Dans le sous-sol de la Cité de la musique, où il a transporté son expérience, Fabien Pottier a achevé de programmer son « scanner 2 D XRF ». Il lance la machine, présente une chaise au visiteur et montre le dernier extrait décrypté. Il s’agit d’un court passage raturé et illisible placé à la fin d’une lettre manuscrite datée du 10-12 octobre 1791 et dont ce postdoctorant a révélé le texte sous-jacent. Quelques mots tendres, plutôt banals mais adressés à une personnalité éminente : Marie-Antoinette, reine de France ! « Adieu ma bonne amie, jamais je ne cesserai de vous adorer », lit-on, avec une coupable indiscrétion, sur l’écran…
Fabien Pottier peut pavoiser. Lui et ses collègues du programme « Rex II », financé par la Fondation des sciences du patrimoine et soutenu par les Archives nationales, ont réussi. Au terme d’un studieux et patient travail faisant appel à des procédés d’imagerie innovants et à du matériel hautement sophistiqué, ces chercheurs sont non seulement parvenus à lire la moitié des lettres caviardées de la correspondance secrète entre Marie-Antoinette et Axel de Fersen, mais ils sont également arrivés à découvrir le nom du mystérieux personnage qui a dissimulé, sous des boucles, des jambes et des pointes, les passages intimes de ces courriers.
Les circonstances dans lesquelles ces messages, rédigés aux heures sombres de la Révolution française, sont réapparus, ont été maintes fois racontées. En 1877, en Suède, un certain baron Rudolf Maurits von Klinckowström annonce la publication d’un corpus de documents inédits concernant Marie-Antoinette : une soixantaine de lettres et de billets qu’auraient échangés son grand-oncle, le comte Axel de Fersen, avec la reine, entre juin 1791 et août 1792, au moment où la famille royale est placée en résidence surveillée aux Tuileries.
Non sans surprise, les historiens découvrent l’importance de ce gentilhomme suédois méconnu. Organisateur, les 21 et 22 juin 1791, de la « fuite à Varennes », cet épisode qui s’achève avec l’arrestation d’un Louis XVI déguisé en bourgeois dans un village de Lorraine, il exerce la fonction de représentant officieux de la reine auprès des cours d’Europe jusqu’au moment de la déclaration de guerre avec l’Autriche (avril 1792). Entre-temps, le 13 février 1792, ce monarchiste convaincu, piètre politique mais homme valeureux, a réalisé un véritable tour de force : rencontrer secrètement, aux Tuileries, le couple royal sévèrement gardé, et… passer la nuit au palais !
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