Huit mois après l'incendie de Lubrizol à Rouen, les sénateurs rendent leurs conclusions

La commission du Sénat en charge d'enquêter sur la gestion de l'incendie de Lubrizol à Rouen a rendu ses conclusions le 2 juin 2020. Elle souligne de nombreux manquements.

La société Lubrizol France a été mise en examen, jeudi 27 février 2020, par le parquet de Paris.
Le rapport provisoire de la commission d’enquête du Sénat a été rendu le mardi 2 juin 2020. (©FM/76actu/archives)
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La commission d’enquête du Sénat, chargée d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de Lubrizol à Rouen (Seine-Maritime) a rendu son rapport mardi 2 juin 2020. Son contenu a été rendu public jeudi 4 juin.

Il s’agit du troisième rapport à cette date, après ceux de l’Amaris et de la mission d’information de l’Assemblée nationale. Les 21 sénateurs pointent un certains nombre de failles et proposent des pistes d’amélioration de la politique de prévention des risques industriels et de contrôle des installations classées (ICPE).

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Une communication défaillante

L’incendie du 26 septembre 2019, bien qu’il n’a pas fait de mort comme le rappellent les sénateurs, reste l’un « des premiers accidents industriels majeurs de l’ère des réseaux sociaux ». Le rapport pointe une fois encore « le manque criant de la culture de la sécurité et du risque industriel ».

« Aujourd’hui, 90 % des Français se sentent mal informés sur les risques que présentent les installations industrielles et chimiques, et 10 % à peine affirment savoir comment réagir si un accident se produisait près de chez eux ! », souligne la synthèse présentant les conclusion. De même, plus de la moitié des élus consultés affirment manquer d’information et les trois quarts ne se sentent « pas assez associés aux exercices de sécurité civile ».

Les sénateurs sont sans concession avec l’État, dans l’« incapacité à informer le public de façon claire, prescriptive et pédagogique et à utiliser efficacement l’ensemble des canaux de distribution disponibles (radio, télévision, presse, réseaux sociaux) ». Ils appellent donc à une révision urgente de la doctrine de communication de crise, à une meilleure coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Ils demandent également plus d’information en temps réel par la mise en place du cell broadcast par exemple, dont le Sénat soulignait l’utilité « il y a dix ans déjà », plutôt que d’avoir recours à « un système de sirènes dépassé ».

Malgré la mise en exergue des défaillances de l’État dans la gestion de crise, les sénateurs estiment que « les décisions et mesures prises par le préfet de la Seine-Maritime pour le traitement opérationnel de la crise stricto sensu sont rétrospectivement pertinentes, justifiées et proportionnées à la réalité des risques encourus par la population ».

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Les pouvoirs publics trop indulgents ?

Du côté de la prévention du risque, le rapport souligne quelques « angles morts », comme le manque de moyens alloués aux services chargés de contrôlés les sites industriels, qui « rend peu réaliste l’objectif d’augmentation de 50 % des contrôles d’ici 2022 à effectifs constants affiché par la ministre de la transition écologique et solidaire » ; ou encore la « juxtaposition d’activités industrielles soumises à des régimes différents », source de difficultés supplémentaires.

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De même, la question du stockage des produits dangereux pose question. L’interdiction de la sous-traitance dans les processus industriels semble « irréaliste » pour les sénateurs. Ils préconisent un meilleur encadrement de l’activité logistique et une gestion de ces stocks « juste à temps », plutôt qu' »un entreposage systématique sur place ».

Le manque de sanction et leur faiblesse est aussi pointé du doigt. Ce qui est vu par certains comme une « forme d’indulgence des pouvoirs publics vis-à-vis des industries » créerait de la défiance, tout en affectant la crédibilité de la politique de prévention. En clair : « Trop souvent, les recommandations et prescriptions formulées par les services de l’Etat ne sont pas suivies d’effet, sans que personne ne semble s’en inquiéter. »

Les sénateurs ne sont pas  favorables pour autant à la création d’une autorité administrative indépendante spécialisée dans le contrôle des sites Seveso, jugée sans plus-value. Ils lui préféreraient un « véritable bureau d’enquête accidents », s’appuyant sur les structures existantes et en renforçant les moyens alloués.

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L’impact environnemental ignoré

La commission d’enquête relève également des manquements dans la gestion des conséquences sanitaires, « suite logique des erreurs des premiers jours ». Le manque d’informations sur la nature des produits brûlés ou la possibilité d’un effet cocktail, notamment, ont alimenté les angoisses et empêché l’Agence régionale de santé d’exercer sa missions « dans les meilleures conditions possibles ».

Les professionnels de santés de proximité aurait dû être associés davantage dès le départ, selon les sénateurs. En outre, ils estiment que l’approche de l’urgence sanitaire, « par l’unique prisme du nombre de morts et de blessés » a « largement » sous-estimé le risque chronique lié à l’incendie. Le suivi sanitaire à long terme des populations, réalisé par Santé publique France, devrait en ce sens comprendre la mise en place de registres de morbidité, et être guidé par le principe de précaution.

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Les conséquences environnementales inquiètent également les enquêteurs, au sens où elles sont « largement ignorées ». Bien que dans l’exemple de Lubrizol, l’impact immédiat « tel qu’évalué aujourd’hui » semble limité, ils appellent à une prise en compte renforcée de cet enjeu.

Enfin, sur le volet des indemnisations, le Sénat souligne l’impossibilité des entreprises, collectivités et agriculteurs ayant bénéficier des fonds d’indemnisation à l’amiable de mettre en place toute action contre Lubrizol, posant la question de « la prise en compte des préjudices indirects ». Des particuliers touchés par l’incident ont par ailleurs des difficultés à obtenir réparation pour l’intégralité du préjudice subi.  Les sénateurs proposent d’adapter le droit des assurances en supprimant la franchise en cas d’accident industriel et en étendant l’action de groupe.

• INFOGRAPHIE. Les six recommandations du Sénat après l’incendie à l’usine Lubrizol :

La commission d'enquête réunissant 21 sénateurs a émis six recommandations.
La commission d’enquête réunissant 21 sénateurs a émis six recommandations. (©Sénat)

Info pratique : 
Retrouvez le rapport provisoire de la commission d’enquête ici.

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