LE TOPO

Christo & Jeanne-Claude en 2 minutes

En bref

Artistes de la démesure, il ont empaqueté le Pont-Neuf à Paris, le Reichstag à Berlin, des kilomètres carrés d’îles et de falaises rocheuses. Le couple formé par Christo (1935–2020) et Jeanne-Claude (1935–2009) a signé, depuis leur rencontre en 1958, l’une des œuvres les plus originales de l’art in situ. D’abord proches des Nouveaux Réalistes dans les années 1960, le couple dissimule l’évidence pour mieux la donner à voir, dans un geste d’une grande poésie. Les deux artistes ont toujours financé eux-mêmes leurs projets monumentaux, et paradoxalement éphémères, en vendant les dessins préparatoires réalisés par Christo. Malgré le décès de ce dernier survenu en juin 2020, l’artiste aura réussi à concrétiser l’un de ses plus chers rêves : emballer l’arc de Triomphe (prévu en automne 2021) !

Jeanne-Claude et Christo devant le Pont-Neuf empaqueté (1975–1985) en 1985
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Jeanne-Claude et Christo devant le Pont-Neuf empaqueté (1975–1985) en 1985

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Photo Wolfgang Volz / © Christo

Christo a dit

« L’œuvre d’art est un cri de liberté. »

Leur vie

D’origine bulgare, Christo Vladimiroff Javacheff est né en 1935. Enfant, il baigne dans un climat artistique, sa famille ayant aidé des artistes en fuite pendant la Seconde Guerre mondiale. Son enfance, justement, est marquée par la guerre, avant la mise en place d’un régime communiste en Bulgarie. Dans les années 1950, le futur Christo entreprend des études dans le domaine des beaux-arts, ayant toujours eu une prédilection pour le dessin.

Le régime communiste imposant aux artistes de travailler pour la propagande, Christo décide de fuir à Vienne dès 1956. Deux ans plus tard, il s’installe à Paris où il rencontre Jeanne-Claude Denat de Guillebon. Née à Casablanca, le même jour que Christo, le 13 juin 1935, la jeune femme deviendra sa femme et son alter-ego.

Dans les années 1960, le couple fréquente les Nouveaux Réalistes. L’art descend dans la rue, s’impose et s’inspire du réel. C’est à cette époque que Christo commence à empaqueter ses premiers objets, principalement des bouteilles ou des meubles, mais aussi des modèles vivants. Il crée ainsi sa signature, son geste artistique. Tous les deux s’installent à New York en 1964.

Personnalités complémentaires, Christo et Jeanne-Claude forment un véritable binôme. Christo dessine, Jeanne-Claude gère la concrétisation des projets monumentaux. C’est aussi elle qui porte en public la parole de l’artiste. Rapidement, l’échelle de leurs projets se monumentalise. Il ne s’agit plus d’empaqueter des objets, mais des monuments, des sites, des paysages.

Ces empaquetages monumentaux débutent dès les années 1960 et se poursuivent dans les années 1980 et 1990 : 2,5 kilomètres de falaises près de Sidney en 1969, le Pont-Neuf à Paris en 1985, le Reichstag de Berlin en 1995… Des lieux porteurs d’une histoire ou d’enjeux politiques. La logistique nécessaire à de tels projets est impressionnante, et doit être appuyée par une volonté politique. En soustrayant momentanément au regard monuments et bâtiments, paradoxalement Christo et Jeanne-Claude amplifient leur existence et en font des emblèmes de la liberté d’expression.

Leur art se veut populaire, démocratique et expérimentable par tous. Le geste est d’autant plus fort que ces œuvres ne sont pas commercialisables. Nul ne peut les posséder. En revanche, le couple finance ses multiples projets en vendant les nombreux travaux préparatoires, dessins et maquettes produits par Christo. Beaucoup de ces projets n’ont jamais vu le jour.

L’œuvre de Christo et Jeanne-Claude relève-t-elle de la sculpture ? Christo, d’une certaine manière, le pensait. Cependant, il s’agit de sculptures particulières de par leur caractère éphémère et leur rapport à l’appropriation de l’espace. Leur démarche est souvent rattachée au mouvement du land art, même si le couple s’en défendait. Bien que l’on puisse donner une dimension politique ou sociétale à l’œuvre de Christo et Jeanne-Claude, ces derniers ont toujours affirmé travailler uniquement pour l’art, dans une quête universelle de beauté.

Leurs œuvres clés

Christo, Le Pont-Neuf empaqueté, Paris
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Christo, Le Pont-Neuf empaqueté, Paris, 1975–1985

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Photo Wolfgang Volz / © Christo 1985

Le Pont-Neuf empaqueté, Paris, 1975–1985

Il faut à peu près une dizaine d’années à chacun des projets du couple pour voir le jour. Le travail sur l’empaquetage du Pont-Neuf a donc débuté en 1975. Christo montre ici son attachement à cette ville qui l’a accueilli, et où il rencontra Jeanne-Claude. Ce fut une prouesse, tant sur le plan technique qu’administratif. Bien qu’elle fut discutée, l’œuvre devint rapidement le centre d’une large attention médiatique. Le Pont-Neuf fut enveloppé d’une toile reprenant la couleur de la pierre, retenue par des cordes et des chaînes d’acier. Cette intervention renouvela le regard porté sur l’un des ponts les plus emblématiques de Paris.

Christo, Le Reichstag empaqueté, Berlin
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Christo, Le Reichstag empaqueté, Berlin, 1971 – 1995

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© Alamy / Hemis

Le Reichstag empaqueté, Berlin, 1971 – 1995

En empaquetant le siège du Parlement allemand, Christo et Jeanne-Claude réactivent la mémoire du mur de Berlin, tombé en 1989. Le dos du bâtiment se trouve en effet tout près du mur qui symbolisait la division du pays.  Depuis toujours ulcéré par ce mur, Christo avait organisé des actions d’opposition politiques dans les années 1970. La chute du mur signifia symboliquement la fin d’une Europe divisée par le rideau de fer. Tout aussi symbolique est l’action des deux artistes sur le bâtiment, incendié par les nazis en 1933 puis reconstruit. Par ce geste qui transfigure la mémoire d’un lieu, d’un paysage, d’une vue urbaine, Christo et Jeanne-Claude offre un nouveau point de vue sur l’histoire. Cette intervention fut très polémique.

Christo, Le Mastaba de Londres
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Christo, Le Mastaba de Londres, sur le lac Serpentine de Hyde Park, Londres, le 21 juin 2018

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Empilement de 7 506 bidons • 20 × 30 × 40 m • © Maja Smiejkowska / SIPA

Mastaba, Londres, 2018

Dans cette installation éphémère, Christo (devenu veuf) renoue avec l’usage du baril, qu’il avait déjà employé dans les années 1970. Installée sur le lac Serpentine, au sein de Hyde Park, cette monumentale sculpture évoque la forme des édifices funéraires de l’Égypte ancienne. Mais la polychromie audacieuse, évoquant l’amour, s’adresse aussi à sa femme disparue. Une nouvelle fois, Christo nous invite à porter un regard contemporain sur des thèmes ancestraux, celui de l’amour et de la mort. S’y exprime toujours cette poésie particulière aux interventions de l’artiste, sans brutalisme.

Par • le 29 juin 2020

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