"Toi tu n'as pas le droit de continuer (ta PMA) parce que tu es trop grosse."

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"Toi tu n'as pas le droit de continuer (ta PMA) parce que tu es trop grosse."

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Après deux mois de fermeture, les PMA reprennent progressivement
Après deux mois de fermeture, les PMA reprennent progressivement
© AFP - LLUIS GENE

Tous les protocoles en cours peu avant le confinement ont été arrêtés entre le 17 mars et le 11 mai. Ils reprennent progressivement, mais avec des critères d'éligibilité et un protocole sanitaire tellement stricts, que le système est engorgé et beaucoup de couples sont contraints de retarder leur projet de grossesse.

Le 20 février, Charlotte, 33 ans, passe au bloc opératoire pour une ponction d'ovocytes. Son transfert d'embryons est prévu pour le mois suivant, le 20 mars donc. Il n'aura jamais lieu. Le centre de PMA ferme avec le confinement, ses sept œufs sont congelés et sa gynécologue lui dit de patienter. 

Quelques jours après le déconfinement, Charlotte reprend contact avec l'hôpital, espérant pouvoir enfin accomplir la dernière étape de sa fécondation in vitro. C'est la douche froide. Le centre de PMA a revu ses protocoles suivant les recommandations de la Haute autorité de santé et du Haut conseil à la santé publique, relayées par l'agence de la biomédecine et les agences régionales de santé. Sont désormais exclus de la PMA, le temps de l'épidémie de Covid-19 et jusqu'à la mise à jour de ces recommandations, toutes les patientes présentant des facteurs de co-morbidité à savoir, de l'hypertension artérielle importante, des antécédents de chirurgie cardiaque, une insuffisance rénale chronique ou encore de l'obésité déterminée par un indice de masse corporelle supérieur à 30.  

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"On te dit, toi tu n'as pas droit de continuer parce que tu es trop grosse"

36, c'est l'IMC de Charlotte. Elle pèse 84 kilos, mesure 1,53 mètres et doit perdre à tout prix 16 kilos si elle veut désormais pouvoir poursuivre son protocole. La gynécologue le lui a déconseillé. Charlotte est très en colère. "J'ai fait le plus dur, pour moi la ponction a été un moment très désagréable. Je l'ai hyper mal vécu. Arrivée au bout du chemin, on me dit non, tu ne reprends pas parce que des gens ont décidé que tu étais trop grosse et que c'était trop dangereux", dénonce-t-elle.

"Je ne peux pas accepter ça en fait. Ça fait cinq ans que j'attends ce bébé, c'est comme si on m'avait enlevé mes chances d'un coup." 

"Je me suis dit que c'était un moyen pour eux de faire du tri", explique Charlotte. "Déjà qu'on subit beaucoup durant ce parcours, et là on te dit  'toi tu n'as pas droit de continuer parce que tu es trop grosse'. C'est rageant. Et si j'avais fait un régime avant, peut-être que j'aurais pu recommencer. Je me dis qu'à cause de moi, mon conjoint attend aussi. C'est très culpabilisant. Déjà qu'on a des problèmes de fertilité, et en plus de ça, on n'est pas capable d'être dans les normes. Ça nous remet ça dans la face. C'est presque humiliant." 

Charlotte attend une date pour la reprise de son protocole et espère que les recommandations vont évoluer avec le spectre d'une deuxième vague de Covid-19 qui s'éloigne. 

La reprise est plus compliquée que le confinement

Les centres de PMA sont donc contraints d'exclure, mais aussi d'établir des priorités notamment pour les femmes les plus âgées ou celles qui souffrent d'insuffisance ovarienne précoce. Toutes les autres femmes ont vu leur protocole décalé pour certaines à la fin de l'année. C'est le cas de Margaux, 29 ans, qui devait débuter avec son compagnon sa première tentative de fécondation in vitro, en mars dernier. Le processus est donc reporté jusqu'à nouvel ordre : "Ça a été un coup de massue. Nous allions commencer ce protocole, j'ai tous les médicaments qui sont chez moi, dans mon frigo et qui attendent depuis cinq mois. Ils sont obligés de faire des choix et c'est difficile pour le couple." 

Margaux et Charlotte sont accompagnées et aiguillées par le collectif BAMP dirigé par Virginie Rio. Depuis le confinement, l'association reçoit dix fois plus de coups de fils ou de courriels qu'en temps normal. Pour sa co-fondatrice, il est urgent que les autorités sanitaires revoient leurs recommandations pour permettre à un  plus grand nombre de femmes de reprendre leur protocole : "La reprise est plus compliquée que le confinement parce que les recommandations n'ont pas de limite temporelle. Vous vous retrouvez donc dans un très fort sentiment d'impuissance et d'injustice. Il faudrait peut-être que les recommandations soient vraiment spécifiques en cas de Covid avéré ou de suspicion de Covid. Mais pour tous les autres, revenons à ce qui se passait avant."

Le rythme de prise en charge est actuellement d'autant plus ralenti qu'avec le respect strict des gestes barrières, les centres de PMA accueillent en moyenne deux fois moins de patientes qu'avant. 

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