Alaa El Aswany : "La stratégie de la dictature égyptienne, c'est de reconstruire la barrière de la peur en arrêtant tout le monde"

Alaa el Aswany à Copenhague en novembre 2019 ©AFP - Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix
Alaa el Aswany à Copenhague en novembre 2019 ©AFP - Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix
Alaa el Aswany à Copenhague en novembre 2019 ©AFP - Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix
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L'écrivain égyptien Alaa El Aswany est l'invité des matins.

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Alors que l’Égypte fait face à une crise sanitaire sévère, le président Al-Sissi a amendé la loi sur l'état d'urgence. Les opposants dénoncent, au risque de représailles, des mesures prises pour renforcer les pouvoirs répressifs au nom de la lutte contre le coronavirus. Sur tous les continents, les régimes autoritaires profitent de la pandémie pour supprimer des libertés publiques en invoquant des raisons sanitaires.

Quel rôle joue l’épidémie dans les dictatures ? Sont-elles les grandes gagnantes de la pandémie ? Les démocraties peuvent-elles tirer des conséquences de cette période ? 

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Pour en parler ce matin, nous recevons Alaa el Aswany, romancier, chroniqueur, essayiste, auteur de “Le syndrome de la dictature” (Actes Sud, 2020)

L’Égypte, un pays et son dictateur face à la pandémie 

"On ne sait pas vraiment ce qui se passe en Égypte mais on peut le deviner. Le régime contrôle tous les médias qui disent que la pandémie est sous contrôle. Mais petit à petit des gens tombent malades et meurent. Et désormais, on parle de théorie du complot pour expliquer la maladie. Et ces théories complotistes sont des symptômes importants d'une dictature."

La stratégie de l’Égypte est de reconstruire la barrière de peur qui a été cassée depuis la Révolution de 2011. Et des gens se retrouvent emprisonnés car ils pensent d’une manière différente du régime en place. Le régime ne tolère plus des articles de journalistes occidentaux critiquant le régime. Il y a désormais une loi selon laquelle chaque personne ayant plus de 5 000 followers, est considérée de la même manière qu’un journal. Et s'il y a des critiques contre le régime sur le profil, ces personnes peuvent être mises en prison pendant 10 ans. Alaa el Aswany

"En Égypte, le Président Sissi est soutenu par les États-Unis. Tout comme la France et d'autres pays occidentaux. Mais la grande question est de savoir si les Occidentaux soutiennent les principes du gouvernement ou des intérêts personnels à travers ce soutien."

L’Égypte se retrouve en situation de pauvreté à cause de la corruption. Dans un système démocratique, l’Égypte pourrait être riche car elle possède des ressources. Mais le problème des dictatures c’est l’image. On donne une belle image qui cache une réalité plus sombre. Alaa el Aswany

Comment l’Égypte en est arrivée là ? Les syndromes de la dictature 

"Nasser voulait faire des réformes mais sous une dictature. C’est une formule typique des dictateurs. Offrir des services pour acheter le silence. Nasser est le fondateur de l’oppression et de la répression en Égypte. Tout ça n’existait pas avant. La dictature est une machine faite pour la première fois sous Nasser. Et Nasser est pour moi la cause de nos problèmes actuels."

Le problème avec la dictature c’est qu’on détruit les règles justes de la société pour construire de nouvelles règles injustes. La dictature créée le bon citoyen ou le citoyen honorable. Et ce citoyen ne s’intéresse pas aux sujets extérieurs à son petit monde. Alaa el Aswany

"Toutes les dictatures utilisent les théories du complot. C’est quelque chose d’essentiel. Les dictateurs doivent toujours se créer un ennemi pour renforcer leur pouvoir. Ils effraient le peuple pour que celui-ci s’accroche à eux et à leurs idées."

Je n’ai pas écrit ce livre (Le syndrome de la dictature) seulement pour le Monde arabe. Dans les démocraties aussi, il y a des signes de ce syndrome. Il y a des signes de destruction de démocratie. Alaa el Aswany

Vous pouvez (ré)écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

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