C'est une scène de liesse qui avait eu lieu devant le tribunal de Ciudad Delgado au Nord-Est de San Salvador, l'été dernier. Dans la capitale salvadorienne, une centaine de militantes féministes avaient fêté l’acquittement d’Evelyn Hernandez, le 19 août 2019. La jeune femme de 21 ans encourait 30 à 50 ans de prison pour "homicide aggravé", car elle avait accouché d'un enfant mort-né en 2016. 

Définitivement acquittée

Le parquet général, avait fait appel à la décision d'acquittement. Mais ce lundi 8 juin 2020, presque un an après la décision du juge, celui-ci vient enfin d'être confirmé par un tribunal du Salvador. Une victoire pour Evelyn Hernandez. Toutefois, le parquet peut encore introduire un recours en cassation. 

En 2016, alors adolescente, elle avait accouché d'un bébé dans des toilettes, mais l’enfant était mort à la naissance. Après avoir été transférée à l’hôpital, elle avait été arrêtée et inculpée pour homicide. 

Un cas qui n’a rien d’inhabituel au Salvador, où les juges estiment que toute perte du bébé constitue un "homicide aggravé", ce qui est passible de 30 à 50 ans de réclusion. L’avortement est quant à lui puni de deux à huit ans de prison.

Absence de preuves 

L’avocate d’Evelyn Hernandez, Bertha Maria Deleon, indiquait l'été dernier que l’acquittement avait été prononcé faute de preuves : "Le juge a été assez juste : il a dit qu'il n'y avait pas moyen de prouver le délit, et c'est pour cela qu'il a prononcé l'acquittement. Il a dit qu'il s'agissait d'un accouchement difficile". 

En sortant du tribunal, la jeune femme se déclarait "heureuse" alors qu’une centaine de femmes, rassemblées devant le palais de justice, scandaient joyeusement : "Attention, attention, la lutte féministe avance en Amérique latine". 

Vidéo du jour

Le collectif citoyen "Las17", qui défend les femmes "injustement condamnées par la prohibition totale et la criminalisation de l'avortement", avait célébré la nouvelle sur son compte Twitter.

Condamnée à 30 ans de prison en 2017

"Tout le temps passé (en prison) a été dur", avait souligné la jeune femme en août 2019. "Grâce à Dieu, justice a été rendue", s'était-elle réjouie.

En juillet 2017, un premier jugement avait prévu 30 ans de prison pour la jeune femme. Cette condamnation avait été révoquée par la Cour suprême en février, et Hernandez était sortie de prison.

À la suite de son arrestation à l’hôpital, elle ne cessera de clamer son innocence. Si dans un premier temps, elle explique être tombée enceinte après un viol, son avocate demande à ce que ce détail ne soit plus évoqué, craignant pour la sécurité de sa cliente. La jeune femme habitant dans un quartier contrôlé par les gangs, elle pouvait faire l’objet de représailles. 

Des femmes en prison pour avoir avorté 

Quatre années auront été nécessaires pour statuer sur son innocence. À ce sujet, Arnau Baulenas, avocat de l’Université jésuite centroaméricaine IDHUCA, qui œuvrait pour la défense, avait confié, lors de la décision d'acquittement : "Cela prouve que le délit n'existait pas, qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites". 

Selon le juriste, comme beaucoup de femmes au Salvador, Hernandez a été poursuivie "en raison de convictions religieuses", plus que pour des motifs juridiques.

Une victoire éclatante pour les droits des femmes au Salvador.

Dans un communiqué, l’organisation de défense des droits de l’homme, Amnesty International avait salué "une victoire éclatante pour les droits des femmes au Salvador". La confirmation de l'acquittement de la jeune femme est alors d'autant plus symbolique. 

En 2019, cinq femmes condamnées pour des cas semblables ont été libérées au Salvador, mais d'autres sont encore en prison pour avoir avorté.