Kofi Yamgnane : « Cela n’a pas de sens de mourir parce que l’on est noir »

Par Propos recueillis par Jacques Chanteau

Premier maire noir de Bretagne et ancien secrétaire d’État à l’Intégration (*), Kofi Yamgnane réagit à la mort de George Floyd, au racisme et aux récentes manifestations.

Kofi Yamgnane : « Cela n’a pas de sens de mourir parce que l’on est noir »
(Photo d’archives Claude Prigent)
Quel commentaire faites-vous sur la mort de George Floyd ?

C’est un drame que de voir un homme ainsi étouffé par un policier. Cela n’a pas de sens de mourir parce que l’on est noir. L’Amérique est un pays raciste. Il y a 50 ans, les Américains pendaient leurs Noirs.

En tant que premier maire noir de Bretagne, avez-vous été victime de racisme ?

Il a fallu que je sois élu maire pour souffrir véritablement du racisme. Par cartons entiers, j’ai reçu des lettres d’injures, des menaces de mort… Des messages qui disaient : « Sale nègre, est-ce que tu crois qu’un Noir va gouverner des Blancs ? ». Tous ces cartons sont dans ma cave que l’on a baptisée le musée des horreurs.

Que ressentiez-vous alors face à de telles menaces ?

J’ai été très amer lorsque les courriers ont été adressés à l’ensemble de la population de Saint-Coulitz. Des courriers où l’on pouvait lire ceci : « Il faut être breton, alcoolique et taré pour n’avoir trouvé qu’un nègre à mettre à la tête de votre mairie ». Là, la colère m’a pris et j’ai eu peur d’autant qu’ils menaçaient de tuer mes enfants qu’ils appelaient mes négrillons. J’ai ressenti de l’amertume, de la colère et de la peur, mais ils n’ont pas mis leurs menaces à exécution. Il faut aussi savoir que j’ai reçu des tas de lettres de toute beauté comme celle de ce missionnaire, originaire de Bretagne, et qui vivait en Inde. En venant d’apprendre que j’avais été élu maire, il m’avait écrit : « Je suis fier de mon peuple breton ».

Que voulez-vous dire quand vous affirmez que le racisme a pignon sur rue ?

Avant, quand les gens m’écrivaient, ils se cachaient derrière l’anonymat. Aujourd’hui, ils ont pignon sur rue car le Front national a rendu presque normal le sentiment d’être raciste.

Pensez-vous que la police est raciste comme on peut l’entendre lors des manifestations contre le racisme et les violences policières ?

Il y a des policiers racistes, mais la police n’est pas raciste. La police, c’est le bras armé de l’État, l’institution qui a la légitimité d’exercer la violence pour faire respecter la loi. On ne peut donc pas mettre n’importe qui dans la police. Il faut éduquer les futurs policiers, leur expliquer ce que c’est la déontologie, le respect… Mais cette éducation, on ne la leur donne pas. En trois mois, on leur confie un pistolet et une matraque, mais on ne les éduque pas. C’est cela qu’il faut revoir. Il faut réformer le recrutement et la formation des policiers.

Un commentaire sur ces manifestations parfois violentes…
Newsletters La Matinale
Chaque matin, l’essentiel de l’actualité
Tous les matins à 8h

On n’a pas besoin de se taper dessus. Les manifestants peuvent exprimer leur mécontentement, mais sans violence. Pourquoi y a-t-il besoin de gaz lacrymogène, de jets de pierres ? Cela ne sert à rien de dire « Je suis plus fort, donc je cogne », car il y aura toujours plus fort que toi pour te cogner dessus. C’est l’éducation qui est à la base de tout, pas la force.

* Originaire du Togo et âgé aujourd’hui de 74 ans, Kofi Yamgnane fut maire de Saint-Coulitz (29), de 1989 à 2001, député, de 1997 à 2002, et secrétaire d’État aux Affaires sociales et à l’Intégration, de 1991 de 1993.
Revenir en arrière

Kofi Yamgnane : « Cela n’a pas de sens de mourir parce que l’on est noir »

sur Facebook sur Twitter sur LinkedIn
S'abonner
Application Le Télégramme Info Bretagne

Application Le Télégramme

Vous aimez la Bretagne ? Vous allez adorer l'application du Télégramme. Profitez d'une expérience de lecture personnalisée et d'un accès rapide à l'actualité de votre commune.

Application Le Télégramme Journal
Application Le Télégramme Journal