Violences policières et racisme : le cauchemar américain

Par Vincent Hugeux

De New York à Los Angeles, le meurtre de George Floyd, énième victime noire de la brutalité policière, embrase des dizaines de centres urbains et met en évidence la profondeur de la fracture raciale.

Des policiers au cours d’une manifestation à Los Angeles.
Des policiers au cours d’une manifestation à Los Angeles. (EPA)

Ce volcan-là ne s’éteint jamais vraiment. Ses accalmies sont trompeuses, ses éruptions brutales et meurtrières. Et la lave incandescente des violences policières aux relents racistes n’en finit plus de consumer l’Amérique. La mort, le 25 mai à Minneapolis (Minnesota), de George Floyd, un colosse noir de 46 ans, plaqué au sol, face contre le bitume, puis étouffé sous le genou d’un agent au teint pâle, aura suffi à raviver le brasier. D’autant que la viralité de la vidéo de cette « bavure » fatale, captée par une passante, en décuple l’impact. Le crime de Floyd, vigile dans un restaurant réduit au chômage par la pandémie de Covid-19 ? Il aurait réglé un paquet de cigarettes avec un faux billet de 20 dollars…


Trump souffle sur les braises


Au surlendemain de son décès, la rage qui couvait balaye appels au calme et défilés pacifiques, se propageant avec la vigueur d’un feu de brousse. S’ensuivent cinq nuits d’émeutes et de pillages. Les flammes anéantissent ici boutiques et voitures, là un commissariat déserté à la hâte par ses occupants. Déploiement de la Garde nationale, mise en alerte de la police militaire, instauration d’un couvre-feu : rien n’y fait. Au contraire : la colère gagne New York, Washington, Philadelphie, Los Angeles, Chicago, Miami, Dallas, Houston, Memphis, Portland, Atlanta, Denver, théâtres de sit-in, d’accrochages ou de batailles rangées. Fidèle à lui-même, Donald Trump, qui a pourtant dénoncé un « drame odieux », souffle sur les braises. « Quand les pillages commencent, écrit-il au détour d’un tweet, les tirs commencent ». Haro sur « les casseurs, les anarchistes, l’extrême-gauche radicale et les antifascistes ».


« Je ne peux plus respirer »


Partout résonne l’ultime cri de Floyd : « I can’t breathe ». Je ne peux plus respirer. Au mot près, la supplique que répéta onze fois en juillet 2014, dans le quartier new-yorkais de Staten Island, le vendeur de cigarettes Eric Garner, asphyxié par une clé à la gorge lors d’une interpellation musclée. Incidents isolés ? Certes pas. Los Angeles n’oublie pas le tabassage mortel de Rodney King, en 1991, ni les scènes de guérilla urbaine que déclenchent l’année suivante l’acquittement de ses bourreaux (50 à 60 morts). Puis viendront le tour, pour ne citer qu’eux, de Philando Castile, abattu en 2016 au volant de sa voiture sous les yeux de sa compagne et d’une fillette, du joggeur Ahmaud Arbery, tiré comme un gibier en Géorgie en février dernier. Ou encore, le mois suivant, de Breonna Taylor, une technicienne médicale de Louisville (Kentucky), criblée de balles à son domicile.

©ETIENNE LAURENT/EPA/MAXPPP - epa08455617 Sheriff deputies and police officers aim their weapons at protesters during a stand-off on Rodeo Drive during curfew as thousands of protesters take the...
(EPA)

Un millier de civils tués en 2019


Les faits sont têtus. À en croire un décompte du Washington Post, un millier de civils, noirs en majorité, sont tombés en 2019 sous le feu de la police. Et selon une étude parue en août dernier, le risque de périr de la sorte est 2,5 fois plus élevé pour un « Black » que pour un Blanc. « Le péché originel de ce pays [allusion à l’esclavage] souille encore notre nation », accuse Joe Biden, le challenger démocrate de Trump à la présidentielle de novembre prochain. Sans doute l’ancien vice-président serait-il plus audible s’il n’avait, quelques jours auparavant, péché, au mieux par condescendance, au micro d’un animateur afro-américain. « Si vous hésitez entre Trump et moi, lui lance-t-il alors, vous n’êtes pas noir ».

Une Amérique foncièrement raciste, objecteront les esprits candides, n’aurait jamais élu en 2008 puis reconduit quatre ans plus tard à la Maison-Blanche Barack Obama. Pas si simple. Dans un pays où le maintien de l’ordre au quotidien relève de l’autorité des municipalités, son administration a certes promu l’ouverture d’enquêtes fédérales sur les exactions policières, durci le processus de recrutement et négocié à l’échelon local des accords visant à réformer ce corps. De là à le purger de travers raciaux ancrés au cœur d’une société ultra-polarisée…

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