie, selon vous, être libre ?
Nous et les générations qui viennent ne devons pas vivre dans un monde où les libertés ont disparu, où la contrainte et la censure prévalent. Être libre, c’est d’abord être libéré de la peur et de l’intimidation.
À lire
La Parole enchaînée, de Joshua Wong et Jason Y. Ng (Stock, 2020).
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