Édito Les mafias qui se repaissent du Covid

L'Est Républicain - 22 juin 2020 à 05:00 - Temps de lecture :
Photo ER/ Alex MARCHI
Photo ER/ Alex MARCHI

par Pascal SALCIARINI

Pendant que les démocraties sociales s’enfoncent dans la crise économique, sous assistance respiratoire de la Banque centrale européenne, les mafias profitent discrètement de la pandémie et reprennent du poil de la bête. Gavées de « cash » issu du marché noir, elles investissent dans l’économie légale, pour blanchir l’argent sale de la drogue, de la prostitution et du trafic d’armes, en provenance notamment de Serbie ou du Kosovo. « La pandémie est la situation idéale pour les mafias. Quand tu as faim, tu cherches du pain. Peu t’importe de quel fournil il provient et qui le distribue », explique sur son compte Instagram, l’écrivain anti-mafia Roberto Saviano, parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme. Il est passé le temps de la mafia de cinéma, de la « French Connection » et de ces pauvres gueux coulés vivants dans le béton au large de Naples ou de Marseille. Dans un entretien à l’Institut Montaigne, la très respectée Paola Severino, professeur de droit pénal et ancienne ministre de la Justice italienne, décrypte bien la nouvelle mafia post-pandémie. Celle qui se repaît de petites faillites de proximité, de ces artisans étranglés de dettes. Celle encore qui fond comme un vautour sur des PME en mal de liquidités. La mafia italienne et ses cousines européennes peuvent donner des leçons d’économie : « Les mafias sont les structures les mieux organisées du capitalisme contemporain », fulmine Roberto Saviano. Paola Severino ne dit pas autre chose : les associations criminelles approchent les entreprises qui ont besoin de ressources financières et les achètent. De gré ou de force. Un phénomène exclusivement italien ? « En aucun cas, les organisations criminelles internationales ont accumulé d’immenses liquidités financières au fil du temps. Qui permettent de créer des opportunités de rachats d’entreprises affaiblies » confirme Paola Severino. L' agroalimentaire, l’approvisionnement en médicaments et en matériel médical, les transports routiers, les services funéraires, le nettoyage, l’assainissement et l’élimination des déchets, le trafic d'organes : sur ce terreau ''concurrentiel'', le cynisme mafieux a transformé la tragédie virale en or sale. Écœurant.