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IRAN

Iran : dans les monts Zagros, des volontaires éteignent les incendies à mains nues

Des bénévoles iraniens tentent d'éteindre un incendie, parfois seulement à l’aide de quelques branches d’arbres. Captures d'écran des vidéos de notre Observateur dans la région protégée de Khaiez.
Des bénévoles iraniens tentent d'éteindre un incendie, parfois seulement à l’aide de quelques branches d’arbres. Captures d'écran des vidéos de notre Observateur dans la région protégée de Khaiez.
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Depuis le le 22 mai, des milliers d’hectares de forêt ont été ravagés par des incendies dans les monts Zagros. En Iran, en raison du manque de logistique et de budget, ce sont majoritairement des citoyens qui se portent volontaires pour éteindre les feux, parfois à l’aide de seulement quelques branches d’arbres. Pendant ce temps, les autorités iraniennes tentent de minimiser les dégâts.

La chaîne de montagnes de Zagros s’étend à l’ouest de l’Iran, aux confins des provinces de Khouzestan et Kohguilouyeh-et-Bouyer-Ahmad. 

Les forêts de cette région abritent de nombreuses espèces endémiques ainsi que des plantes médicinales. C’est également de ces montagnes que provient 40 % de l’eau douce iranienne. Mais, outre les incendies, ces espaces forestiers sont aujourd’hui fragilisés par la sécheresse et la surexploitation des ressources naturelles.

Les derniers incendies se sont déclarés le 22 mai dans les montagnes de Zagros, à 2,5 kilomètres au nord-est de Gachsaran, une ville de la province de Kohguilouyeh-et-Bouyer-Ahmad, dans le sud-ouest du pays. Deux autres incendies se sont déclenchés le 28 mai : l’un à 9 kilomètres de là dans la région de Dil, l’autre 20 kilomètres plus loin au niveau de l’aire protégée de Khaiez. 

Les images satellites de la NASA du 22 mai au 2 juin montrent bien qu'un incendie a ravagé la région et permettent de calculer l'étendue des dégâts.

Le mois dernier, Issa Kalantari, chef du département de l'environnement au sein du parlement, affirmait que, dans toute la région de Zagros, seulement 990 hectares de forêt avaient été décimés par les feux. Il appelait alors à ne pas "exagérer" la situation. 

Or, en s’appuyant sur des images satellites, la rédaction des Observateurs de France 24 a été en mesure d’estimer plus précisément la superficie incendiée. Selon ces données, ce sont au moins 9 500 hectares de forêts qui ont été ravagés par les flammes dans les zones de Gachsaran, Dil et Kahiez entre le 22 mai et le 2 juin, soit une surface neuf fois plus grande que celle définie par les autorités. 

Selon nos Observateurs, ces incendies ont mis 12 jours à être éteints, d’abord à cause des vents forts dans la région, mais surtout parce que ce sont des bénévoles sans équipement et presque seulement avec des branches qui ont tenté d’étouffer les feux.

"Des gens allument des feux pour se venger du 'système' ou du 'gouvernement'"

Ali (pseudonyme) est un militant écologiste local, il s’est porté volontaire pour éteindre l'incendie au sein de l'aire protégée de Khaiez : 

 

Malheureusement, tous les récents incendies sont volontaires. L'incendie dans la région de Khaiez a commencé après que deux habitants se sont disputés et que l'un d'eux a mis le feu au pâturage qu’ils partageaient. La police ne les a détenus qu’une journée. Les deux autres incendies ont également été déclenchés par des habitants même si les auteurs n’ont pas encore été arrêtés.

Selon l’Organisation iranienne d’aménagement du territoire et des forêts, parcours et bassins versants (FRWO), 95 % des feux dans les monts Zagros sont le fait d’accidents humains ou ont été déclenchés volontairement. 

Les habitants brûlent des arbres pour avoir plus de pâturages pour leurs animaux, ou tout simplement pour obtenir du charbon de bois et le vendre. Il y a aussi des gens qui allument des feux pour se venger du "système" ou du "gouvernement". Et puis, il y en a encore d’autres qui font des feux dans la nature mais ne les éteignent pas correctement, sans se douter que ce petit feu pourrait détruire des kilomètres de forêts.  

Des incendies comme ceux-là ont lieu partout dans le monde. Mais la différence est que nous n’avons pas de matériel comme des hélicoptères bombardiers d'eau ou des équipements adaptés. Nous tentons donc d’éteindre les feux avec des branches. 

Nous avons vu une ou deux fois des hélicoptères bombardiers et des hélicoptères de l’armée et des Gardiens de la révolution qui ont dépêché des volontaires et soldats pour aider à maîtriser un feu. Quand nous leur avons demandé "pourquoi vous ne venez pas plus souvent ?", ils nous ont répondu "nous n’avons pas assez de carburant"."

 

Vidéo montrant les bénévoles iraniens tenter de maîtriser les flammes de l'incendie.

Le 31 mai, le commandant de l’armée locale a déclaré qu’il y avait eu 108 sorties en hélicoptères pour envoyer 530 volontaires sur les zones d’incendie depuis le 29 mai grâce à deux hélicoptères. Pourtant, nos Observateurs assurent que ce sont des citoyens qui ont permis de venir à bout des flammes en escaladant les montagnes pour atteindre les zones où les feux étaient actifs. 

 

"Nous n’avions aucune information sur la progression du feu"

Ali poursuit :

 

Ces derniers jours, certaines personnes nous ont donné de l’argent pour acheter six souffleurs à feuilles, un des outils les plus importants pour contenir les feux dans des régions comme celles des monts Zagros où les arbres sont clairsemés et où les buissons sont secs à cette période de l’année [chaque souffleur coûte 25 millions de toman soit environ 1 380 euros, NDLR]. Nous avons également dû couper des branches pour chaque volontaire : il s’agit ensuite de taper sur le feu avec pour l’éteindre. Cela prend beaucoup d’énergie, mais avec un souffleur à feuilles c’est plus rapide et plus facile.

L’autre problème que nous avons rencontré, c’est le manque de gestion. Nous n’avions aucune information, par exemple, sur la progression du feu : dans quelle direction il se propageait, où est-ce qu’il était contrôlé. Les autorités locales ont seulement communiqué pour annoncer que le feu était totalement éteint et que les volontaires revenaient. 

Or, quelques heures après cette annonce, nous avions finalement découvert que le feu avait repris ailleurs et nous avons dû grimper à nouveau. 

Heureusement, à notre connaissance, il n’y a pas eu de grands animaux, comme des chèvres sauvages, des brebis, des béliers ou des léopards, qui sont morts. En revanche, nous savons que plusieurs petits animaux comme des oiseaux, des rongeurs, des écureuils et des serpents ont été victimes des flammes et que de nombreuses plantes ont été décimées.

Des souffleurs permettent de mieux maîtriser l'incendie. Vidéo envoyée par notre Observateur.

"Nous n’avons pas assez d’argent pour éteindre les incendies dans notre région, pas un sou" 

 

Un responsable local de l’Organisation iranienne d’aménagement du territoire et des forêts, parcours et bassins versants (FRWO) de la province de Kohguilouyeh-et-Bouyer-Ahmad, qui a préféré garder l’anonymat, a expliqué les raisons de ce manque d’équipement à la rédaction des Observateurs de France 24 :

 

L’explication courte et simple est que nous n’avons pas assez d’argent pour éteindre les incendies dans notre région, pas un sou. Nous avons déjà eu un budget spécifique pour lutter contre les incendies de forêts, mais cela fait environ un an qu’il n’existe plus. Cette enveloppe budgétaire a simplement été coupée et nous avons même des problèmes pour payer les salaires de plusieurs personnes ici. 

Les hélicoptères ne nous appartiennent pas, nous devons les louer et nous n’avons pas d’argent pour cela. Les derniers ont été envoyés par l’armée et la Croix-Rouge, même si nous ne pouvons pas les payer, après que la nouvelle de l’incendie a reçu beaucoup d’attention. Il y a quelques années, le gouvernement a présenté un avion bombardier d’eau… depuis lors, personne ne l’a vu. Apparemment, ce n’était qu’un spectacle. Conclusion, pour éteindre les feux, nous ne dépendons que de bénévoles et de donateurs.

Selon nos Observateurs, au moins dix volontaires ont été blessés en tentant de venir à bout des flammes, dont Alborz Zarei un grimpeur qui a été gravement brûlé.

Article écrit par Ershad Alijiani

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