Il existe une eau tellement pure qu’elle peut dissoudre le métal (et détecter des rayons cosmiques)

Crédits : Kamioka Observatory / ICRR (Institute for Cosmic Ray Research) /The University of Tokyo

Un bassin entier d’eau ultra pure est enterré au Japon à près d’un kilomètre de profondeur. Son rôle est de capter les particules d’étoiles mourantes. Mais l’eau pure partage des caractéristiques à la fois acide et basique.

Ainsi, ce réservoir nommé Super-Kamiokande (Super-K) est caché sous le mont Ikeno au Japon. L’intérieur doré pourrait  facilement faire office de repère pour un méchant de James Bond ou bien figurer dans un clip de rap bling-bling.

Cet aspect doré lui est conféré par les détecteurs de lumière qui en parsèment les parois :

detecteur de lumiere Super-K
Il y’en a 11 000 répartis dans tout le réservoir. Crédits : Commons Files Wikipédia.

Mais pourquoi évoquer la lumière alors que nous parlions de la détection de rayons cosmiques ?

Le neutrino, une origine funeste

Quand une étoile meurt (plus précisément une supernova) et se condense pour former un trou noir, elle libère des vagues de neutrinos. Les caractéristiques de cette particule sont les suivantes selon l’astrophysicien Neil de Grasse : « La matière ne pose aucun obstacle à un neutrino. Un neutrino pourrait traverser une centaine d’années-lumière d’acier sans même ralentir. » Il a surnommé le neutrino comme étant : « la proie la plus insaisissable du cosmos ».

Les neutrinos sont libérés et voyagent dans la Galaxie, et Super-K est l’un des seuls objets à être capable de les capter. Il sert d’alerte aux scientifiques pour savoir quand ceux-ci doivent pointer leurs télescopes vers le ciel pour essayer d’assister à la formation du trou noir.

Le neutrino est une particule qui peut dépasser la vitesse de la lumière s’il traverse de l’eau suffisamment pure. On sait maintenant pourquoi Super-K est un bassin, et pourquoi les scientifiques vont jusqu’à le baigner d’UV pour éliminer la plus petite bactérie !

Une particule élémentaire normalement invisible

Pour comprendre ce qu’il se passe quand une particule dépasse la vitesse de la lumière, il faut imaginer un avion et la vitesse du son. Quand l’avion dépasse la vitesse de 340 m/s, il se produit des quantités d’ondes sonores : un gros bang ! Avec le neutrino qui dépasse la vitesse de la lumière, c’est la même chose. La différence, c’est que l’onde sera composée de lumière. C’est pour cela que les capteurs du Super-K sont des capteurs de lumières. C’est la méthode la plus efficace pour détecter des neutrinos à ce jour.

La vague de neutrino passe donc au travers de la terre comme s’il n’y avait rien, et vient toucher l’eau, accélérant légèrement (à son échelle) pour dépasser un bref moment la vitesse de la lumière. Ce faisant, elle est captée par nos appareils qui transforment la lumière captée en courant électrique. C’est ce courant que les scientifiques peuvent analyser.

Yoshi Uchida de l’Imperial College de Londres a déclaré qu’une supernova qui implose, cela se produit tous les trente ans dans la Galaxie. L’explosion reste visible un bon moment (on parle d’une masse plusieurs fois supérieure à notre Soleil), ce qui laisse le temps aux scientifiques de l’étudier.

Donc Super-K ne sert qu’une fois tout les trente ans ?

Non, il existe une autre expérience au Japon nommé T2K. Il s’agit en fait d’une machine capable de créer des neutrinos. Elle se situe à Tokai, soit de l’autre côté du pays. Celle-ci tire un faisceau de neutrinos au travers la terre. Les neutrinos viennent frapper Super-K qui les détecte. Le but pour les scientifiques est d’observer l’oscillation des particules et de la matière. Cela les aide à comprendre la relation matière/antimatière, et les raisons de la disparition de l’antimatière. Comme elle a disparu, l’antimatière n’a jamais pu être observée : son existence tient aux modèles de Big Bang réalisés qui la théorisent.

Les petites histoires concernant cette eau ultra pure

Les scientifiques interviennent souvent dans le réservoir pour la maintenance. Ils vont alors se déplacer en bateau au milieu des ampoules et d’une eau tellement transparente (et acide et basique) qu’on ne la voit pas.

https://twitter.com/JeanneHanson225/status/1010726401115164672

Un étudiant qui a failli finir chauve

Alors qu’il venait de finir la maintenance de Super-K, un étudiant nommé Matthew Malek de l’Université de Sheffield (Royaume-Uni) a sûrement eu peur de finir chauve. Le chariot qui permet d’aller et venir vers l’extérieur était abîmé. Lui et ses deux collègues sont donc restés dans les bateaux à discuter. Il s’est allongé, et ne s’est pas rendu compte que le bout de ses cheveux avait touché l’eau.

La nuit venue, il s’est réveillé à cause d’une douleur aiguë et une très forte irritation, pour se rendre compte que l’eau avait totalement absorbé ce qu’il y’avait dans ses cheveux (nutriments, couleurs) et que cela commençait à s’étendre sur tout son crâne. Il a donc sauté dans la douche pour rincer son crâne et ainsi sauvé ses cheveux.

La clé disparue

Ce bassin a été rempli pour la première fois en 1995, puis il a été drainé pour la première fois en 2000. Dans le laboratoire, on raconte qu’une clé de serrage avait été laissée en 1995, probablement oubliée. Puis lors du drainage, quand on est allé la chercher, il ne restait plus qu’une forme au fond de l’eau : la clé avait totalement été dissoute. Cette histoire tient davantage de la légende que l’on raconte aux étudiants qu’à une histoire vraie (il n’y a en effet aucune preuve). Mais dans tous les cas, cela montre à quel point cette eau peut être dangereuse.

Un nouveau Super-K

Super-Kamiokande est peut-être énorme, mais un détecteur de neutrinos encore plus grand appelé « Hyper-Kamiokande » a été proposé. « Nous essayons d’obtenir l’approbation de cette expérience Hyper-Kamiokande, et cela commencerait vers 2026 » a affirmé le scientifique Morgan Wascko, officiant à l’Imperial College.

Hyper-K serait 20 fois plus grand que Super-K en termes de volume, avec environ 99 000 détecteurs de lumière contre 11 000 actuellement.

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