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ENVIRONNEMENTDans le Mont-Blanc, c’est la fin du « on laisse tout faire »

Arrêté de préservation du Mont-Blanc : « C’est la fin du principe qui voulait qu’au nom de la liberté, on laisse tout faire », souligne le maire de Saint-Gervais

ENVIRONNEMENTAlors qu’en Haute-Savoie, un arrêté est en cours d’élaboration pour préserver le massif du Mont-Blanc, « 20 Minutes » a interrogé Jean-Marc Peillex. Le maire de Saint-Gervais revient sur les règles qui seront bientôt imposées au sommet
Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais, qui a accueilli Emmanuel Macron jeudi dernier en Haute-Savoie.
Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais, qui a accueilli Emmanuel Macron jeudi dernier en Haute-Savoie. - P.Tournaire / Sipa
Elisa Frisullo

Propos recueillis par Elisa Frisullo

L'essentiel

  • Un arrêté est en cours d’élaboration pour préserver le massif du Mont-Blanc, en Haute-Savoie, sur décision d’Emmanuel Macron.
  • Ce texte, presque achevé devrait être signé par le préfet à l’automne.
  • 20 Minutes a interrogé le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex, sur les nouvelles mesures qui vont encadrer les activités dans ce massif.

Depuis la canicule de 2003, qui avait levé le voile, à haute altitude, sur l’état calamiteux de la montagne, il s’est imposé comme l’un des plus fervents défenseurs du Mont-Blanc. Un combat qui l’anime toujours dix-sept ans plus tard et qu’il s’apprête à remporter, avec la mise en place, prévue à l’automne, d’un arrêté préfectoral visant à préserver le massif du Mont-Blanc. Au lendemain d’une nouvelle réunion en préfecture de Haute-Savoie pour finaliser ce document destiné à encadrer les activités qui seront autorisées sur le plus haut sommet de l’Europe Occidentale, 20 Minutes a interrogé Jean-Marc Peillex (DvD). Le maire de Saint-Gervais, récemment réélu, nous explique ce qui va changer dans les prochains mois dans le massif.

L’arrêté en préparation fait-il suite à la venue d’Emmanuel Macron cet hiver sur la mer de glace ?

Oui. Si on refait un peu l’historique, en septembre dernier, après tout ce qu’on a pu voir sur le Mont-Blanc ces dernières années [rameur, jacuzzi, concerts…] et que j’étais le seul à dénoncer, j’ai écrit au Président de la République pour lui dire : "C’est bien l’Amazonie, mais il faudrait aussi s’occuper du Mont-Blanc". Comme c’est quelqu’un de réactif, il a réagi et a confié le dossier à Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. Elle nous a réunis avec le maire de Chamonix. Cela a abouti à la venue d’Emmanuel Macron le 13 février. C’est le seul qui respecte sa parole. Hollande, Sarkozy et Chirac, je les ai vus et ils n’ont jamais rien fait pour le Mont-Blanc. Lors de sa venue, il a annoncé qu’on allait faire un arrêté de protection des habitats naturels. Emmanuelle Wargon a proposé un texte. On en est à la 18e version. C’est donc un travail à peu près abouti qui a été présenté lundi.

Qu’est que qui va changer au sommet du Mont-Blanc ?

C’est la fin de la règle "au nom de la liberté on laisse tout faire", y compris ce qui était interdit par les textes. Le Mont-Blanc est protégé, c’est un site classé. Le camping par exemple y est interdit. Et pourtant, on a toléré pendant des années le camping autour du refuge du Goûter. Il y a encore cinq ans, on était monté jusqu’à 90 tentes, soit 180 personnes, alors que c’était interdit. Pendant des décennies, tout le monde s’est voilé la face. On a fait des textes et personne ne les a appliqués au nom de ce principe selon lequel la montagne est un espace de liberté. Mais comme on est allé trop loin, comme le gardien du refuge a failli se faire casser la figure, comme il y a eu une surfréquentation du sommet, les gens ont commencé à se dire qu’on ne pouvait plus continuer comme ça. Et il y a eu un basculement de prise de conscience. Mais jusqu’à 2018-2019, je me suis retrouvé bien seul.

Vous voyez donc votre bataille s’achever ?

Quand on fait un combat depuis dix-sept ans et qu’on arrive à l’objectif, bien sûr que c’est la consécration. Mais ce n’est pas la consécration d’une personne mais d’un combat. C’est la fin de quelque chose et le début d’autre chose. Mon combat n’a jamais été de vouloir sacraliser et d’interdire mais de trouver une règle d’équilibre. Pour ne laisser dans la montagne que la trace de nos pas. Il s’agit de dire oui, nous avons une montagne que nous devons respecter. Mais non, il ne s’agit pas de tout interdire, comme cela a été fait dans certains pays de la chaîne himalayenne.

Qu’est qu’il ne sera plus possible de faire ?

J’ai essayé pendant des années de faire la liste des interdits, de dire " on va interdire de monter en VTT et avec un mât, avec un rameur…" Et puis l’année dernière, je me suis dit que si on faisait cela, dans ce monde de fou, si on écrit "interdit aux VTT" par exemple et qu’on oublie de mettre VTT électrique, on va avoir quelqu’un avec un VTT électrique. Donc arrêtons de raisonner en interdits et raisonnons positivement en disant plutôt ce qui est possible. C’est comme ça que j’ai proposé au président de la République de réserver les activités à l’alpinisme et au ski. Et le maire de Chamonix a fait préciser au ski d’alpinisme.

Dans quelle zone ces activités seront acceptées ?

C’est dans la zone centrale, celle qui regroupe une bonne partie du massif du Mont-Blanc du côté des Houches, de Chamonix et de Saint-Gervais. Il y a aussi une petite zone périphérique qui est sur le plan de l’Aiguille, à Chamonix, et à Saint-Gervais sur le nid d’aigle, à l’arrivée du tramway du Mont-Blanc jusqu’au glacier de Tête Rousse. Là, on a aussi des gens qui viennent avec le train à crémaillère pour faire autre chose que de l’alpinisme et du ski. Ils viennent pour découvrir un glacier etc... Il faut leur imposer des règles de respect du site mais avec des pratiques adaptées. Il doit être possible de faire du trail ou du VTT. Il sera aussi possible de monter avec sa voile dans le dos et de redescendre en parapente. Mais atterrir sur le sommet en parapente, ce n’est plus possible. Sauf si, comme le prévoit l’arrêté, une activité est autorisée par le préfet de manière temporaire et dérogatoire, après avoir recueilli l’avis des maires concernés.

D’autres points n’ont pas encore été tranchés, comme imposer un âge minimum pour grimper.

C’est une proposition qui a été faite par le conseiller montagne du préfet et le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) car, l’an dernier, un Russe a voulu faire faire le Mont-Blanc à son gamin de 7 ans. Le maire de Chamonix a demandé le retrait de ce point. Moi, je trouve que cette idée est intéressante. Quand on fait une règle, c’est pour tout le monde. Et les enfants qui sont capables de faire le Mont-Blanc à 10, 11 ou 12 ans, ce sont des exceptions. Il s’agit par exemple de la fille d’un guide, du garçon d’un gardien de refuge. Je souhaitais donc qu’au-dessous d’un certain âge, l’accompagnement par un guide soit obligatoire et que ce soit à ce dernier, professionnel, de décider si le gamin peut ou ne peut pas faire l’ascension. Ce débat sur l’instauration d’un âge minimum est encore ouvert. Le conseiller du préfet doit y réfléchir en lien avec les guides notamment.

A partir de quand ces nouvelles règles vont s’appliquer ?

Les communes, à savoir Les Houches, Chamonix et Saint-Gervais, vont délibérer en juillet. Et puis il y aura la consultation du comité scientifique, de la chambre d’agriculture et de l’ONF pour aboutir dans la deuxième quinzaine d’août à une mise à disposition du public. Chacun pourra donner son avis. Après cela, le préfet signera et cela deviendra quelque chose de définitif à l’automne.

D’ici là et notamment pendant l’été, rien ne va changer alors pour encadrer les activités ?

Aujourd’hui, on en est à la phase administrative. On consulte, mais on est tous d’accord. Le président, son ministre, tout le monde est d’accord et raccord. Mais d’ici la signature de l’arrêté, j’ai inventé l’application morale. C’est-à-dire que tous ceux qui vont faire des contrôles (brigade blanche, PGHM…) ont cette mission de faire comprendre à tous les alpinistes que tout a changé et qu’il faut dès à présent mettre en pratique ce que tout le monde veut. C’est l’application morale d’une décision qui juridiquement n’est pas encore prise.

Il ne pourra pas y avoir de verbalisations ?

On sera dans la pédagogie et la prévention. Mais en faisant bien comprendre qu’on ne peut plus accepter un certain nombre de choses, comme monter un rameur sur le Mont-Blanc. On trouvera des choses pour verbaliser lorsque cela sera nécessaire.

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