Covid-19 : un vaccin français testé sur l'homme à partir de juillet

INTERVIEW. L'Institut Pasteur passe à la vitesse supérieure dans la course au vaccin contre le coronavirus. Un essai clinique est sur le point de débuter.

Propos recueillis par

Temps de lecture : 7 min

Une équipe de chercheurs français est sur le point de lancer les premiers essais cliniques sur leur projet de vaccin, développé en partenariat avec le groupe MSD. Ces travaux devraient donner un sacré coup de pouce à la lutte contre le coronavirus. Christophe d'Enfert, directeur scientifique de l'Institut Pasteur, à l'origine de ce projet, revient pour Le Point sur cette formidable avancée.

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Le Point : Où en est le projet de vaccin MV-Sars-CoV-2 que développent vos équipes ?

Christophe d'Enfert est directeur scientifique de l'Institut Pasteur.
 ©  François Gardy
Christophe d'Enfert est directeur scientifique de l'Institut Pasteur. © François Gardy
Christophe d'Enfert : Les tests sur les animaux que nous avons réalisés tout au long du printemps nous ont permis de sélectionner un candidat-vaccin dont nous savons qu'il permet la production d'anticorps neutralisants capables de bloquer le Sars-CoV-2 in vitro. Nous nous apprêtons à le tester, courant juillet, sur 90 volontaires en France et en Belgique. Cette première phase clinique permettra à la fois d'évaluer son innocuité sur l'être humain et sa capacité à induire une réponse immunitaire.

Lire aussi Dans les coulisses de l'Institut Pasteur

S'agit-il du projet de vaccin dont vous nous parliez lors de votre dernière interview au Point ?

Oui. Nous y utilisons une souche atténuée du virus de la rougeole, normalement utilisée pour la vaccination contre la rougeole, et dont le patrimoine génétique a été modifié pour qu'il produise la protéine Spike qui permet au coronavirus de pénétrer dans nos cellules.

Une technique ancienne ?

Pas si ancienne que cela puisqu'elle remonte au début des années 2000. Mais une technique prometteuse, car elle nous a permis de mettre au point plusieurs vaccins, dont le dernier, contre le chikungunya, entre actuellement en phase 3 (la toute dernière étape avant sa commercialisation). C'est aussi en recourant à ce virus recombinant que nous avons pu développer des vaccins contre d'autres maladies comme le Zika, le Sars ou encore la fièvre de Lassa

Il ne s'agit donc pas de la technique traditionnelle qui consiste à recourir à une version inactivée d'un pathogène…

Non. La méthode que vous évoquez est une méthode qui a notamment permis de mettre au point les premiers vaccins contre la polio. D'autres méthodes ont été développées depuis : celle des virus recombinants, dont je viens de vous parler, et une autre qui recourt à l'injection d'acides nucléiques (ADN, ARN) et permet de transmettre aux cellules situées au site de l'injection des instructions pour qu'elles fabriquent par exemple la protéine Spike entraînant la réponse immunitaire contre le coronavirus.

Lire aussi Les soldats de l'Institut Pasteur sur le front des épidémies

Pour revenir à votre projet de vaccin MV-Sars-CoV-2, s'il entre en phase 1 courant juillet, quand pourra-t-il être commercialisé ?

À ce stade, je préfère rester prudent. Disons le premier semestre 2021.

C'est plus tôt que ce qui était prévu, non ?

Effectivement. Nous sommes allés plus vite que nous ne l'espérions sur les premières étapes. Toutes les procédures ont été accélérées, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Et la route est semée d'embûches. Notre candidat-vaccin remplit tous les critères pour qu'un lot clinique puisse être testé sur l'homme. Cette phase 1 examinera si sa formule est bien tolérée, si elle ne provoque pas des effets secondaires. Elle nous aidera aussi à déterminer quelles doses sont les plus adaptées pour produire des anticorps et des cellules immunitaires ciblant le Sars-CoV-2. En fonction des résultats obtenus, nous lancerons alors les phases 2 et 3.

De quoi s'agit-il ?

La phase 2 vérifiera si la formule de ce vaccin induit une réponse immunitaire protectrice. Et la phase 3 si celle-ci prémunit bien contre une infection. Ces deux phases peuvent être couplées pour gagner du temps. Elles seront sous la responsabilité de nos partenaires, Themis et MSD, et pourraient débuter en octobre. Les premiers résultats de la phase 3 pourraient être obtenus courant mars 2021. Mais nous serons peut-être exposés, à ce moment-là, à un problème.

Lequel ?

La diminution du nombre de personnes atteintes par le virus. Si nous voulons pouvoir comparer l'effet relatif du vaccin face à l'agent pathogène, le bassin de personnes exposées au virus doit être relativement important.

C'est la raison pour laquelle certains laboratoires testent leurs vaccins au Brésil, où l'épidémie continue de flamber ?

Oui. D'autres, comme le Jenner Institute de l'université d'Oxford et le groupe biopharmaceutique AstraZeneca, se tournent, pour leur part, vers l'Afrique du Sud.

Lire aussi Le Covid-19 va-t-il survivre à l'été ?

De quelles aides bénéficiez-vous ?

Depuis que l'entreprise Themis Bioscience, avec qui nous avons signé un partenariat en 2012 sur la plateforme de vaccin contre la rougeole, a été rachetée par le groupe MSD en mai dernier, ce projet de vaccin bénéficie de l'appui du 4e groupe pharmaceutique mondial. C'est lui qui prendra en charge l'organisation des phases 2 et 3 en lien avec l'université de Pittsburgh, aux États-Unis. Ce partenariat est fondamental. Nous sommes une fondation de recherche à but non lucratif. Notre métier n'est pas la commercialisation de produits de santé. Le groupe MSD nous a, par ailleurs, donné l'assurance que le prix du vaccin en garantirait l'accès à tous. Nous sommes très attachés à cette idée que l'accès au vaccin soit équitable et non pas réservé aux seuls pays développés.

Votre institut bénéficie aussi d'une subvention de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), créée en 2017 notamment par la fondation Bill Gates.

Le CEPI nous a versé 4,5 millions d'euros pour financer les premières phases de développement du vaccin.

Pourquoi ne pas vous être associé au groupe Sanofi qui entretient des liens étroits avec votre maison ?

Nos liens sont étroits sur d'autres projets, mais pas sur celui-là.

Êtes-vous en train de rattraper votre retard sur les projets chinois, américains et britanniques ?

Nous avançons à notre rythme. Il n'y aura probablement pas un seul vaccin contre le Sars-CoV-2. Nous le savons. L'idée n'est pas d'être le 30e à arriver sur le marché mais dans les cinq premiers. La voie que nous suivons est claire. Et les procédés auxquels nous recourons sont fiables. D'autres ont pris de l'avance en se lançant dans l'aventure d'un vaccin ARN,comme le groupe américain Moderna. C'est une voie audacieuse, mais nous ne savons pas si elle sera couronnée de succès, ni comment son déploiement industriel à grande échelle pourra se faire.

Avez-vous d'autres projets de vaccin contre le Covid-19 ?

Bien sûr. Nous explorons en parallèle plusieurs technologies. L'une d'entre elles recourt à un vecteur lentiviral de type HIV. Les premiers résultats en la matière sont très encourageants. Nous développons ce projet avec la start-up Theravectis, issue de l'Institut. Nous nous interrogeons sur la possibilité de lancer prochainement des essais cliniques.

Quand ?

Cela pourrait intervenir pendant l'été.

D'autres équipes travaillent-elles à des vaccins contre le Sars-CoV-2 ?

Oui. Nous testons un projet de vaccination ADN permettant de faire produire la protéine Spike par les cellules situées au site de l'injection entraînant la réponse immunitaire. Là aussi, les premiers résultats sont très satisfaisants. Nous avons la même réflexion que pour le vaccin lentiviral. Quatre autres projets se penchent sur les moyens d'optimiser les antigènes vaccinaux ou l'utilisation d'autres vecteurs. Un de nos buts étant de permettre une réponse cellulaire cytotoxique (où des cellules tueuses s'en prennent à l'agent pathogène).

Aux États-Unis resurgit actuellement la question des challenges infectieux (ou Human Challenge Trial) qui consiste, après les avoir vaccinés, à infecter volontairement des patients avec un virus. L'Institut Pasteur est-il prêt à se lancer dans ce type d'expérimentation ?

À ce stade, la réponse est clairement non. Du moins s'agissant du Sars-CoV-2. Le Covid-19 est trop dangereux pour que nous y exposions des volontaires, fussent-ils jeunes et en bonne santé. Nous savons que des associations encouragent ce type d'essais et que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) y réfléchit. Mais compte tenu de l'absence de traitement efficace du coronavirus, nous ne voulons pas prendre ce risque. Ce n'est pas une position de principe, car cette méthode peut, en effet, être très intéressante dans d'autres contextes. Pour certaines pathologies, nous l'avons fait. Nous allons ainsi prochainement commencer un « challenge infectieux » contre la shigellose : une dysenterie bacillaire potentiellement mortelle pour les enfants. Nous le ferons en partenariat avec l'université du Maryland aux États-Unis dans un cadre très médicalisé. Nous n'exposerons que des adultes au bacille shigella. Et nous le ferons car nous savons que cette maladie n'est pas mortelle pour les adultes et peut être traitée par antibiotique. Le risque est donc minime. Ce qui n'est pas le cas avec le Covid-19.

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Commentaires (14)

  • Diegodelavega

    Comme perdre de l’argent alors qu’un pèlerinage à Marseille et la tournée du traditionnel pastis à l’hydroxychloroquine miraculeuse suffiraient, tout au moins selon de nombreux spécialistes...

  • Lupolupo

    En 2018 Sanofi-Pasteur avait déployé un vaccin contre la dengue. Après beaucoup de décès aux Philippines et Brésil et la preuve que le vaccin au lieu de protéger au contraire favorisait la dengue, Sanofi a dû retirer le vaccin du marché. Si on développe trop vite pour des raisons commerciales on risque la vie des gens, dans le cas de la dengue c’étaient tous des enfants. Espérons que cette fois ci ça marche...

  • othello1

    Rassurez vous ; les tests vont être faits sur le Professeur Raoult, Trump et Bolsonaro. Ça devrait vous plaire