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À RETROUVER DANS LES HORS-SÉRIES DE LA REVUE DES DEUX MONDES

         
Les hors-séries de la Revue

THÉOPHILE GAUTIER HALLUCINÉ

L’INFO : Le Club des hachichins. Dans cette nouvelle publiée le 1er février 1846 dans la Revue des Deux Mondes, Théophile Gautier décrit les effets du haschich qu’il expérimente avec d’autres écrivains au Club des hachichins du docteur Moreau, à l’hôtel de Lauzun, à Paris. Le cannabis aura une influence insoupçonnée sur la littérature européenne dès la seconde moitié du XIXe siècle...

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Le Club des hachichins

   

L'HÔTEL PIMODAN 
Un soir de décembre, obéissant à une convocation mystérieuse, rédigée en termes énigmatiques compris des affiliés, inintelligibles pour d’autres, j’arrivai dans un quartier lointain, espèce d’oasis de solitude au milieu de Paris, que le fleuve, en l’entourant de ses deux bras, semble défendre contre les empiétements de la civilisation, car c’était dans une vieille maison de l’île Saint-Louis, l’hôtel Pimodan, bâti par Lauzun, que le club bizarre dont je faisais partie depuis peu tenait ses séances mensuelles, où j’allais assister pour la première fois [...]

Le dîner tirait à sa fin ; déjà quelques-uns des plus fervents adeptes ressentaient les effets de la pâte verte : j’avais, pour ma part, éprouvé une transposition complète de goût. L’eau que je buvais me semblait avoir la saveur du vin le plus exquis, la viande se changeait dans ma bouche en framboise, et réciproquement. Je n’aurais pas discerné une côtelette d’une pêche. Mes voisins commençaient à me paraître un peu originaux ; ils ouvraient de grandes prunelles de chat-huant ; leur nez s’allongeait en proboscide ; leur bouche s’étendait en ouverture de grelot. Leurs figures se nuançaient de teintes surnaturelles. L’un d’eux, face pâle dans une barbe noire, riait aux éclats d’un spectacle invisible ; l’autre faisait d’incroyables efforts pour porter son verre à ses lèvres, et ses contorsions pour y arriver excitaient des huées étourdissantes. Celui-ci, agité de mouvements nerveux, tournait ses pouces avec une incroyable agilité ; celui-là, renversé sur le dos de sa chaise, les yeux vagues, les bras morts, se laissait couler en voluptueux dans la mer sans fond de l’anéantissement.

Moi, accoudé sur la table, je considérais tout cela à la clarté d’un reste de raison qui s’en allait et revenait par instants comme une veilleuse près de s’éteindre. De sourdes chaleurs me parcouraient les membres, et la folie, comme une vague qui écume sur une roche et se retire pour s’élancer de nouveau, atteignait et quittait ma cervelle, qu’elle finit par envahir tout à fait. L’hallucination, cet hôte étrange, s’était installée chez moi.

— Au salon, au salon ! cria un des convives ; n’entendez-vous pas ces chœurs célestes ? les musiciens sont au pupitre depuis longtemps.
En effet, une harmonie délicieuse nous arrivait par bouffées à travers le tumulte de la conversation [...] 
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THÉOPHILE GAUTIER

         
     

Analyse
« Le Club des hachichins » ou comment écrire sous l’emprise du cannabis

   

Théophile Gautier fut le premier écrivain français à expérimenter le haschisch et à en décrire les effets. «  Le Club des hachichins », récit ou plutôt mise en scène littéraire de cette expérience, parut dans la Revue des Deux Mondes le 1er février 1846. Gautier l’inséra ensuite dans deux recueils : Partie carrée, en 1851, et Romans et contes, en 1863.

Né le 30 août 1811 à Tarbes, il a 34 ans et demi quand François Buloz, le directeur de la revue, publie son texte. Après des études secondaires à Paris, il s’est essayé à la peinture, avant de se vouer à la poésie et de soutenir Victor Hugo pendant la bataille d’Hernani. Le légendaire gilet rouge qu’il arborait au parterre, à la première de cette pièce, est resté l’un des emblèmes du romantisme. Proche de Gérard de Nerval et de Pétrus Borel (le « Lycanthrope »), il fréquente le théâtre et se consacre au journalisme pour survivre, malgré le succès de scandale de Mademoiselle de Maupin en 1835. La fameuse préface-manifeste à l’encontre des journalistes et en faveur de « l’art pour l’art » de ce roman épistolaire lui a valu une réputation fracassante. Tra los Montes (Voyage en Espagne), en 1843, et Les Grotesques, un an plus tard, l’ont rendu populaire ; il s’éprend volontiers de comédiennes, de danseuses et de cantatrices. L’une de ses maîtresses lui a donné un fils en 1836 ; une autre, une fille, en 1845, année où il voyage en Algérie de juillet à septembre.

Reconnu, il n’a pas pour autant percé et doit encore tabler sur les journaux pour assurer son train de vie. Librettiste et chroniqueur dramatique, il collabore notamment à La Presse et à la Chronique de Paris (où Balzac a fait appel à lui), et aussi, occasionnellement, au Figaro, à la Revue de Paris et à la Revue des Deux Mondes où François Buloz se propose de réunir les écrivains français les plus talentueux de son temps. Sachant combien la hâte d’écrire et les répétitions gâtent ses œuvres une fois recueillies en volume, Gautier se déprécie à ses propres yeux et se qualifie de « pauvre diable de feuilletoniste errant ». Au physique, ce gros barbu à crinière se donne des airs de matamore léonin, tonitruant, aimable, jovial. Il grogne, rugit, mais parle toujours de ses amis avec bienveillance. Il se dissipe aussi ; ses ouvrages, qui s’arc-boutent sur de magistrales préfaces, ressemblent plus à des recueils de dossiers qu’à des livres, mais quels dossiers !

Le dossier « haschisch » de Gautier a été constitué en deux étapes. Mais rappelons d’abord de quoi il s’agit [...] 
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LUCIEN D'AZAY

         
     

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Les peintres orientalistes et Théophile Gautier

   

On a souvent signalé qu'il y avait des rapports entre les arts et la littérature, des liens et une influence mutuelle. Une telle remarque fut parfois l'origine de théories ingénieuses. Plus modestement, sans quitter le domaine des faits certains, je voudrais considérer un cas précis. D'une part, peu après 1830, nombre de peintres français représentèrent des paysages, des scènes de l'Orient, et on les désigna sous le nom d'orientalistes. D'autre part, Théophile Gautier écrivit maintes pages sur l'Orient, parmi lesquelles les plus célèbres parent d'une couleur éclatante le Roman de la Momie. Quelle fut donc, sur cet écrivain pittoresque et descriptif, l'influence des peintres orientalistes ?

Lui-même nous donne maintes indications. A vingt-quatre ans, il s'était imposé par un coup d'éclat, Mademoiselle de Maupin. Succès littéraire, mais insuccès financier. Et Théophile, Gautier, pour gagner sa vie et celle des siens, fut contraint, de sa jeunesse jusqu'à sa mort, d'écrire incessamment dans les journaux. Cri-tique littéraire et dramatique, il fut aussi critique d'art, et toujours avec indépendance, pénétration et largeur de vues. Le sens de la beauté, l'intuition poétique, lui firent découvrir, au jour le jour, les artistes contestés, souvent même refusés aux Salons annuels, mais qui allaient devenir les maîtres de l'avenir. A chaque printemps, durant trente-cinq années, il publia, en moyenne, une dizaine de grands feuilletons sur le Salon de peinture. Il parla donc souvent des orientalistes.

Devant leurs tableaux, il avait d'abord une émotion de peintre. Naguère jeune rapin dans l'atelier de Rioult, le critique restait en contact, en sympathie avec nombre de peintres. Son esprit était trop clairvoyant, trop ouvert et trop cultivé, pour se laisser dominer par des habitudes ou des préventions d'école, qui entraînent à des jugements partiaux, sectaires, sinon rogues. D'instinct, il devinait l'intention personnelle et le talent particulier de tel ou tel artiste ; et, pour les rendre sensibles au lecteur, il faisait avec des mots une description du tableau même. C'était une transposition d'art. Mais le choix des qualités qu'il mettait en lumière, le choix des épithètes soulignant un éloge ou insinuant une réserve, contenaient un jugement d'une bienveillance toujours équitable. On sait combien il était indulgent ; tous ses camarades l'appelaient « le bon Théo », ou plus amicalement encore, « le Théo ».

Or, dans les descriptions de ce critique-poète, lorsqu'il évoque les toiles des orientalistes, il emploie le même vocabulaire que dans son Roman de la Momie. Bien avant d'avoir voyagé, il aimait l'Egypte, rêvait d'elle, l'imaginait ; et les tableaux de l'Orient lui donnaient une émotion poétique, c'est-à-dire créatrice, telle que l'aurait pu faire la vue directe de la nature 
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ADOLPHE BOSCHOT

         

     

Ce mois-ci dans la Revue des Deux Mondes

 


SYLVAIN TESSON
Sauver notre civilisation


Éditorial
Racines
Par Valérie Toranian
Dossier - L'arbre, un modèle de civilisation
Francis Hallé : par amour des arbres - Eryck de Rubercy
Comment les arbres nous construisent-ils ? - Jacques Tassin
Jean Giono, la passion des arbres - Jacques Mény
Abeilles, arbres et paysages - Yves Darricau
Et aussi : Ernst Zürcher, Michel Delon, Philippe Trétiack, Marin de Viry, Kyrill Nikitine  
Grand entretien
Sylvain Tesson, confession sans tabou
Littérature
La mort de Jean d’Ormesson
Par Marc Lambron
Hommage
Philippe Séguin dix ans après - Marc Ladreit de Lacharrière, Mathieu Bock-Côté, Saïd Mahrane, Frédéric Fogacci et Arnaud Teyssier

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