Enfants témoins de violences conjugales : "J'aimerais qu'il comprenne le mal qu'il m'a fait"

Publié le 11 juin 2020 à 7h53, mis à jour le 11 juin 2020 à 8h22

Source : TF1 Info

ENQUÊTE - Conséquence de deux mois de confinement, les appels au 3919, numéro d'aide aux femmes victimes de violences conjugales, ont été multipliés par trois. Des violences qui représentent également un traumatisme pour les enfants qui en sont témoins et qui les suit dans leur vie d'adulte. Témoignages rares d'une jeune fille de 12 ans et d'une jeune femme de 22 ans.

Lana a 12 ans. Durant des années, elle a vu son beau-père frapper sa mère. "J'étais triste et énervée. Je voulais aider ma maman mais je ne pouvais pas", dit-elle. C'est pourtant elle qui, un soir,  a appelé les secours pour sauver sa maman, "fracassée", selon ses termes. "Ça a été tellement violent que mon cerveau s'est mis en blackout", raconte sa maman, Alison. Aujourd'hui, la petite fille est traumatisée. "Avec ma sœur, on était tout le temps ensemble et même si je suis grande, j'arrive pas à dormir toute seule, j'ai peur", confie-t-elle.  

Ces traumatismes sont difficiles à soigner. Des années plus tard, la douleur et l'angoisse sont toujours là. Présentes au quotidien. C'est le cas d'Amélie, jeune maman. Un rien lui rappelle les violences vécues dans son enfance : un bruit, un pas lourd ... les angoisses sont quotidiennes. Aujourd'hui, elle est suivie par un médecin, la naissance de sa fille a ravivé d'anciennes plaies. "J'ai eu peur de reproduire ce que j'ai vu, entendu, vécu. Peur de rabaisser ma fille sans le vouloir. Peur qu'elle souffre", explique-t-elle. Pour  Edouard Durand,  juge des enfants, "la phrase : "un mari violent est un père dangereux" doit se traduire de façon plus nette dans les pratiques des professionnels et dans la loi". 

Des manquements de la part de la justice ?

Car si pour l'heure, les plaintes sont déposées, c'est au niveau supérieur que le bât peut blesser. Hélène, victime de violences conjugales est maman d'un garçon. Séparé de ce conjoint violent, la justice a néanmoins accordé un droit de visite au père, dans le cadre d'une association. Un droit de visite qui se traduit par des sorties à l'extérieur des locaux de l'association, sans personne pour les encadrer. "Mon inquiétude est qu'il est d'origine étrangère : il a un titre de séjour, ici (...) Si l'envie lui prenait, il pourrait très bien partir dans son pays d'origine avec mon fils", explique cette femme qui a souhaité témoigner anonymement. Elle avait pourtant demandé une interdiction de sortie du territoire mais celle-ci n'a pas été actée par le juge. 

Une décision qui va à l'encontre de ce que préconise le juge Durand, co-président de la Commission violences au Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes . "Ces visites extérieures devraient se passer en présence d'un tiers spécialement formé afin que la personne reconnue violente ne puisse effrayer l'enfant, l'interroger sur la situation de la mère ou tout autre mécanisme d'emprise et de terreur", estime le professionnel.  

Quels impacts sur les enfants ?

En attendant, Alison a décidé de prendre la parole pour briser le tabou et que ses filles puissent grandir, se construire, sans occulter ce passé douloureux. Evidemment, elle se sent coupable d'avoir fait vivre ça à ses filles :  "C'est quelque chose qu'on effacera jamais, on va apprendre à vivre avec", explique-t-elle. Et Lana, avec ses mots d'enfants, explique avec beaucoup de justesse ce qui lui ferait du bien. "Ça me rend triste d'imaginer que quelqu'un puisse être aussi méchant". Elle aimerait qu'il comprenne le mal qu'il lui a fait. "Et qu'il s'excuse"

Mardi 9 juin, le Sénat se penchait sur une proposition de loi LREM, visant à protéger les victimes de violences conjugales. La garde des Sceaux Nicole Belloubet a demandé mercredi à ses services d'élaborer un nouveau projet de décret sur les ordonnances de protection pour les victimes de violences conjugales, face aux vives critiques sur le précédent texte, notamment sur les délais de mise à l'abri des victimes. Le nouveau projet de décret "sera soumis au comité de pilotage national des ordonnances de protection qui se réunira le 23 juin prochain", a annoncé la Chancellerie.


La rédaction de TF1info

Sur le
même thème

Tout
TF1 Info