La contestation sociale a doublé en dix ans

[EPA-EFE/GUILLAUME HORCAJUELO]

Difficultés économiques, brutalité policière, instabilité politique : l’indice mondial de la paix reflète une forte progression des manifestations.  La pandémie de COVID-19 pourrait souffler sur les braises.

« La crise économique provoquée par la pandémie actuelle va encore aggraver la situation et nous nous attendons à une augmentation des manifestations, en particulier en Europe », indique Steve Killelea, le fondateur de l’Institut pour l’économie et la paix (IEP), qui publie chaque année l’indice mondial de la paix.

Au cours de la dernière décennie, les émeutes ont augmenté de 282 % niveau mondial, alors que les grèves générales ont progressé de 821 %. Durant l’année 2019, des manifestations violentes ont eu lieu dans 58 % des pays, selon l’indice mondial de la paix. Une évolution qui, selon les chercheurs, « reflète une tendance à long terme ».

C’est l’Europe qui a connu le plus grand nombre de manifestations, de troubles et de grèves, mais seuls 35 % de ces quelque 1 600 événements ont été qualifiés de violents, soit le pourcentage le plus faible au monde.

L’impact du COVID-19

Selon les chercheurs, les tensions vont probablement s’intensifier dans le monde entier, car la pandémie de COVID-19 aura des répercussions négatives sur la stabilité politique, les conflits, les droits civils et le niveau de violence. Elle risque d’anéantir des années de développement socio-économique et une polarisation croissante devrait marquer les relations entre les nations.

« L’instabilité politique devrait croître en Europe, les émeutes et les grèves générales sont appelées à augmenter », relèvent les chercheurs. Selon eux, l’impact économique du confinement constitue une menace importante pour la paix. Des troubles politiques ont d’ailleurs déjà éclaté aux États-Unis, en Allemagne et en France.

« Il est probable que l’impact économique du COVID-19 amplifie les tensions en faisant grimper le chômage, en creusant les inégalités et en détériorant les conditions de travail. Cela se traduira par une aliénation des système politiques et une augmentation de l’agitation sociale. Nous nous trouvons donc à un moment critique », souligne Steve Killelea.

Crise du coronavirus : de nouveaux pauvres partout en Europe

La brutale récession économique mondiale, provoquée par le coronavirus et les mesures de confinement, entraîne une envolée des demandes d’aide alimentaire. Les pays riches ne sont pas épargnés. Un article de notre partenaire, Ouest-France.

Le rapport indique que l’Italie, la Grèce, la Lettonie et la Pologne figurent parmi les pays les moins bien armés pour surmonter l’épreuve du COVID-19, en raison des défis économiques qu’ils doivent relever et de leurs faibles performances en matière de « résilience sociale ». À l’inverse, la Norvège, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont les mieux placées pour faire face à l’avenir.

Sollicité par Euractiv pour savoir si la réponse économique de l’UE à la crise sanitaire était suffisante pour atténuer les troubles sociaux à venir, Steve Killelea estime que c’est « assez improbable ».

Paix, militarisation et terrorisme

L’Islande demeure le pays le plus pacifique du monde, une position qu’il occupe depuis 2008, aux côtés de la Nouvelle-Zélande, de l’Autriche, du Portugal et du Danemark. L’Afghanistan reste quant à lui le pays le moins pacifique, suivi par la Syrie, l’Irak et le Sud-Soudan.

C’est en Russie et dans la région eurasiatique que la paix a fait le plus de progrès. L’amélioration la plus nette a été observée en Arménie, qui a avancé de 15 places dans le classement.

Malgré un recul général de la paix, plus de 100 pays ont réduit leurs dépenses militaires depuis 2008. Une poignée de grandes puissances ont cependant réorganisé leurs dépenses, ce qui s’est traduit, en 2019, par la plus forte hausse de dépenses militaires mondiales en dix ans, selon la dernière enquête de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

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Comme ils s’y étaient engagés en 2014, lors du sommet de pays de Galles, les dépenses de défense des 29 pays membres de l’Alliance atlantique augmentent. Souvent nettement, parfois très lentement.

A combien se monte le budget des pays membres de …

Parallèlement, le nombre de pays qui importent et exportent des armes est tombé à des niveaux jamais vus depuis 2009.

Le rapport relève une augmentation significative du financement des opérations de maintien de la paix des Nations unies, mais cette amélioration des contributions risque d’être de courte durée car les gouvernements s’apprêtent à consacrer des fonds à la lutte contre la crise économique provoquée par la pandémie de COVID-19.

Une diminution du soutien aux opérations de maintien de la paix des Nations unies rendra la consolidation de la paix plus difficile et pourrait se traduire par un retour aux guerres par procuration, stipule le rapport.

Une réduction de l’aide internationale devrait entraîner une déstabilisation accrue des pays fragiles et en proie à des conflits, tels que le Liberia, l’Afghanistan et le Sud-Soudan.

« En outre, les tensions entre les États-Unis et la Chine vont s’accroître en raison du ralentissement économique. Cela va altérer le bon fonctionnement du Conseil de sécurité de l’ONU [même] sur des sujets qui avaient fait l’objet d’un accord par le passé », note Steve Killelea.

L’impact économique de la violence a diminué au cours de l’an dernier, car l’intensité des conflits a baissé ce qui a généré moins de décès. Au total, la violence a coûté à l’économie mondiale 14,5 billions de dollars (10,6 % du PIB mondial).

Le nombre de décès dus au terrorisme a diminué pour la quatrième année consécutive (moins 75 %), ce qui correspond à un peu plus de 8 000 victimes en 2019. Un nombre record de 33 555 décès avait été enregistré en 2015.

Le climat joue aussi

Alors que le nombre de catastrophes naturelles a triplé au cours des quatre dernières décennies, le registre des menaces écologiques de l’IEP indique que 27 % des pays seront confrontés à un stress hydrique catastrophique et 22 % à l’insécurité alimentaire d’ici à 2050.

« En raison de l’impact économique de la pandémie, nous nous attendons à ce que les problèmes de sécurité alimentaire dans les pays les plus fragiles ébranlent le système. Cela se traduira, dans certains endroits, par une augmentation de l’agitation sociale qui ira de pair avec des conflits », précise Steve Killelea.

En 2019, le nombre de personnes vivant dans des zones fortement ou très fortement exposées aux risques climatiques était estimé à 2,26 milliards. Et 1,24 milliard d’entre elles vivent déjà dans des pays où la paix est fragile.

D’ici à 2050, le changement climatique devrait générer jusqu’à 143 millions de migrants dans le monde, en particulier en Afrique subsaharienne (86 millions), en Asie du Sud (40 millions) et en Amérique latine (17 millions).

Déplacés climatiques: premières victimes et derniers responsables

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